Un juge ou un procureur de l’État ne peut pas avoir deux salaires. C’est le principe de l’exclusivité de la fonction : ils ne peuvent pas avoir deux maîtres, ils doivent éviter les conflits d’intérêts.
Un membre du Conseil des ministres, tout comme un chef de l’opposition, ne devrait recevoir de salaire que d’une seule source, publique.
Or, tant Jean Charest que Mario Dumont reçoivent un salaire d’appoint de leur parti. C’est une mauvaise idée et ils le reçoivent de la mauvaise manière, c’est-à-dire au moyen d’un arrangement maison secret.
Quand même les députés de l’ADQ apprennent dans le journal que leur parti verse un salaire d’appoint à leur chef, quelque chose ne tourne pas rond.
Vendredi, on apprenait même que ce n’est pas l’exécutif du parti qui a décidé de verser 50 000$ par année à Mario Dumont ; c’est le directeur général du parti et M. Dumont lui-même.
S’il n’y a ni scandale ni crime, il y a, disons, un malaise éthique. Comme avec Jean Charest, dont TVA révélait la semaine dernière qu’il reçoit depuis 10 ans un salaire d’appoint de son parti. Cela aussi, décidé en petit comité.
À peu près tout le monde s’entend pour dire que la fonction de député, plus encore celle de chef, comporte une charge de travail et des responsabilités telles que ces «ajouts» sont loin d’être exagérés.
On serait malvenu de dire qu’ils ne méritent pas cet argent. D’où cette sorte de retenue naturelle dans les critiques depuis une semaine. Il n’y a pourtant pas de doute qu’on doive mettre fin à ce genre de pratique.
On a comparé les cas de MM. Charest et Dumont à celui d’André Boisclair, qui s’est fait verser un salaire annuel de 120 000 $ par le PQ après avoir été choisi comme chef.
La comparaison ne tient pas. La situation de M. Boisclair était fort différente. D’abord, cette décision a été prise par le parti en toute transparence. Ensuite, surtout, M. Boisclair était devenu chef du PQ sans être député. Il n’avait donc aucun salaire de l’Assemblée nationale ni d’aucune autre source de l’État. Qu’un parti décide de soutenir financièrement son chef en attendant qu’il soit élu est parfaitement correct, surtout de la manière dont le PQ s’y est pris.
À côté de cela, le PLQ et l’ADQ ont agi en secret, ce qui n’est jamais une bonne idée en ces matières. En 2004, Jean Charest avait dit qu’il était aidé dans ses dépenses, tout simplement. Le PLQ disait la même chose. Ce n’était pas exact.
L’ex-président du PLQ, Marc-André Blanchard, a avancé à notre collègue de TVA la protection contre la corruption comme argument pour mieux payer le premier ministre.
On observe effectivement que dans les pays ou les représentants de l’État sont les plus mal payés, la corruption fait plus de ravage. Il est plus facile de corrompre un policier en République dominicaine qu’au Québec.
Mais plus le salaire augmente, moins l’argument tient. À 183 000$ (le salaire du premier ministre du Québec), l’argument devient marginal.
Au contraire, la manière secrète dont le PLQ et l’ADQ s’y sont pris pour procéder à une augmentation de salaire «privée» laisse place à toutes sortes de suspicions. Y a-t-il une collecte spéciale pour le chef? Qui y contribue? Tous les membres ou le milieu des affaires?
Le premier ministre n’appartient pas à son parti. Il appartient à tous les Québécois. Sa rémunération ne doit pas provenir de son parti, mais des fonds publics exclusivement, sans quoi on envoie une image d’appropriation partielle du premier ministre.
On me dira que l’exclusivité de fonction n’est pas en péril, puisque le parti le paie non pas pour un autre travail, mais précisément pour ses fonctions de premier ministre, qui se confondent avec celles de chef du PLQ. Ce n’est évidemment pas le cas. C’est comme chef de l’exécutif que M. Charest doit être payé, et très bien. Pas comme chef d’un parti ou, comme dans tous les partis, mille intérêts s’agitent.
Question de principe, tout simplement, et on ne la balayera pas en accusant gratuitement Pauline Marois.
Pour mettre fin à la situation, il n’y a pas mille solutions. Il faut augmenter le salaire de ces politiciens.
À Ottawa, Jean Chrétien n’a pas eu une mauvaise idée en décrétant que le salaire du premier ministre serait dorénavant égal à celui du juge en chef de la Cour suprême – quelque 300 000$.
Il suffirait d’imiter Ottawa et de faire en sorte que le premier ministre touche le même salaire que le juge en chef de la Cour du Québec, soit actuellement 243 000$ – à peu près l’équivalent de son salaire officiel et officieux mis ensemble.
Il ne serait pas déraisonnable non plus d’arrimer le salaire des ministres et du chef de l’opposition à celui d’un juge de la Cour du Québec – 217 500$ actuellement.
Simple, clair, transparent. Trop?
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