Pierre Céré, c’est l’inconnu de la course au leadership du PQ. Il l’admet lui-même, on le connaît peu. Le grand public se demande encore: «C’est qui ce gars-là?»...
«Depuis le début, mon défi est d’être pris au sérieux. À chaque débat, on dit que je n’ai rien à perdre. C’est faux, on a tous sa gueule à perdre, et je tiens à la mienne», dit-il.
De son bureau montréalais, au pied du Mont-Royal, le président du Comité national des chômeurs se prête au jeu des questions avec Le Journal. L’emplacement fait saliver les promoteurs immobiliers. En vain.
Au mur, des photos de Daniel Cohn-Bendit, de Rimbaud et de Gérard Philippe. Un politicien hors norme, un poète maudit, un acteur mythique. Des exemples, des maîtres à penser.
Le teint hâlé, trahissant un récent séjour à Cuba, Pierre Céré réfute les propos de ceux qui disent (ou pensent) qu’il n’a pas d’affaire dans la course au leadership péquiste. Qu’il ne serait qu’un objecteur de conscience circonstanciel.
Au contraire, réplique-t-il, c’est dans la suite des choses...
Ami de Richard Desjardins
Depuis vingt ans, M. Céré milite en faveur des victimes de l’économie et dirige le Comité national des chômeurs, un groupe de pression subventionné par le ministère de Sam Hamad... Il milite pour ainsi dire depuis toujours, depuis le cégep, bien avant d’être lui-même chômeur au pays de Richard Desjardins, un ami de longue date. Son militantisme l’a naturellement mené à la politique, au PQ plutôt qu’à Québec solidaire, trop «anti-capitaliste», à son goût.
Candidat dans Laurier-Dorion, Pierre Céré a fini troisième derrière le libéral Sklavounos et le solidaire Fontecilla. «À cause de la charte, c’est clair. Les libéraux ont joué la charte et la peur du référendum. Notre vote s’est effondré », se souvient-il.
Cette défaite, la plus dramatique de son histoire, devrait forcer le PQ à faire un examen de conscience; il l’y a invité, sans gêne aucune, au débat de Sherbrooke, dimanche dernier. «Nous avons un devoir de franchise», soutient M. Céré.
« Trop d’échappatoires »
Lui aussi, évidemment, croit que l’indépendance du Québec est nécessaire. Mais, à son avis, le PQ retombe toujours dans les pièges qu’il installe lui-même.
Avec un peu beaucoup d’impertinence, il parle du fond du cœur: « Il y a trop d’échappatoires. Des signatures, un Institut des mathématiques sémantiques de la souveraineté. On veut encore actualiser des études que personne ne lira. On sait que c’est faisable, l’indépendance. Même Jean Charest l’a dit. Alors quoi! »
«Nous n’avons qu’une seule et unique question à se poser: est-ce qu’on la veut, comme peuple, l’indépendance, oui ou non? Au Canada, nous sommes sous curatelle. Avec toutes nos ressources, nous pourrions faire nos choix politiques.»
«Pour y parvenir, il faut toucher le cœur des gens au lieu de consulter les oracles. Présentement, le PQ parle au PQ. S’il continue de parler à huis clos, il court à l’échec. Nous avons sérieusement besoin d’un renouvellement. Pas d’un nouveau vernis», explique le bouillant militant.
Un mois de vacances pour tous !
En attendant, il ne perd pas ses repères et travaille toujours à l’élaboration d’un programme d’assurance emploi made in Québec. Pauline Marois avait mandaté Gilles Duceppe pour y regarder de plus près, mais l’exercice n’était pas porté par les meilleures intentions.
«Le PQ a voulu faire de la politique politicienne avec cette affaire-là, il voulait une chicane (avec Ottawa)», se rappelle-t-il.
Mais il n’y a pas eu de chicane puisque Pauline Marois a laissé tomber. «Mais moi, j’y crois toujours», dit Pierre Céré.
Son programme «électoral» comporte une mesure qui pourrait plaire aux Québécois: un mois de vacances pour tous. Faisable, ça aussi, dit-il. «Après tout, nous sommes dans un pays nordique, un mois de vacances serait la moindre des choses», insiste-t-il.
«Un parti de vieux ringards»
Le PQ fait de la « vieille politique », déplore Céré
Pierre Céré est sévère envers le parti qu’il voudrait diriger. Trop encroûté dans ses habitudes. Trop sûr d’avoir trouvé un «sauveur», le PQ continue malheureusement de faire de la «vieille politique».
«On a mangé la volée de notre vie l’année dernière, mais c’est comme si tout le monde voulait oublier ça, passer à autre chose parce que le sauveur s’en vient. Wow! Si on fait ça, on va finir en soins de longue durée», mitraille le militant Céré.
Plus déplorable selon lui, le PQ n’est plus «en phase» avec le Québec moderne et ne peut plus porter efficacement un projet d’indépendance ralliant une majorité des Québécois.
«Le PQ est un parti qui a beaucoup vieilli. Il doit se secouer un peu. C’est un parti d’apparatchiks qui n’est plus en phase avec le Québec d’aujourd’hui».
Même les militants déchantent: «Les gens nous disent: Vous nous appelez juste quand vous avez besoin d’argent.»
Pétrole
Aux yeux des jeunes surtout, le PQ est devenu un «parti de vieux ringards», déplore-t-il. Il en tient pour preuve sa position sur le pétrole: il est pour lorsqu’il est au pouvoir, mais contre quand il retourne dans l’opposition.
M. Céré croit que la cuisante défaite de 2014 aurait dû forcer une réflexion approfondie sur l’avenir du parti. L’establishment a préféré opter pour le déni. Le départ de Pauline Marois a vidangé les remords et les remises en question n’ont pas été faites. Sur le triste épisode de 2014, M. Céré est du même avis que Bernard Drainville et Alexandre Cloutier.
«On n’aurait tout simplement pas dû aller en élection, mais continuer à gouverner en faisant des alliances avec les autres partis. Qu’on le veuille ou non, le bipartisme est terminé. Il faut apprendre à créer des majorités parlementaires», soutient-il.
Identité et laïcité
Comme d’autres, Pierre Céré juge que le PQ fait fausse route depuis des années en amalgamant laïcité et identité.
Ce virage identitaire ne lui plaît pas: «Les gens nous regardent, les jeunes surtout, comme de vieux ringards, encore avec la ceinture
fléchée.»
Tout ça, à son avis, plombe les chances de faire l’indépendance.
S’il était chef du PQ, il prendrait tout son temps avant de faire son entrée à l’Assemblée nationale.
Entre autres choses, il appellerait Jean-Martin Aussant, le fondateur d’Option nationale.
« Il faut rallier tout le monde, sans ça, on n’y arrivera pas », conclut-il.
Il se prononce sur le favori
Pas d’atomes crochus avec PKP
Qu’en pense le militant-candidat?
«PKP est dans une classe à part. Mais il est trop sûr de gagner. On dirait qu’il n’a pas fait ses devoirs. Ce n’est peut-être qu’une fausse impression.»
Croyez-vous vraiment avoir des chances de l’emporter, sérieusement?
«Je ferais un maudit bon chef... mais je suis réaliste (Rires).»
Le militant sait très bien que Pierre Karl Péladeau est toujours le chouchou des militants; le critiquer provoque parfois des huées. C’est injuste?
«En tout cas, moi, si j’avais fait le quart (des bourdes) de Pierre Karl Péladeau, je serais déjà mort.»
Vous ne l’avez pas en haute estime?
«PKP a de grosses, grosses chances de gagner, on s’entend. Pourtant, il ne démontre pas les qualités du leader, du rassembleur dont le PQ a besoin.»
Il ne vous impressionne pas?
«Ses idées et ses interventions sont souvent décousues, c’est assez spécial. Je suis parfois inquiet. Si je faisais des discours comme lui, je serais mort, je serais mort, mort...», insiste-t-il.
Il y des gens qui croient que vous vous cherchez un emploi, que la course permet de vous mettre en valeur?
«J’ai 55 ans, je n’ai pas de plan de carrière et je ne me cherche pas une job. Je suis heureux et j’aime ce que je fais. Je ne suis pas riche, mais je me débrouille bien. Mes enfants sont grands et ça me donne plus de marge.»
D’autres pensent que vous cherchez à attirer l’attention?
«Non, c’est pas moi, ça. Je n’aime pas passer à la radio, ou à la télé. Je trouve ça stressant.»
Votre organisation est importante?
«Nous sommes plus un commando qu’une armée, mais nous ne sommes plus à 0 %. C’est fini ça, M. 0 %. Les autres visent tous la 2e place. Moi, je veux un débat d’idées.»
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