Le Conseil des Atikamekw d'Opitciwan, en Mauricie, se tourne vers les tribunaux pour faire reconnaître ses droits sur son territoire ancestral. La démarche, si elle est concluante, serait une première dans l'Est canadien.
Le Conseil a déposé mardi une requête à cet effet à la Cour supérieure du Québec, au palais de justice de Montréal.
La reconnaissance du titre et des droits ancestraux par la Cour supérieure du Québec demeure le meilleur moyen d’assurer la protection et la sauvegarde de notre territoire
, a déclaré Christian Awashish, chef du Conseil des Atikamekw d'Opitciwan, sur le parvis du palais de justice de Montréal, où il avait convié les médias.
La communauté située en Haute-Mauricie demande au tribunal de reconnaître son titre ancestral sur un territoire de 26 360 km2 et de lui permettre de le gérer en toute autonomie.
La requête vise également la reconnaissance des droits ancestraux liés à l’utilisation du territoire et de ses ressources, dont la chasse, la pêche, la trappe, la cueillette et la récolte pour la fabrication d’objets utilitaires ou culturels.
Les Attikameks d’Opitciwan disent avoir un titre exclusif sur l’ensemble de leur territoire ancestral, lequel n’a jamais été cédé.
Le Conseil soutient par ailleurs que la Convention de la Baie-James et du Nord québécois est un échec pour le territoire qui le concerne.
Une rupture des négociations aux côtés des autres communautés
Le Conseil a décidé de faire cavalier seul à la table de négociation avec Québec et Ottawa sur la question du territoire. Il rompt donc l'alliance qu'il avait jusqu'à présent avec les autres communautés attikameks.
Une mésentente entre les trois communautés à la table tripartite a poussé Opitciwan à se tourner seule vers les tribunaux.
« [Les communautés] sont au courant des attentes qu'on avait dans les négociations et, malheureusement, il n'y a pas eu de livraison. [...] Ce n'est pas un retrait de la nation, c'est un retrait du mandat de négociation », a précisé le chef Awashish en marge du point de presse.
Opitciwan, Wemotaci et Manawan militent ensemble depuis des dizaines d’années pour un titre exclusif afin d’utiliser le territoire de la nation et ses ressources pour la chasse, la pêche, la trappe et les autres activités traditionnelles.
« Quarante ans! Quarante ans de négociation qui n'ont mené à aucun projet de société jugé satisfaisant », a déploré le chef Awashish.
En 2014, la nation a déclaré sa souveraineté. Elle a par la suite marqué les limites de son territoire, en 2016.
Constant Awashish, grand chef du Conseil de la Nation atikamekw (CNA), qui regroupe les trois communautés, affirme en entrevue à Espaces autochtones n'avoir jamais été mis au courant de ces démarches. Il craint maintenant pour l'unité de la nation. « C'est dommageable pour notre réputation, pour notre crédibilité. Pour les négociations aussi, ça peut être risqué », indique-t-il.
Une démarche inspirée de la nation Tsilhqot’in
Le chef, les conseillers ainsi qu’une dizaine d’aînés étaient au palais de justice de Montréal mardi pour le dépôt officiel de la requête en Cour supérieure.
Opitciwan appuie sa démarche sur un jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans un dossier similaire. En 2014, les six bandes de la nation britanno-colombienne Tsilhqot’in ont obtenu un titre ancestral autochtone sur leur territoire.
Cette décision du plus haut tribunal canadien constitue une arme pour Opitciwan, affirme l'avocat Nadir André, qui représente le conseil de bande. « Ça devient quelque chose de réalisable, non plus théorique et académique. C'est sûr que ça va nous permettre, en comparant ce qu'il a fallu donner comme preuve en Colombie-Britannique, de reproduire cette preuve-là », dit-il.
Avec les informations de Maude Montembeault et de Laurence Niosi