La journée devait être celle de Robert Bourassa. Elle l'a bien sûr été officiellement, mais ce sont d'anciens premiers ministres péquistes, invités in extremis (le comité libéral les avait négligés), qui ont volé la vedette, Jacques Parizeau critiquant Lucien Bouchard et ce dernier faisant de l'ombre à Jean Charest et à André Boisclair.
Québec - Le désaccord entre deux anciens premiers ministres péquistes à propos de la productivité québécoise a détourné l'attention lors des cérémonies en l'honneur de Robert Bourassa hier.
Au terme du dévoilement de la statue de ce dernier, l'ancien chef péquiste Jacques Parizeau a créé une petite commotion en déclarant aux journalistes: «Une fois de plus, les Québécois ont déçu M. Bouchard. Une fois de plus. Je trouve ça dommage.» M. Parizeau réagissait aux déclarations que son successeur avait faites au réseau TVA lundi, selon lesquelles les Québécois travaillent «moins d'heures» que les Ontariens et les Américains.
«M. Parizeau m'a lui-même beaucoup déçu un certain soir d'octobre 1995», a rétorqué M. Bouchard lors d'un point de presse à l'université McGill hier après-midi. L'ancien premier ministre venait de prononcer un discours à l'occasion du premier anniversaire de la publication du Manifeste pour un Québec lucide.
Les deux anciens chefs péquistes avaient été invités in extremis, cette semaine, par Jean Charest lui-même, lequel avait ainsi voulu corriger une bourde protocolaire du comité organisateur des célébrations, qui avait d'abord choisi de ne pas les inviter. (Seul Daniel Johnson avait été convié.) Le président du comité, l'avocat Jean Masson, s'en est lui-même excusé mercredi.
MM. Bouchard et Parizeau, qui ont eu bon nombre de différends dans leur parcours politique - notamment au moment du référendum de 1995 -, étaient assis côte à côte et avaient pourtant échangé une rare poignée de main quelques minutes avant la cérémonie.
Pluie d'hommages
Le dévoilement de la statue de Robert Bourassa a donné lieu à une véritable pluie d'hommages hier. Quelque 1000 personnes, au premier chef la famille de l'ancien premier ministre, dont la veuve de M. Bourassa, Andrée Simard-Bourassa, s'étaient massées sous un ciel bas et lourd dans la section du parterre du parlement réservée aux chefs politiques de la Révolution tranquille.
«À travers le dévoilement de son monument à l'Assemblée nationale, il prend officiellement sa place dans l'histoire du Québec», a déclaré M. Charest, qui a loué «l'engagement total» de M. Bourassa dans la vie politique québécoise. Soulignant les nombreux diplômes et le bilan de l'ancien premier ministre, il a affirmé que celui-ci avait «transformé ses connaissances en ambitions pour le Québec». Faire la liste de ses réalisations donne l'impression de «décrire le Québec d'aujourd'hui», a soutenu M. Charest.
André Boisclair a pour sa part salué l'accent que les parents de Robert Bourassa, d'extraction modeste, avaient mis sur l'éducation de leur fils. Le chef souverainiste a vanté «l'audace» de l'homme qui a imaginé les barrages du Grand Nord. Il a aussi rappelé la profonde déception que la famille souverainiste a ressentie au cours de la période qui a suivi l'échec de Meech. Malgré tout, a conclu M. Boisclair, il reste cette phrase de juin 1990, d'ailleurs inscrite au bas de la statue: «Le Québec est aujourd'hui et pour toujours une société distincte, libre d'assumer son destin et son développement.»
Le chef adéquiste Mario Dumont a pour sa part évoqué sa «rupture» avec M. Bourassa, toujours dans l'après-Meech. «Malgré cela», il a dit garder «le souvenir d'un homme qui aimait passionnément le Québec et qui s'était engagé à [le] faire triompher par la voie économique».
Le bronze de M. Bourassa, de style hyperréaliste, a été dévoilé hier par ses quatre petits-enfants. Mesurant 2 m 40, elle fait dos à celle de René Lévesque et voisine celle de Jean Lesage. Elle est l'oeuvre du sculpteur Jules Lasalle. La Commission de la capitale nationale (CCN) a piloté l'opération avec le comité de M. Masson. Contrairement à ce qui a été fait dans le cas d'autres statues - notamment celles de M. Lévesque -, un comité artistique a effectué un concours à partir de maquettes, a fait savoir la CCN.
Outre la statue, on a rendu hommage à l'homme, qui a été premier ministre de 1970 à 1976 et de 1985 à 1994, de plusieurs façons hier. Une motion a été adoptée par l'Assemblée saluant son apport à la «nation» québécoise. Était aussi inaugurée hier à la Bibliothèque du Parlement une exposition intitulée Lire Bourassa, qui recense tous les écrits du premier ministre ainsi que tous ceux qui lui ont été consacrés. Dans une vitrine, on peut notamment voir le livre Comment Robert Bourassa fera l'indépendance, dont M. Boisclair s'est amusé dans son discours. Quelques objets sont aussi exposés, dont un 45-tours électoral, une tuque aux couleur de la campagne de 1970 et des cartons d'allumettes arborant des photos de M. Bourassa.
Productivité
Par ailleurs, plusieurs dignitaires sont revenus sur les propos de M. Bouchard sur la productivité hier. Le premier ministre Charest lui-même a raconté dans un couloir du parlement avoir lancé à la blague à M. Bouchard qu'il avait «tenté de le joindre» cette semaine. «Je lui ai dit: "J'ai pas réussi, sans doute parce que tu ne travaillais pas!" Il l'a trouvée drôle! », a-t-il relaté. Croisant M. Bouchard à la bibliothèque, l'ancienne ministre de la Culture péquiste Agnès Maltais lui a dit: «Il me semble que vous étiez plus de gauche quand il y avait des femmes autour de vous.»
Parizeau et Bouchard volent la vedette à Bourassa
Un différend entre les deux anciens leaders péquistes crée une petite commotion lors du dévoilement de la statue de l'ancien premier ministre
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