Quand nous avions rencontré André Boisclair pour le magazine L’actualité, Carole Beaulieu et moi, en septembre dernier, il avait été très clair sur ses intentions : son adversaire, Jean Charest, avait déjà creusé sa tombe et il le pousserait dedans !
« Ma thèse est que Jean Charest a creusé sa tombe dans l’opposition, avait expliqué le chef du Parti québécois. Il a fédéré autour de lui tous les insatisfaits, il a dit oui à tout le monde, aux insatisfaits du secteur de la Santé, aux gens insatisfaits des fusions municipales, aux insatisfaits du trop haut niveau de taxation. Il a dit à tous : «venez avec moi…» Et il a signé de sa main des engagements pour les séduire et, le lendemain des élections, il les a laissés tomber…»
Cette campagne est jeune mais il ne fait pas de doute que le thème de l’intégrité tiendra beaucoup de place, tant dans le discours de Boisclair que dans celui de Mario Dumont. Par exemple, le premier ministre n’a pas seulement «menti» à la population, il a «trahi les familles», renchérit Mario Dumont.
La fiscalité est un point faible des Libéraux car ils n’ont pas réussi à vendre l’idée que le poids de l’impôt pèse moins lourd qu’en 2003 sur les frêles épaules des contribuables. Ils avaient un bon vendeur pour expliquer cela aux Québécois, Yves Séguin, mais Jean Charest l’a viré. On peut toujours voir cela avec cynisme, le ras-le-bol du contribuable est bien réel et on en reparlera tout au long de la campagne, surtout autour du 19 mars, alors que le gouvernement fédéral, lui, annoncera d’autres allègements du fardeau fiscal.
Le deuxième point faible des Libéraux est la santé. Il s’agit d’un gouffre financier, qui accapare l’essentiel de l’augmentation des dépenses publiques, sans résultat tangible. Le très logomachique Philippe Couillard peut toujours vanter son bilan, son problème est qu’il est bien le seul du réseau de la santé, avec ses propres sous-ministres, à le croire. Les professionnels de la santé – du plus dévoué médecin de famille au plus brillant spécialiste, de la plus humble infirmière au plus grand chirurgien – tous ces gens-là ne croient rien de ce que leur ministre dit. Pire : ils expliquent à tous les patients qu’ils rencontrent, que Philippe Couillard – lui aussi ! – est un menteur. [Le secteur qui va plutôt bien serait celui de l’éducation dont on entend très peu parler : où est Jean-Marc Fournier depuis le début de cette campagne ?]
Attendez-vous à ce qu’André Boisclair soit prudent dans ses discours électoraux. Cela aussi, il l’avait confié à L’actualité en septembre dernier : « je préfère subir une certaine critique alors que je suis chef de l’Opposition, disait-il, parce que je tiens à protéger ma crédibilité pour le moment où je serai premier ministre. Ce que je dis je le ferai, et je ferai ce que j’aurai dit que j’allais faire. Je préserve entièrement ma marge de manœuvre…»
C’est ainsi que sur la question du Mont Orford, il est d’une extrême prudence. Le Mont Orford restera un parc national, tout ce qui n’a pas encore été entrepris sera annulé, mais s’il y a des condos qui sont construits et que des gens les ont achetés, Boisclair n’ira pas mettre des dizaines de millions de dollars pour exproprier.
Voilà la différence entre le Charest de 2003 et le Boisclair de 2007. Le premier fut prêt à tout pour rallier le plus de gens possibles et finalement réunir une majorité derrière lui. Le second, contre vents et marées, refusera de promettre la lune. On verra bien quelle est la stratégie la plus payante…
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