Partout ailleurs au pays, les sources des revenus des élus doivent être divulguées
Québec -- De petites provinces comme le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont des normes éthiques beaucoup plus élevées que le Québec en matière de divulgation de revenus des élus. Le Québec est du reste le seul endroit au Canada où les élus ne sont pas tenus de faire une déclaration au commissaire à l'éthique ou à l'intégrité.
C'est ce qu'a souligné au Devoir l'équivalent québécois de ce commissaire, le jurisconsulte Claude Bisson, hier. Selon lui, «beaucoup de confusion» aurait été évitée ces derniers jours autour des primes aux chefs de parti Jean Charest et Mario Dumont si les élus étaient contraints, comme dans toutes les autres provinces, de faire une déclaration au jurisconsulte. «Ça éviterait tout ce qui se passe depuis une semaine», a-t-il dit.
Depuis l'interview exclusive qu'il a accordée au Devoir vendredi, M. Bisson s'est penché sur les règles établies dans les neuf autres provinces, les deux territoires ainsi qu'au fédéral. Conclusion de celui dont le travail est de fournir aux députés «un avis écrit sur les incompatibilités de fonctions et les conflits d'intérêts»: dans toute la fédération, les élus doivent divulguer leurs revenus à l'équivalent du jurisconsulte. De plus, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, la loi exige que les élus révèlent s'ils reçoivent des montants d'un parti politique. À l'article 18 b) de la Loi sur les conflits d'intérêts des députés et des membres du Conseil exécutif du Nouveau-Brunswick, on précise en effet que «l'état de divulgation privée doit contenir [...] tout salaire, aide financière ou autre avantage que le député ou le membre du Conseil exécutif a reçu d'un parti politique enregistré ou d'une association de circonscription enregistrée dont il est membre au cours des douze mois précédents ou qu'il est susceptible de recevoir au cours des douze mois suivants».
Un débat similaire à celui qui se déroule au Québec depuis une semaine avait été déclenché au Nouveau-Brunswick en 2000, au début du mandat de Bernard Lord, raconte Claude Bisson, par ailleurs ancien juge en chef de la Cour d'appel du Québec. Le chef conservateur, qui recevait un montant du parti, avait, après le débat, «modifié la loi pour qu'elle soit très précise sur ce sujet».
Ici, le premier ministre fixe les règles
Au Québec, seuls les membres du Conseil exécutif (les ministres et le premier ministre) sont tenus de produire une «Déclaration publique d'intérêts». Elle ne contient pas une liste de sources de revenus. D'ailleurs, ce n'est pas une loi qui détermine le contenu de cette déclaration, mais une «Directive aux membres du conseil exécutif en ce qui concerne les conflits d'intérêts», dont l'auteur n'est nul autre que... le premier ministre lui-même. Il peut lui-même les modifier par décret. Depuis son arrivée au pouvoir, le 14 avril 2003, Jean Charest a d'ailleurs changé le texte de cette directive à trois reprises: le 29 avril 2003, le 9 septembre 2003 et le 5 juin 2007. (Dans cette dernière version, le premier ministre a ajouté des précisions sur la marche à suivre par un membre du Conseil exécutif qui détiendrait la majorité du capital-actions d'une entreprise dont une filiale participerait à des marchés avec l'État.)
À Ottawa, le «Code régissant les conflits d'intérêt des députés» est adopté en vertu d'une loi. Selon ce code, l'élu est obligé de produire une déclaration devant contenir, entre autres choses, comme l'article 21 (1) b) le spécifie: «le montant et la source de tout revenu de plus de 1000 $ que le député et les membres de sa famille ont touché au cours des douze mois précédents et sont en droit de recevoir au cours des douze prochains mois».
Dans toutes les provinces et au fédéral, à partir de la déclaration de chacun des députés, le Commissaire à l'intégrité produit un résumé dans lequel il révèle certaines informations. D'autres restent confidentielles: «Que tu doives 25 000 $ à ta belle-mère, eh bien c'est peut-être pas nécessaire que ce soit connu», blague Me Bisson. Sur ce plan, «il y a des variantes d'une province à l'autre», précise l'ancien juge. Dans la totalité des provinces, la source des revenus est rendue publique, mais dans plusieurs, les montants ne seront pas divulgués par le commissaire.
Au cabinet du premier ministre, on a refusé de commenter les propos du jurisconsulte, hier. L'attaché de presse Hugo D'amours s'est borné à dire que son patron ne pouvait pas avoir été plus transparent sur sa rémunération supplémentaire, puisqu'il a publié un «communiqué de presse».
Au PQ, on a dit être prêt à explorer la possibilité d'adopter des règles plus strictes en matière de divulgation des revenus. Mais en attendant, certaines choses doivent être «éclairées», a-t-on dit, en insistant sur le fait que l'entente entre le PLQ et M. Charest avait été «cachée pendant 10 ans». Le PQ croit que MM. Charest et Dumont doivent d'abord «dévoiler leurs ententes et expliquer pourquoi ils jugent nécessaire d'avoir deux rémunérations. Ensuite, on fera tous les débats nécessaires, s'il y a lieu».
Politique et «bol de toilettes»
Par ailleurs, le débat politique entourant ces primes s'est encore envenimé, hier, alors que le chef adéquiste, piqué au vif, a rétorqué avec violence à des propos tenus par la chef péquiste en fin de semaine. Cette dernière, au conseil général de son parti, s'était montrée cinglante, disant que Mario Dumont souhaitait remettre 100 $ par enfant en bas âge aux familles du Québec, mais que, pour sa famille à lui, il exigeait 50 000 $ (montant de la prime annuelle que l'ADQ paie à son chef depuis mai 2007). «J'étais furieux», a répondu M. Dumont dans une entrevue à RDI hier matin. «J'ai trouvé ça indécent de la part de Mme "Dézonage". Parce qu'on peut l'appeler Mme Dézonage, parce que c'est ça, son histoire à elle», a-t-il d'abord martelé en faisant référence à une histoire liée à la construction de la demeure de Mme Marois à l'Île-Bizard. (Histoire pour laquelle Mme [Marois poursuit d'ailleurs le journal The Gazette->rub588]). Déchaîné, M. Dumont a par la suite souligné que «la même personne», avait, lorsqu'elle était ministre, fait poser dans ses bureaux «le bol de toilettes le plus dispendieuse [sic] qui n'a jamais été payé aux frais des contribuables». Enfin, à l'instar du leader libéral Jean-Marc Fournier la semaine dernière, M. Dumont a visé le mari de Mme Marois, Claude Blanchet, disant qu'il reçoit «une pension scandaleuse pour quelques années, de courtes années, nulles au niveau de la gestion de la SGF... une des pires gestions que la SGF ait vécues». Le chef de l'opposition officielle ajouta ensuite que cette prime avait été «augmentée» et que «la rumeur veut qu'au Conseil des ministres, lorsqu'on a augmenté la prime de son mari, elle ne se serait pas retirée. Cette rumeur-là circule et on n'a pas toujours pas de confirmation», a-t-il ragé. Mme Marois a refusé de commenter ces propos hier.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé