Le français à Vancouver

On s’en fout !

Chronique de Louis Lapointe

J’habite Brossard. Je croise régulièrement des Québécois qui ne parlent pas français, je devrais plutôt dire des Canadiens. Alors, que le premier ministre du Québec fasse si peu de cas du fait que le français soit aussi rare que la neige aux Jeux olympiques de Vancouver, je m’en fous ! Je savais depuis longtemps que les habitants de Vancouver ne parlaient pas le français. J’ai même appris, il y a quelques semaines, qu’à l’extérieur du Québec, les francophones et les autochtones étaient les groupes les moins aimés au Canada.

Que les Canadiens ne m’aiment pas, ça ne me dérange pas, je le savais déjà. Ce qui me choque, c’est que des gens qui habitent chez nous me méprisent en refusant d’apprendre ma langue et que Jean Charest ne fasse rien. Combien de Canadiens habitant le Québec méprisent les francophones du Québec ? Une statistique que ce sondage ne révélait pas, mais qui doit être de la même nature que celle qui reflète l'état d'esprit des anglophones à l'égard des francophones dans le reste du Canada.

***

À l’occasion du 400e de la fondation de Québec, Yves Boisvert, un chroniqueur de la Presse, avait traité Pierre Curzy de colonisé parce que ce dernier avait osé questionner la venue de Paul McCartney sur les Plaines d’Abraham.

Ce n’est pas tant la venue de Paul McCartney à Québec qui avait choqué, c’était le contexte. On avait banalisé notre fête de fondation et en plus il aurait fallu s’excuser de le dire. Partout dans la ville de Québec on avait hissé des unifoliés rouges pour obtenir l’argent du fédéral afin de se payer un gros party et faire venir Paul McCartney à Québec aux frais des contribuables.

L’été dernier, c’est Marc Cassivi, un autre chroniqueur de la Presse, qui traitait de zélotes les jeunes patriotes qui avaient réclamé que la fête nationale soit fêtée en français.

Il est donc étonnant que la direction de la Presse déchire sa chemise parce qu’il n’y aurait pas assez de français à Vancouver, alors c’est au Québec que le sort du français est menacé.

Si la Presse traite les indépendantistes québécois de zélotes et de colonisés lorsqu'ils se portent à la défense du français au Québec, on s’étonne que personne parmi leurs grands chroniqueurs n’ait encore trouvé un nom pour définir ceux qui nous détestent à l’extérieur du Québec. En fait, on se doute bien que pour la Presse, un journal fédéraliste, les vrais ennemis du Canada ne sont pas tant les racistes canadiens que les indépendantistes québécois.

***

Quoi que l’on fasse, les gros mots ne changeront rien, la situation du français ne s’améliorera pas à l’extérieur du Québec, il est trop tard, les racistes ont gagné la guerre depuis longtemps, l’urgence est maintenant chez nous. Le Québec s’anglicise à grands pas et il n’est peut-être pas si loin le jour où nous fêterons le Québec en anglais à l’ombre des unifoliés canadiens.

Pendant que de pauvres imbéciles continuent de chérir leur rêve canadien, ici, au Québec, nous vivons de plus en plus le cauchemar canadien, le même mépris de notre langue que les francophones des autres provinces canadiennes ont subis durant toute leur vie et qui les ont conduits à leur lente disparition, voire à leur totale extinction. Ils avaient le malheur d'être minoritaires et de ne pas pouvoir se séparer! Une excuse que nous n'avons pas encore au Québec !

En ce sens, le spectacle auquel nous avons assisté à Vancouver, lors de l’ouverture des Jeux olympiques, reflétait bien la réalité canadienne où les acteurs francophones sont de plus en plus confinés à des rôles muets, leur langue étant de plus en plus méprisée.

Il y avait bien un francophone de service payé pour chanter en français le moment venu, mais ça, nous y sommes habitués. Tous les jours, nous voyons nos bons ministres fédéraux transporter leurs mallettes d’Ottawa vers Québec en parlant le français ! Un manège qui ne devrait pas changer, puisque, selon les rumeurs, Québec souhaite organiser les Jeux olympiques d'hiver de 2022 !

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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8 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    28 février 2010

    Que les Canadiens ne m’aiment pas, ça ne me dérange pas, je le savais déjà.
    Oui, mais vous rappelez-vous qu'ils sont venus de partout vous chanter une chanson d'amour en 1995? Un grand "love-in".
    C'était et c'est encore grotesque.

  • Archives de Vigile Répondre

    17 février 2010

    Effectivement, il faut cesser de s'étonner que les Canadiens anglais veuillent vivre dans leur langue chez eux. Il faudrait plutôt se demander pourquoi nous trouvons encore anormal de vivre dans notre langue chez nous. Pourquoi acceptons-nous que des Québécois connaissent peu ou pas du tout la langue nationale du Québec et ne l'utilisent pas? Pourquoi faut-il offrir des services publics en anglais à des Québécois?
    Néanmoins, si les Canadiens anglais veulent vivre dans leur langue et tenir des Jeux olympiques en anglais, ils devraient le faire avec leur argent, et non avec l'argent et les athlètes de la nation québécoise. À cet égard, il serait juste d'interpeler vertement Jean Charest, un véritable traitre qui accepte docilement et avec le sourire que l'argent de la nation québécoise (notamment les crédits d'impôt versés aux athlètes) soit utilisé pour la plus grande gloire d'Ottawa et pour brandir toujours plus d'unifoliés à la face des Québécois. Comme mouton, on a rarement vu plus tondu que ça.
    Pendant ce temps, les athlètes québécois ont, à Vancouver, un comportement digne des meilleures années de l'URSS. Ils passent leur temps à remercier le Canada. On ne les entend pas remercier l'État et le peuple québécois. Ils ont bien compris ce que l'on attend d'eux. Pas une fausse note ne doit venir troubler la grande opération de propagande fédérale pour laquelle le Parlement a été prorogé. Tout écart de comportement sera sévèrement réprimé. Les athlètes le savent très bien.
    Ce qu'il faut dire, ce n'est pas que nous sommes choqués de l'absence du français à Vancouver, mais bien que les plaintes et les récriminations sont inutiles et que la seule issue est de reprendre notre argent, nos pouvoirs et nos athlètes. Ça presse.

  • Serge Charbonneau Répondre

    17 février 2010

    Le français à Vancouver
    On s’en fout !
    Exactement.
    Le Canada est un pays anglais et il est tout à fait "normal" qu'on y parle anglais.
    Le seul affront est pour le comité olympique.
    Le français est une des langues officielles des olympiques.
    Mais pour ce qui nous concerne, ce n'est qu'une "normalité".
    Le Canada est un beau pays, mais ce n'est pas le nôtre.
    Serge Charbonneau
    Québec

  • Archives de Vigile Répondre

    17 février 2010

    Voici un texte qui résume ce que je pense de toute cette affaire :
    « Les signes de fierté canadienne sont partout », disait une journaliste de la télé du réseau anglais de Radio-Canada.
    Elle faisait référence aux nombreux Canadiens déambulant à Vancouver ou sur les lieux des compétitions.
    Des femmes et des hommes avec leur tuque, leur manteau, leur foulard, leur pantalon qui ont tous plus ou moins le même dénominateur commun : la feuille d’érable, le rouge vif canadien (voire libéral), ou, encore plus subtil, le gros Canada bien imprimé.
    Vous avez des doutes sur leur identité? Peut-être sont-ils des Américains, après tout? Non, leurs multitudes de « Go Canada » achèvent vos doutes.
    Les Canadiens (anglais surtout) se couvrent de Canada pour mieux se différencier des Américains. Et, étrangement (ouvrons les livres de psychologie classique), pour copier un peu leur patriotisme.
    Pendant ce temps sur une autre chaine de télé (toujours canadienne), il est question de la « so called French crisis ». Un journaliste du National Post basé à Calgary s’étonne de cette tempête dans un verre d’eau : « Vas-tu falloir qu’on détermine des quotas de français à chaque fois qu’on tient un événement », disait-il en substance.
    Calgary semble loin du Québec, imaginez Vancouver…
    La classe politique canadienne s’est longtemps demandé : « What does Quebec want? ». Il serait peut-être temps de demander à celle-ci : « Why do you want Quebec (in your federation)? »
    Des rébellions, une crise d’octobre, des négociations constitutionnelles, l’échec de Victoria, un référendum, des négociations constitutionnelles, l’échec de l’accord du Lac Meech, l’échec de l’accord de Charlottetown, un autre référendum…
    Il me semble que les occasions ont été nombreuses pour démontrer au Québec qu’on tient à lui. D’accord, certaines avaient un prix plus élevé que d’autre. Mais il me semble que la plus belle occasion ratée demeure celle de la dualité linguistique.
    Le Canada anglais a pourtant tant à gagner à apprendre le français : une réelle distinction avec le voisin américain, des relations harmonieuses et une meilleure compréhension de sa population francophone, un renforcement de l’unité nationale, etc.
    Même quand c’est juste pour la forme, le constat d’échec est omniprésent. Il y a le bilinguisme institutionnel qu’il nous rappelle depuis 40 ans, et là ce sont les Jeux olympiques qui, comble du comble, se déroulent au pays – où cohabitent, en théorie, deux langues officielles. Yeah, right.
    Le plus bel échec il est là, au niveau de la langue. Et il est en amont de tout le reste. Les unifoliés, les cris « Go Canada », les love-in improvisés « We love Québec » et les vêtements à l’effigie de la feuille d’érable ne bernent plus personne.
    Ça n’a jamais compté là où ça devait compter. Dans l’action, dans la bouche!
    Et c’est tant pis pour nous. Et pour eux, aujourd’hui et peut-être demain.
    Gaétan Doucet

  • Sylvain Rocheleau Répondre

    16 février 2010

    Vous avez tout à fait raison. J'ai traversé le Canada de Vancouver à Halifax et j'ai habité Toronto 3 ans. Je n'ai jamais attendu que les canadiens s'adressent à moi en français parce que je me considérais dans un autre pays. Leur pays est anglophone, le mien est francophone.
    Être indépendant c'est, entre autre, cesser d'avoir des attentes envers le Canada. Faire la vierge offensée qui n'a pas été traité comme elle l'aurait souhaitée, c'est prendre une position de faiblesse. Effectivement, qu'est-ce qu'on peut y faire à la condition francophone en dehors du Québec.
    Par contre, quand le français régresse comme il le fait à Montréal, on se doit de combattre et pas seulement un mandat sur deux...

  • Archives de Vigile Répondre

    16 février 2010

    En fait, non, ce n'est pas surprenant que La Presse déchire sa chemise.
    Faire de l'oblitération totale d'une nation une seule question de langue, réduire un déshonneur monumental à un simple débat linguistique, c'est l'unique avenue envisageable pour les adversaires de l'indépendance, quand il est tout simplement impossible d'ignorer l'indignation générale.

  • Anthony Garlando Répondre

    16 février 2010

    Voilà qui est bien dit ! franchement, cela fait déjà plusieurs mois qu'une certaine masse s'agite autour de la représentation réservée au fait français au sein des JO. Ce débat ne m'a pourtant jamais même sifflé les oreilles. Comme vous le dites, Me Lapointe, il y a fort longtemps que je n'ai plus aucunes attentes envers le ROC en ce qui concerne la question du Québec. Et j'aurais même souhaité qu'on ne prononce pas un seul mot de français, puisque les JO ont lieu au pays du Canada plutôt qu'au Québec. À mes yeux, ce sont deux États différents.
    Par ailleurs, cette polémique soulevée (entre autre) par La Presse ressemble davantage à un scénario ''arrangé avec le gars des vues'' qui lui servira à mousser sa cote de popularité auprès d'une frange de souverainiste plus modérée et autres nationalistes de café du quartier. Quand on y réfléchit, le coût économique et/ou politique d'une telle manoeuvre est, en pratique, nul alors que les retombées sont, dans tous les cas, positives.
    Allumez les feux de la rampe et que la comédie commence !

  • Archives de Vigile Répondre

    16 février 2010

    Malheureusement, la majorité des Québécois ne s'en fout pas. Ne voit pas combien sont mortel ces exutoires, ces critiques des fédéralistes et des nationalistes sur l'absence du français à ces JO.
    Elles leur donnent au contraire bonne conscience.
    Voyez comme j'aime ma nation, ma culture, ma langue, comme je ne tolère pas qu'elles soient bafouées, s'écrient-ils d'une seule lâche voix, en se gardant bien de dénoncer le système qui permet un tel séculaire déni.
    Ainsi s'affaiblit de fausse luttes en fausses luttes notre rapport de force.
    Jusqu'à ce qu'il devienne ridicule.
    "Aux armes, citoyens!", ai-je envie d'écrire, sachant très bien que c'est moi, qui, dans notre pitoyable contexte, devient ridicule.
    Mais à 75 ans révolus, je m'en fous.
    Andrée Ferretti.