COVID-19

« On ne saura jamais » l'impact du couvre-feu sur le nombre de cas de COVID-19

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Des mesures arbitraires nullement basées sur l'avis des scientifiques


« Avec le couvre-feu, on a réduit le nombre de cas. » Les mots sont ceux du premier ministre François Legault et ont été écrits samedi matin dans un message transmis à la population sur ses réseaux sociaux. Mais selon des experts consultés par Radio-Canada, « on ne sera jamais capable » de faire un tel lien de causalité sans considérer les autres efforts demandés aux Québécois.




En annonçant le reconfinement de la province et l'imposition d'un couvre-feu pour un mois, le 6 janvier dernier, le gouvernement du Québec n'était pas en mesure d'appuyer sa décision sur des conclusions scientifiques.


Le couvre-feu passe un signal et permet de diminuer les possibilités de contact. [...] Si vous me demandez s'il y a une étude contrôlée qui démontre ça, la réponse est non, avait répondu le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, à une question sur les preuves d'efficacité du couvre-feu ailleurs dans le monde.


Pourtant, le premier ministre François Legault n'a pas hésité, samedi, à faire un lien entre le couvre-feu et la baisse des cas. Il y a de l’espoir à l’horizon. Cette semaine on a fini la vaccination dans tous les CHSLD. On a vacciné 130 000 personnes dans le réseau de la santé. On avance. Et avec le couvre-feu, on a réduit le nombre de cas, a-t-il écrit aux Québécois.



Réduire les contacts


Invité à expliquer les fondements sur lesquels M. Legault tirait cette conclusion, son cabinet a apporté des précisions, mais maintient que le couvre-feu est responsable de la baisse des cas observée dans la province ces derniers jours.


Le couvre-feu permet de réduire les contacts, particulièrement dans les résidences privées. Cela a un effet direct sur le nombre de cas. [...] Le couvre-feu, jumelé aux autres mesures en place, fonctionne, a réagi son attachée de presse. On souligne au passage que le premier ministre aura l'occasion de faire le point à ce sujet cette semaine.


Le jour de l'annonce du couvre-feu, des questionnements avaient été soulevés sur sa justification, notamment par Québec solidaire. Pour restreindre autant la liberté des individus, il faut des justifications scientifiques solides, affirmait le député Gabriel Nadeau-Dubois.


Des exemptions au couvre-feu avaient aussi été demandées pour minimiser ses impacts sur les plus vulnérables.


Caroline Quach, pédiatre microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine.

Caroline Quach-Thanh, pédiatre microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine.


Photo : Radio-Canada




« On ne le saura jamais »


Plusieurs sources consultées par Radio-Canada évitent pour leur part de tracer un lien direct entre le couvre-feu et la baisse des cas, et encore moins de s'avancer sur son efficacité réelle parmi l'ensemble des mesures sanitaires demandées actuellement.


C'est le cas de la Dre Caroline Quach-Thanh, pédiatre microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine. On ne peut pas dire que c'est le couvre-feu, seul, qui a fait diminuer le nombre de cas. C'est l'ensemble des mesures, dit-elle en entrevue à Radio-Canada. De dire que c'est le couvre-feu [qui explique la baisse des cas], on ne sera jamais capable de le faire.



C'est l'ensemble de l'œuvre. [Quelle mesure] marche le mieux? On ne le saura jamais.


Dre Caroline Quach-Thanh, pédiatre microbiologiste-infectiologue au CHU Sainte-Justine


La Dre Quach-Thanh rappelle au passage que l'effet néfaste du temps des Fêtes est en train de s'estomper.


On se voit moins, les gens vont à l'école ou ils travaillent, et après ils rentrent chez eux, analyse-t-elle, ce qui pourrait expliquer la diminution des cas amorcée dès la deuxième semaine du mois de janvier.


L'avenue Honoré-Mercier est presque déserte un soir de couvre-feu.

L'avenue Honoré-Mercier un soir de couvre-feu, à Québec.


Photo : Radio-Canada / Claude Bellemare




Le CIUSSS de la Capitale-Nationale émet aussi des mises en garde avant de tirer des conclusions sur l'efficacité du couvre-feu. Dans le contexte où il est appliqué en même temps que plusieurs autres mesures, il est difficile d’établir de façon scientifiquement probante la preuve d’efficacité du seul couvre-feu, indique son porte-parole, Mathieu Boivin.



Mais il y a des raisons de croire que la mesure peut contribuer à casser la vague, affirme le CIUSSS. Si on ne peut démontrer hors de tout doute l’efficacité du seul couvre-feu, les résultats en France tendent toutefois à accréditer son impact, poursuit M. Boivin.


Sur le couvre-feu français, le président de l'Association des médecins microbiologistes-infectiologues du Québec émettait par contre des réserves sur ses résultats il y a deux semaines. Le couvre-feu, là où il a été essayé dans d'autres pays, la France en l'occurrence, n’a pas fonctionné. Parce que les gens se précipitaient pour aller faire leurs emplettes avant 20 h, avait déclaré Karl Weiss sur les ondes de Radio-Canada.


Effet dissuasif


Le ministère de la Santé et des Services sociaux évite lui aussi de s'avancer sur l'impact véritable du couvre-feu sur le nombre de cas dans la province. On y voit surtout un effet dissuasif auprès de la population de sortir après 20 h.


Des études d’observation révèlent que cette mesure empêche les rassemblements, dit-on, mais aucune implication directe du couvre-feu sur le nombre de cas n'a été rapportée à la suite de nos demandes de renseignements. Cela dit, lorsqu’elles sont bien appliquées, toutes les mesures sanitaires contribuent directement à la diminution des cas, prend-on soin de préciser.


Des lits d'hôpitaux alignés dans un corridor.

La baisse des cas, des décès et des hospitalisations est davantage le fruit d'un ensemble de mesures que du seul couvre-feu.


Photo : getty images/istockphoto / beerkoff




L'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) n'a pas répondu à notre demande d'informations au cours de la fin de semaine. L'organisation diffuse toutefois ses projections liées aux mesures sanitaires en vigueur au Québec jusqu'au 8 février, y compris le couvre-feu.


La mesure du couvre-feu n'y est pas isolée et, dans chacune des analyses et projections, l'INSPQ parle des mesures sanitaires en général. Le respect des mesures gouvernementales additionnelles mises en vigueur du 8 janvier au 8 février ferait fléchir les courbes des cas, prévoit-on, surtout si l'adhésion est forte dans la population.


On s'attend aussi à ce que les hospitalisations et les décès baissent à l’échelle du Québec dans les prochains jours, toujours si la population suit massivement l'ensemble des mesures imposées.




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