À chaque été son choc européen. La dissension politique au Portugal nous ramène à une question cruciale venant de cet enlisement toujours plus profond de l’Europe dans la récession et le chômage : quand la crise de la zone euro deviendra-t-elle impossible à gérer ?
Les données d’Eurostat dévoilées le 15 mai ont eu l’effet d’une double douche froide. La zone euro s’enfonçait dans sa plus longue récession, avec un recul de son PIB pour un sixième trimestre consécutif. Et la France y faisait écho, cette économie entrant officiellement en récession. Pour Berlin, si la crise jusque-là contenue aux pays composant le « Club Med » était gérable, son extension à la France est susceptible de raviver le débat sur la pertinence et l’existence de la monnaie unique. Sur le continent de l’austérité, il faudra peut-être commencer à réaliser qu’au-delà de la froide mathématique, l’économie est d’abord et avant tout une science sociale.
La crise politique inattendue au Portugal sonne le glas de l’austérité consensuelle. Si les objectifs appelant à la rigueur et aux réformes demeurent incontestés, la problématique est associée au dosage. Le rythme de réduction des déficits publics est intenable et l’introduction de mesures ciblées de relance devient urgente.
Il appert que la Commission européenne, le Fonds monétaire international et la Banque centrale européenne auraient tiré des leçons de leurs erreurs ayant conduit à la tragédie grecque. Le Portugal a eu droit à un délai d’un an en mars dernier, Lisbonne ayant obtenu de ses créanciers une année supplémentaire pour atteindre la cible imposée de réduction du déficit public. Les conditions contraignantes imposées au Portugal avaient déjà été assouplies en septembre 2012. Malgré cet élan de compassion, rien n’y fait. La semaine dernière, l’Institut national des statistiques annonçait que ce pays sous assistance financière internationale avait comptabilisé un déficit public de 10,6 % du PIB au premier trimestre de 2013, contre 7,9 % un an plus tôt. Sur 12 mois, il s’élevait à 7,1 %, contre 6,4 % pour l’ensemble de 2012 et une cible désormais fixée à 5,5 % pour la fin de 2013.
Aucun encouragement, non plus, provenant des projections pour 2013. Ainsi, le gouvernement portugais table désormais sur un repli du PIB de 2,3 % cette année, soit plus de deux fois la cible précédente. Et le taux de chômage va bondir à 18,2 %, puis à 18,5 % en 2014. L’actuelle crise politique peut bien conduire à des élections anticipées amenant l’actuelle opposition socialiste à former un prochain gouvernement majoritaire, le mal est fait.
Calculs politiques
En mai dernier, en réaction au dévoilement des chiffres sur la décroissance en Europe au premier trimestre débordant désormais à la France, le Financial Times rappelait les sombres calculs politiciens de Berlin. Le gouvernement allemand considère la plupart des pays en crise comme gérables, même si une nouvelle poussée de fièvre en Italie poserait de sérieux problèmes. Mais si la crise s’étend à la France, Berlin pense que la question de l’existence de l’euro se poserait à nouveau, a-t-on pu lire dans Presseurope.
Au cours des trois premiers mois de 2013, le PIB de la zone euro a reculé pour un sixième trimestre consécutif, provoquant la plus longue récession pour ce bloc économique depuis la création de la monnaie unique. Le taux de chômage évolue de record en record, avec un nouveau sommet à 12,2 % en avril, poussant celui de l’Union européenne à 11 %, avec 26,5 millions de chômeurs. Les moins de 25 ans sont particulièrement touchés, avec un taux de chômage de 23,5 %, soit 5,6 millions de jeunes chômeurs dans l’UE. Dans ce segment, la Grèce défie toute logique avec un taux stratosphérique de 62,5 %, suivie par l’Espagne (56,4 %) et la Croatie (51,8 %).
Quant à la dette publique en pourcentage du PIB, le ratio ne fait qu’exploser depuis le choix politique d’opter pour l’austérité sans croissance. Il atteignait 90,6 % dans la zone euro à la fin de 2012, contre 80 % trois ans plus tôt, et 85 % dans l’UE, contre 75 % à la fin de 2009. Pour les pays dits du « Club Med » composant le PIGS, le poids de l’endettement public atteint le statut d’obésité morbide. À 157 % du PIB de la Grèce à la fin de 2012, contre 130 % trois ans plus tôt. À 127 % pour l’Italie (contre 116 %), à 123,6 % pour le Portugal (contre 83,7 %) et à 84,2 % pour l’Espagne (contre 54 % à la fin de 2009).
Quand tout cela va-t-il devenir ingouvernable ?
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé