Je me souviens

Option Canada

Les libéraux fédéraux viennent peut-être de heurter l'iceberg qui les coulera. On verra. Chose certaine, les révélations de Normand Lester établissent au moins que dans les bureaux libéraux, à Ottawa, il n'y avait pas de limites au mépris de la démocratie québécoise.
Pour aller à l'essentiel, Option Canada était un organisme doont on nous a caché l'existence pendant la campagne référendaire de 1995. Financé par le gouvernement fédéral, donc pas nos impôts, Option Canada a dépendé des millions de dollars en faveur du camp du NON, de façon clandestine, en violation de la loi québécoise, qui prévoit évidemment que les deux camps doivent lutter à armes égales.
La défense de Paul Martin consiste à dire que le gouvernement fédéral devait défendre le Canada à tout prix et que, bien sûr, seules les valeurs libérales sont de vraies valeurs canadiennes. C'était parfaitement prévisible, totalement minable et complètement inacceptable. Non, la fin ne justifie pas tous les moyens.
Mais si nous avions davantage de mémoire, nous nous rappellerions qu'il n'y a là rien de nouveau. L'occupation du Québec par l'armée canadienne en 1970, l'emprisonnement de centaines d'innocents qui ne furent jamais accusés, l'infiltration du gouvernement Lévesque par la GRC, le vol des listes de membres du PQ, vous vous en souvenez? Et le rapatriement unilatéral de la Constitution par Trudeau? Et le rejet méprisant des microscopiques demandes québécoises lors de l'épisode du lac Meech ? (...)
Qui sommes-nous ?
Un jour, j'ai demandé à mes étudiants s'ils savaient ce qu'avait été la crise d'Octobre 1970. Le plus allumé d'entre eux a levé la main et risqué une réponse: une récession économique? Les jeunes sont ce que nous en faisons. Si l'enseignement de l'histoire n'était pas aussi catastrophique, ils verraient aussi le fil qui relie ce qui se passe aujourd'hui à l'écrasement des Patriotes de 1838, au Rapport Durham, à la minorisation planifiée des francophones par l'Acte d'Union de 1840.
Mais nous sommes un peuple tellement engourdi, si anesthésié que nous trouvons quétaines ceux qui évoquent ce passé et un peu extrémistes ceux qui appellent au réveil collectif. Et puis, nous n'avons pas le temps de nous occuper de ces vieilleries. Nous sommes trop pris par des questions fondamentales comme les déboires de José Théodore ou les peines d'amour des adolescents de la téléréalité.
Parfois, je me pose des questions sur nous. Je me dis qu'un peuple fier, un peuple sérieux, s'il veut vraiment s'émanciper, doit être prêt à l'effort, au courage, à l'abnégation, comme les Irlandais, dont la situation historique est très similaire à la nôtre. Un peuple conscient de sa valeur est un peuple qui veut durer, qui veut se perpétuer.
Il doit donc regarder avec lucidité et force morale ce que nous préférons cacher : notre taux de natalité chétif, notre taux de suicide, la dette que nous léguerons aux travailleurs de demain pour avoir financé à crédit notre jouissance du présent. Mais nous regardons tout sous l'angle exclusif du plaisir immédiat et de la rentabilité matérielle.
Nous sommes devenus les champions incontestés des petites colères sans lendemain, du patriotisme une journée par année, de cette impuissante collective dont nous ne tirons aucune conclusion politique. Pour nous calmer, un petit chèque d'Ottawa suffit habituellement.
De toute façon, nous n'avons pas de temps pour ces futilités Tout le monde en parle commence dans quinze minutes. Il faut dire qu'on ne peut demander à un peuple d'être plus courageux que ses élites. Or, depuis trop longtemps, nos chefs nous tranquillisent au lieu de nous mobiliser, nous divisent au lieu de nous rassembler, nous séduisent au lieu de nous convaincre.


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