Option Canada - Charest pourrait témoigner pendant la campagne

Son chef de cabinet a aussi été convoqué par le juge Grenier

Option Canada


Trois-Rivières et Drummondville -- Le premier ministre Jean Charest a été convoqué pour témoigner devant le juge à la retraite Bernard Grenier, qui enquête actuellement dans le dossier d'Option Canada, une société-paravent dont le camp du NON se serait servi en 1995 pour contourner la loi électorale du Québec. M. Charest, qui était le vice-président du camp du NON en 1995, pourrait donc être appelé à témoigner pendant la campagne électorale puisque le juge Grenier tient coûte que coûte à respecter son échéance du 31 mars, comme il l'a dit au Devoir le 24 janvier dernier. De deux choses l'une: ou bien le commissaire-enquêteur Grenier reporte pour une quatrième fois le dépôt de son rapport (initialement attendu le 21 juin 2006, puis le 21 septembre dernier, puis le 31 mars prochain), ou bien le premier ministre est convoqué avant le 31 mars. Une possibilité que ni lui ni son entourage n'ont niée hier. «On n'a pas de contrôle sur ça, nous», a dit son attaché de presse, Hugo d'Amours.

«J'ai été invité à témoigner, comme on s'y attendait», a rappelé le premier ministre hier à Trois-Rivières, en marge de l'annonce d'une aide financière à la papeterie Kruger. Plus tard, le bureau de M. Charest a informé Le Devoir que le premier ministre avait reçu un «avis» en novembre dernier, lequel ne comportait pas de date précise de convocation. Son chef de cabinet, Stéphane Bertrand, qui était directeur général du PLQ en 1995, a reçu le même type d'avis en janvier. M. Charest a déclaré que «tout le monde» dans son entourage «allait collaborer au travail du juge Grenier. Sans exception, les gens chez nous vont collaborer».
Les sénateurs
Dans ses mémoires intitulés The Way It Works - Inside Ottawa (Douglas Gibson Books), l'ancien conseiller spécial de Jean Chrétien, Eddie Goldenberg, affirme que M. Charest, qui était alors chef du Parti conservateur, avait été mêlé aux préparatifs de la campagne du NON dès février 1995. Il explique qu'il avait alors mis sur pied une «coalition» des forces fédéralistes au Québec, qui «coopéreraient pour établir une stratégie concertée pour le référendum». Dans cette coalition, en plus des «libéraux fédéraux et provinciaux», il y avait le Parti progressiste-conservateur, note M. Goldenberg. Pour participer à la direction de cette coalition, M. Charest «avait délégué ses organisateurs seniors au Québec, le sénateur Pierre-Claude Nolin et mon bon ami [écrit M. Goldenberg], l'ancien sénateur Jean Bazin».
Participait aussi à ces réunions le diplomate Howard Balloch. Ce dernier est le signataire d'un document classé «secret» qui se trouve en annexe au rapport Gomery et qui a été déposé à l'Assemblée nationale le 20 février par l'opposition péquiste. Dans ce document, on évoquait la possibilité de financer des activités de propagande fédéraliste «sous le couvert de la campagne sur les rôles et services du gouvernement du Canada» et d'en faire partager les coûts aux partenaires, soit le Conseil pour l'unité canadienne, le PLQ et le gouvernement fédéral.
«J'étais sur le terrain»
M. Charest a réaffirmé hier qu'il n'avait pas été mis au courant de la création d'Option Canada. D'abord, au sujet des affirmations de M. Goldenberg, il a répondu ceci: «Je ne vais pas commenter à la pièce un commentaire qui a été fait par quelqu'un d'autre.» Plus tard, il a affirmé que MM. Nolin et Bazin, qui le représentaient, ne lui faisaient «pas de rapport» sur ce qui se disait lors des réunions de la coalition. «Posez-leur ces questions. Ils sont en bien meilleure posture pour répondre à ces questions que moi», a-t-il répondu en anglais. M. Nolin n'a pas rappelé Le Devoir hier. Interrogé à ce sujet mercredi, M. Charest notait qu'en 1995, il était chef «d'un parti politique avec deux députés à la Chambre des communes» et que les moyens n'étaient pas grands. «Je n'ai pas fait des réunions d'organisation, moi, j'étais sur le terrain et je faisais campagne», a-t-il dit.
L'enquête du juge Grenier a été commandée par le directeur général des élections, Marcel Blanchet, après la publication du livre Les Secrets d'Option Canada (Les Intouchables) de Robin Philpot (candidat péquiste dans l'actuelle campagne électorale) et Normand Lester. À partir d'une boîte de documents contenant l'essentiel des finances de l'organisation occulte, ceux-ci ont déterminé qu'Option Canada avait dépensé quelque 5,2 millions de dollars en infraction à la loi électorale québécoise.
Joint à Montréal hier, le commissaire-enquêteur Bernard Grenier a catégoriquement refusé de répondre à nos questions. Le 24 janvier, il avait indiqué au Devoir qu'il avait encore de «10 à 15 personnes» à interroger avant de terminer son enquête et de plancher sur la rédaction de son rapport. Le 11 janvier, le DGE avait confié qu'il reporterait la publication du rapport Grenier si celui-ci lui était remis en pleine campagne électorale, afin de «ne pas mêler les cartes» ou d'influer sur le jeu électoral. Le chef de l'opposition, André Boisclair, ainsi que les représentants de l'ADQ avaient alors protesté publiquement. Le 24 janvier, M. Blanchet faisait volte-face et affirmait qu'il publierait le rapport «dès que possible» lorsqu'il l'aura reçu, élections ou pas.


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