Hélène Buzzetti , Alec Castonguay - Devant plus de 1000 sympathisants libéraux réunis hier soir au Sheraton de Montréal, le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, a soutenu qu'il avait «besoin des Québécois» pour remplacer le gouvernement Harper à Ottawa.
Le chef libéral a dit vouloir «ramener les Québécois au pouvoir» et ainsi créer «un gouvernement de compassion, de créativité et de compétence». «C'est ici, à Montréal, que nous unissons nos souffles pour que se lève le vent du changement au Canada. Et ce vent, il va emporter le gouvernement idéologique de droite de Stephen Harper», a-t-il lancé.
Une main tendue qui s'accompagne toutefois d'un avertissement: il n'est pas question de donner davantage de pouvoir au Québec au sein de la fédération ou encore de faire des gestes concrets pour donner du relief à la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des communes. C'est ce qu'a affirmé Michael Ignatieff lors d'une entrevue accordée au Devoir hier après-midi, quelques heures avant son discours à Montréal.
Même si le chef libéral est à l'origine du débat sur la reconnaissance de la nation québécoise, il n'a pas l'intention de proposer des actions concrètes. «Quand j'ai dit qu'il fallait reconnaître qu'il y a une identité nationale chez les Québécois, c'était simplement pour me rendre à l'évidence. C'était pour moi un constat. Ce n'était pas plus que cela. En politique, il faut se rendre aux faits», a dit M. Ignatieff en entrevue.
Le chef libéral estime que la reconnaissance de la nation québécoise était avant tout une entreprise pédagogique. «Le grand effet de cette démarche a été de changer l'opinion publique dans le reste du Canada. Dire qu'il ne faut pas s'affoler à cause de ce phénomène qui s'appelle le nationalisme québécois. C'est une fierté nationale qui est compatible avec l'identité canadienne.»
Il reconnaît que certains voudraient voir des gestes suivre cette reconnaissance, notamment sur le front constitutionnel. «Les bloquistes et les nationalistes attendent plus de contenu constitutionnel, convient-il en entrevue. Mais je crois que les Canadiens, de langue française ou anglaise, en ont marre des discussions constitutionnelles parce qu'ils gardent un assez mauvais souvenir des tentatives des années 1990. Ils ont découvert, et c'était une triste découverte, qu'un des pires moyens d'améliorer le Canada est de nous plonger dans un débat constitutionnel.»
Selon lui, le fédéralisme actuel «fonctionne bien» et le Québec a tous les pouvoirs qu'il lui faut. Le Parti libéral, comme le Parti conservateur, n'a donc pas l'intention de laisser au Québec la maîtrise complète en matière de culture et de communications, comme l'a déjà réclamé le gouvernement Charest.
Michael Ignatieff a toutefois promis hier soir, s'il prend le pouvoir, de rétablir le financement fédéral destiné aux tournées des artistes à l'étranger. Les programmes culturels Routes commerciales et PromArt ont été abolis dans la controverse par le gouvernement Harper il y a un an. «La culture, c'est ce qui nous rend vivants. [...] La culture est la vitrine des peuples. Couper dans la culture, c'est se rendre invisible aux yeux du monde. C'est ce que fait Stephen Harper, a-t-il affirmé, recevant une ovation debout de plusieurs secondes. Je veux un gouvernement qui comprend que Guy Laliberté, Robert Lepage et Robert Charlebois ne sont pas que des artistes, mais les symboles de l'énergie créatrice que nous voulons déployer dans toute la population.»
Le chef libéral a dit vouloir faire de la culture l'un des trois piliers de son éventuel gouvernement, avec l'innovation et le savoir.
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Plus de 1100 billets à 500 $ chacun avaient trouvé preneur hier soir au cocktail de financement libéral. «C'est une belle réussite. L'objectif n'était pas d'avoir le plus de gens possible, mais d'amasser de l'argent. Un demi-million en une soirée, c'est très bien», se félicitait d'ailleurs Rocco Rossi, le directeur national du PLC. Il s'agissait du plus gros événement libéral fédéral au Québec depuis que Michael Ignatieff est devenu chef, en décembre dernier.
Les trois présidents d'honneur de l'événement proviennent des milieux d'affaires: Hélène Desmarais (liée à Power Corporation), Pierre Roy (Astral) et Jacques L. Ménard (Banque de Montréal).
En entrevue avec Le Devoir, Michael Ignatieff a d'ailleurs soutenu que le milieu québécois des affaires et le PLC se sont rapprochés après un passage plus difficile sous le règne de Stéphane Dion. «Nous avons retissé nos liens avec la communauté d'affaires du Québec, dit M. Ignatieff. Ce n'est pas simplement une question de financement. Bien sûr, ils nous soutiennent, mais plus important encore, ils nous donnent de bons conseils.»
En matière économique, Michael Ignatieff a d'ailleurs tenu à faire taire les rumeurs qui circulent sur une possible augmentation des impôts lors d'un éventuel gouvernement libéral. «Je ne veux pas augmenter le fardeau fiscal des Canadiens; ni pendant une récession ni après», a-t-il dit en entrevue.
Il affirme toutefois que le déficit fédéral, qui atteindra près de 50 milliards de dollars cette année, sera difficile à combler. «Il faudra que je propose aux Canadiens un programme responsable. Je ne pourrai pas ajouter de vastes sommes sur le déficit. Alors, j'espère qu'avec une bonne stimulation de l'économie [...] on va voir le retour des revenus. Et petit à petit, on va rétablir l'équilibre des finances publiques. Ça va nous prendre cinq dures années au moins.»
Lors de son discours en soirée, il a d'ailleurs attaqué les conservateurs sur la gestion des finances de l'État, eux qui dirigent en pleine récession. «Avec les conservateurs de droite de M. Harper, la réputation internationale du Canada a été salie, la marge de manoeuvre financière a été gaspillée. Il y a plus de chômeurs, plus d'enfants pauvres, et le Canada est devenu la risée du monde en environnement. Imaginez: en moins de trois ans, le gouvernement de Stephen Harper a pulvérisé un surplus de 13 milliards», a-t-il affirmé.
Des flèches au Bloc
Le chef libéral a aussi lancé quelques flèches au Bloc québécois, qui domine la province depuis 1993. «Aux dernières élections, les Québécois ont protesté contre le gouvernement de droite de Stephen Harper et beaucoup de Québécois ont voté pour le Bloc. Les Québécois ont protesté, mais Stephen Harper est encore là. Protester est un choix. Protester est un droit. Mais protester n'est pas une solution. Le Bloc québécois n'est pas une solution pour se débarrasser de Stephen Harper», a-t-il lancé, invitant les Québécois à voter pour le PLC aux prochaines élections.
Pas question de donner plus de pouvoirs au Québec
Aucun geste ne suivra la reconnaissance de la nation québécoise, dit Ignatieff
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