(Québec) Analyse. Y a-t-il encore une campagne Pauline Marois? Depuis dimanche, beaucoup d'attention paraît canalisée par l'irruption de Pierre Karl Péladeau comme candidat. Dans tous les camps, les enjeux sont passés au second plan, laissant toute la place à une question centrale: peut-on être à la fois élu, membre du gouvernement et magnat de la presse?
Pauline Marois prévoyait une campagne rassurante portant sur l'économie, où on parlerait aux francophones de la Charte des valeurs. La souveraineté devait être enfermée dans une petite boîte, un «livre blanc sur l'avenir du Québec» avec la mention «ne pas ouvrir avant le 7 avril».
Or, la chef péquiste était entraînée hier dans des conjonctures allant jusqu'aux frontières d'un Québec souverain. Son adversaire Philippe Couillard sonnait le tocsin comme si on était à la veille du référendum d'octobre 1995. Mme Marois soutenait hier qu'elle était prête à parler «de toutes les questions», mais les premiers jours de campagne ne correspondent sûrement pas au plan de match de ses conseillers.
Plus «déterminé» que sa chef, M. Péladeau a fait de l'ombre à Pauline Marois. Son effet s'atténuera peut-être avec le temps, mais il est clair que c'est lui qui a amené la caravane péquiste en dehors des sentiers prévus. Au grand soulagement de bien des souverainistes, d'ailleurs, qui se sont sentis revigorés par le leader- en-devenir levant le poing pour promettre le pays.
Son refus, épidermique, de vendre ses actions de Québecor reflète sa personnalité profonde. Autocrate, il ne supporte pas la contradiction - bien des cadres de Québecor craignaient d'ailleurs l'arbitraire de ses verdicts. Dans les officines péquistes, on se demandait, perplexes comment se passerait le coup de fil entre Nicole Stafford, chef de cabinet de Mme Marois, et la nouvelle vedette. Quand on n'a jamais eu de patron de toute sa vie, on n'est pas habitué à prendre des commandes.
La chef au second plan
Déjà, lors de sa conférence de presse, dimanche, le magnétisme et le charisme du candidat- surprise reléguaient la chef au second plan. Elle semblait avoir hâte que ce candidat, vers qui allaient toutes les questions, termine son laïus.
Elle ne le connaissait pas tant que ça: bien sûr, au fil des ans, ils se sont croisés dans de nombreuses occasions sociales. Mais quand elle l'a rencontré, il y a plus d'un an, à son bureau du conseil exécutif à Montréal, c'était leur premier véritable entretien, expliquait-on cette semaine dans l'entourage de Mme Marois. Il s'était dit «prêt à servir»; elle lui avait, un peu plus tard, parlé d'Hydro-Québec, dont il allait accepter la présidence du conseil d'administration.
L'automne dernier, elle était revenue à la charge pour tenter de le convaincre. Toutefois, mobilisé par sa séparation d'avec Julie Snyder, il a décliné - sans appel, pensait-on alors. Quand il a décidé de faire le saut, au début de la semaine dernière, Mme Snyder a passé un coup de fil à Mme Marois pour lui assurer qu'elle était d'accord avec son choix. Les médias ont-ils été pris de court? Depuis l'automne, tous vérifiaient régulièrement les rumeurs voulant que le patron de presse soit candidat péquiste. Jusqu'à tard samedi soir, à quelques heures de l'annonce, l'entourage de Mme Marois niait, sans l'ombre d'une hésitation, sa candidature. On avait nié avec la même assurance sa nomination à Hydro-Québec l'an passé. Comme si on craignait plus que tout de heurter Pierre Karl Péladeau.
Ceux qui côtoient le patron de Québecor depuis plusieurs années ne croient pas que ce dernier s'est lancé en politique avec autant de spontanéité. En affaires, il a toujours eu la réputation de planifier ses décisions à long terme. Mme Marois a 65 ans, elle devra un jour passer le relais. Les successeurs éventuels Bernard Drainville, Jean-François Lisée, Pierre Duchesne et même Réjean Hébert devront probablement en faire leur deuil.
Il reste 26 jours à cette campagne. Les Québécois verront rapidement qui, de Pauline Marois ou de Pierre Karl Péladeau, est profondément «déterminé».
Le poids média
L'entrée en scène d'un candidat-vedette produit toujours des étincelles. Mais dans le cas de Pierre Karl Péladeau, c'est carrément l'incendie. Quarante-huit heures après l'annonce de sa candidature, la nouvelle dominait les palmarès médiatiques non seulement québécois, mais aussi canadiens. Survol.
> 7,86% 9 et 10 mars 2014
Poids médiatique au Québec de la candidature de Pierre Karl Péladeau, 48h après son annonce.
> 6,29% 5 et 6 août 2012
Poids médiatique au Québec de la candidature de Jacques Duchesneau, 48h après son annonce.
> 3,30% 3 et 4 mars 2014
Poids médiatique au Québec
de la candidature de Gaétan Barrette, 48h après son annonce.
> 1,26% 31 juillet et 1er août 2012
Poids médiatique au Québec de la candidature de Gaétan Barrette, 48h après son annonce.
-Source: Influence communication
- Judith Lachapelle
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