Le gouvernement Harper continue de peser de tout son poids pour tenter de faire approuver la construction du controversé pipeline Keystone XL. Le ministre canadien des Ressources naturelles, Joe Oliver, a d’ailleurs fait le voyage jusqu’à Washington mercredi afin de mettre en garde le gouvernement américain contre un éventuel rejet de ce projet de transport de pétrole des sables bitumineux à travers les États-Unis.
« Les États-Unis vont devoir faire un choix : ils peuvent choisir le Canada, un ami, un voisin et un allié, pour s’approvisionner en pétrole, ou ils peuvent choisir d’importer ce pétrole de pays moins amicaux, moins stables, et avec des règles environnementales moins strictes, voire pas de règles du tout », a martelé M. Oliver lors d’une conférence devant le Centre pour les études stratégiques et internationales.
Le ministre a aussi averti qu’un refus de ce projet cher au lobby de l’énergie fossile constituerait un dangereux précédent pour les relations entre Ottawa et Washington. « Sans aucun doute, d’autres oléoducs vont être construits aux États-Unis, que Keystone XL soit approuvé ou rejeté. Mais rejeter ce projet constituerait un sérieux revers dans la relation énergétique de longue date entre nos deux pays », a-t-il laissé tomber. Selon Joe Oliver, la multiplication des pipelines transportant de l’or noir permet d’accroître « l’indépendance énergétique de l’Amérique du Nord ».
Le porteur du message conservateur en matière de pétrole s’est également porté à la défense de la sécurité de telles installations, malgré les déversements survenus au cours des dernières années en sol américain. « Cet oléoduc n’a rien à voir avec les pipelines du passé. Nous développons de nouveaux standards, depuis les soudures des tuyaux jusqu’aux inspections complètes qui seront effectuées 26 fois par an : ce n’est plus l’oléoduc de votre grand-père », a soutenu M. Oliver.
Le projet Keystone XL, piloté par TransCanada, doit permettre de faire couler 830 000 barils de pétrole brut par jour de l’Alberta jusqu’aux raffineries du Texas. Cet or noir doit être extrait des sables bitumineux canadiens, grande fierté du gouvernement Harper. L’exploitation de cette ressource énergétique fossile est très énergivore et produit un grand volume de gaz à effet de serre.
Risques environnementaux
Des scientifiques et des groupes écologistes estiment que Keystone XL présente des risques environnementaux majeurs, notamment pour le climat. Un ancien haut dirigeant de la NASA a ainsi pressé l’an dernier Barack Obama de laisser tomber l’importation de pétrole extrait des sables bitumineux. « Si le Canada va de l’avant, et si nous laissons faire, ce sera la fin pour le climat actuel », a affirmé James Hansen, membre du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat.
Lundi, l’Agence de protection de l’environnement a aussi souligné que l’étude d’impacts menée pour le projet Keystone comportait une lacune majeure : elle ne précise pas qu’en cas de déversement dans un cours d’eau, une part importante du pétrole brut peut carrément couler au fond, ce qui rend le nettoyage beaucoup plus ardu.
TransCanada, pour sa part, n’a que faire des critiques. Mardi, l’entreprise a même accusé l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis d’attaquer la souveraineté du Canada en demandant à Washington de travailler avec Ottawa pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des sables bitumineux.
Malgré les arguments avancés par les opposants à Keystone XL, il semble bien que le président Barack Obama donnera le feu vert au projet sous peu. La pression du lobby pétrolier se fait d’ailleurs de plus en plus forte à Washington. Un récent rapport du département d’État américain évalue aussi que cet oléoduc n’aura pas d’impact majeur sur le développement des sables bitumineux, qui se poursuivra avec ou sans Keystone XL.
La production des sables bitumineux doit en effet doubler au cours des prochaines années, d’où la nécessité de trouver de nouveaux marchés pour cet or noir. C’est d’ailleurs en partie pour cette raison qu’Enbridge entend inverser le flux dans son pipeline, qui part du sud de l’Ontario pour se rendre dans l’est de Montréal. Il sera alors possible de transporter du brut albertain jusqu’en sol québécois. TransCanada souhaite aussi convertir un gazoduc en oléoduc pour transporter du pétrole albertain jusqu’au Québec. Le gouvernement Marois s’est montré intéressé par les deux projets.
Selon un sondage dévoilé lundi, 70 % des Américains et 60 % des Canadiens ont une opinion « positive » ou « plutôt positive » du projet Keystone XL. Une majorité d’Américains (63 %) et de Canadiens (55 %) jugent d’ailleurs plus important d’assurer l’indépendance énergétique du continent que de lutter contre les gaz à effet de serre, ajoute le sondage. Les Québécois (53 %) sont les seuls habitants des deux pays à penser majoritairement le contraire.
Avec l’Agence France-Presse
Pipeline Keystone XL - Mise en garde d’Ottawa à Washington
«Rejeter ce projet constituerait un sérieux revers dans la relation énergétique de longue date entre nos deux pays»
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