Constitution de 1982

On ne peut pas légitimement imposer au Québec ce qui n’est pas légitime

Chronique de Louis Lapointe

Comme c’est actuellement le cas pour la réforme du Sénat, dans les mois qui ont précédé le rapatriement de la constitution en 1982, la plupart des experts constitutionnels disaient que le gouvernement fédéral ne pouvait agir unilatéralement sans requérir l’unanimité des provinces, alors que le Québec avait un droit de veto sur tout amendement constitutionnel.

La Cour Suprême finit par contredire les experts dans deux jugements en affirmant que le processus emprunté par le Canada pour modifier sa constitution était légal, mais illégitime.

Ce qu'elle pourrait encore faire aujourd'hui dans le cas du Sénat.

Tous les experts constitutionnels ont donc mis leurs enseignements à jour, comme cela se fait couramment en commun law où ce sont les juges qui révèlent le droit, alors qu’en régime de droit civil cette responsabilité appartient au législateur.

Les nouvelles règles de droit adoptées par la Cour Suprême auraient désormais force de loi.

Suivant ce principe, on devrait donc normalement conclure que tous les jugements rendus en vertu de la constitution de 1982 et la Charte des droits à l’endroit du Québec sont illégitimes puisque si cette déclaration d’illégitimité de la loi constitutionnelle de 1982 n’avait rien voulu dire, la Cour Suprême ne l’aurait jamais prononcé.

Si cette décision a un sens, elle devrait avoir aussi des effets.

Des effets concernant la légitimité des lois et décisions découlant de la loi constitutionnelle de 1982.

Le Québec aurait donc le droit de ne pas se sentir légitimement lié par cette loi constitutionnelle et cette charte de 1982 et de le déclarer dans une loi.

Dans cette perspective, il aurait probablement mieux valu que le Québec adopte une loi sur la légitimité de la constitution et la Charte de 1982 déclarant illégitimes toutes décisions ou lois découlant de ces dispositions, plutôt que de recourir à la "clause nonobstant" comme il l’a fait. Ce que l’illégitimité de la loi constitutionnelle lui aurait probablement permis de faire.

Une loi que la Cour Suprême n’aurait par ailleurs pas pu déclarer inconstitutionnelle, puisque cette loi de l'Assemblée nationale n’aurait fait que reprendre ce que cette cour avait elle-même déclaré.

Si on ne peut pas rétroactivement déclarer légitime ce qui ne l’était pas à l’origine, inversement, rien n’empêcherait le Québec de déclarer rétroactivement illégitime tout ce qui l’était à l’origine.

Il serait alors plus difficile de légitimement opposer au Québec les dispositions de la Charte canadienne des droits dont l’illégitimité est légalement reconnue.

Si les jugements de la Cour Suprême ont un sens et ont force de loi, on doit donc conclure que non seulement les bases de l’édifice constitutionnel canadien au Québec ne sont pas légitimes, mais que tout l’édifice au complet ne l’est pas.

En résumé, on ne peut pas légitimement imposer au Québec ce qui n'est pas légitime.

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    29 avril 2013

    Le gouvernement du Parti Québécois a plutôt choisi de répondre avec la Loi 99 (2000) pour contrer la Loi C 20, au nom du principe d'équivalence.
    Loi 99, par laquelle le Québec se reconnait comme un État de jure:
    Intervention de M. Joseph Facal lors du débat de la motion d’adoption du projet de loi 99 – Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec.
    http://fr.search.yahoo.com/search?p=loi+99+joseph+facal+mintre&ei=UTF-8&fr=chr-greentree_ff&ilc=12&type=685749
    JCPomerleau