Ottawa instaure un programme spécial d’immigration rapide pour les Afghans qui ont œuvré comme traducteurs, qui ont travaillé à l’ambassade canadienne ou qui ont effectué d’autres tâches au service du Canada.
Les ministres de l’Immigration, Marco Mendicino, de la Défense, Harjit Sajjan, et des Affaires étrangères, Marc Garneau, ont annoncé vendredi que des mesures de rapatriement sont mises en place avec les alliés du Canada sur le terrain pour que ces personnes et leurs familles puissent être évacuées rapidement et en toute sécurité d’Afghanistan.
« Ces personnes ont servi de traducteurs à nos soldats sur le champ de bataille et, dans bien des cas, leur ont sauvé la vie. Souvent au péril de leur vie, ils ont fait des sacrifices pour aider le Canada, a expliqué le ministre Mendicino. Non seulement le Canada a une dette de reconnaissance envers eux, mais nous avons aussi une obligation morale d’agir correctement à leur égard », a-t-il ajouté.
Le ministre Mendicino n’était pas en mesure de dire combien d’Afghans seraient ainsi évacués, mais il a parlé de « plusieurs milliers » de personnes. Ces Afghans seront accueillis au Canada avec un statut particulier de réfugiés.
« Les Affaires étrangères et la Défense nationale travaillent rapidement à identifier et aider ces personnes et des équipes opérationnelles sont présentement sur le terrain en Afghanistan », a déclaré M. Mendicino.
La menace des talibans
L’opération est rendue nécessaire par les avancées des talibans, qui prennent le contrôle de plusieurs régions du pays et qui considèrent tous les interprètes, travailleurs d’ambassades et autres comme des collaborateurs de l’ennemi.
« Le risque de représailles des talibans est grand. Les Afghans qui ont soutenu le Canada sont soumis de manière répétée et délibérée à des menaces de violence, de torture et de mort, tout comme le sont leurs familles, et ces menaces ne font que s’intensifier », a expliqué Marco Mendicino.
Son collègue à la Défense, Harjit Sajjan, a fait valoir que « la situation sécuritaire en Afghanistan s’est empirée au cours des derniers mois ». Bien qu’il se soit montré avare de détails, M. Sajjan a laissé entendre que des militaires canadiens se trouvaient sur place. « Les Forces armées canadiennes travaillent de façon diligente. Ils ont fait ce genre de travail à plusieurs reprises dans le passé. Ils connaissent bien la région. »
Appel au cessez-le-feu
En fait, la situation militairement instable sur le terrain fait en sorte qu’aucun détail n’a été révélé sur la nature de l’opération ni sur le moment où elle s’amorcera, mais il est clair que l’on ne tardera pas.
« Nous prenons très au sérieux notre responsabilité envers nos employés canadiens et afghans, nos collaborateurs sur le terrain et leurs familles. Pour des raisons de sécurité, nous ne sommes pas en mesure de partager les détails opérationnels spécifiques, mais je peux vous assurer que nous agirons rapidement », a pour sa part déclaré le ministre des Affaires étrangères, Marc Garneau.
Le risque de représailles des talibans est grand. Les Afghans qui ont soutenu le Canada sont soumis de manière répétée et délibérée à des menaces de violence, de torture et de mort, tout comme le sont leurs familles, et ces menaces ne font que s’intensifier.
Il en a profité pour lancer un appel qui risque fort de ne pas être entendu : « Le rythme de la progression des talibans depuis un mois est troublant. Nous appelons à un cessez-le-feu permanent pour mettre un terme aux souffrances interminables du peuple afghan et pour faciliter l’apport d’aide humanitaire à ceux qui sont dans le besoin. »
Les trois ministres ont insisté sur le fait que le Canada avait un devoir et une obligation morale de rapatrier ces gens qui ont risqué leur vie pour soutenir les diverses missions canadiennes en Afghanistan.
Chercher le positif
La mission militaire canadienne dans ce pays a été lancée en 2001 et a pris fin en 2014. Quelque 40 000 soldats canadiens ont participé à ces missions, qui ont coûté la vie à 165 militaires.
Interrogés sur le bilan que l’on doit tirer de tous ces efforts que le Canada et d’autres pays ont menés en vain pour instaurer une certaine stabilité en Afghanistan, les ministres Sajjan et Garneau ont refusé de parler d’un échec, se contentant de dire que les Forces armées canadiennes devaient être fières du travail accompli.
Le ministre Sajjan a rappelé que, grâce à la présence du Canada et de ses alliés, « il y a eu une génération de jeunes filles qui ont pu aller à l’école. Cette génération a grandi », a-t-il fait valoir, tout en reconnaissant les limites d’une intervention étrangère.
« Aucune nation ne peut établir la destinée d’un autre pays. Ils doivent prendre leurs propres décisions. Les paramètres que nous avons mis en place là-bas pour la population ont eu des effets importants. Le monde entier va surveiller l’Afghanistan et les talibans […] et les efforts qui ont été faits là-bas et qui ont touché ces vies ne pourront jamais être effacés », a-t-il conclu.
Depuis des semaines, les oppositions conservatrice et néo-démocrate réclamaient du gouvernement Trudeau qu’il agisse rapidement pour venir au secours de ces interprètes et travailleurs ainsi que de leurs familles devant la menace que présente la progression des talibans sur le terrain.
La veille, le chef conservateur Erin O’Toole avait écrit au premier ministre Justin Trudeau, déplorant son inaction.
Trois généraux à la retraite, tous d’anciens commandants de la force de combat en Afghanistan, avaient fait de même en juin.