Non à la capitulation nationale

Tribune libre

Dans Le Devoir du vendredi 18 avril, le philosophe Daniel D. Jacques écrit qu’il faut prendre acte de la défaite du Parti québécois du 7 avril et abandonner le rêve de l’indépendance du Québec. En fait, il estime que dès 1980, le projet devait être abandonné et que René Lévesque, avec son célèbre « À la prochaine fois ! », « n’a pas su alors endosser le rôle historique qui lui était assigné par le destin. » Lévesque aurait alors dû abandonner toute velléité souverainiste ! La suite des choses ne donnent pas raison au philosophe. Le référendum de 1995 a failli être remporté par le camp souverainiste et la défaite se serait peut-être transformée en victoire n’eût été les tactiques déloyales du camp du NON comme celles de mépriser la loi québécoise du financement du référendum et de ramener de cinq ans à trois ans le délai d’acquisition de la citoyenneté canadienne pour qu’un grand nombre de nouveaux arrivants puisse voter.
En 1995, les Québécois ont voté à 49.6% pour l’option du OUI, c’est presque 10% de plus qu’en 1980. Qui plus est, la question était beaucoup plus compromettante qu’en 1980, car, lors du premier référendum, René Lévesque ne demandait aux Québécois qu’un mandat de négocier la souveraineté… Mais Daniel D. Jacques estime tout de même qu’il n’y aura plus de prochaine fois. Alors que faut-il faire ? Le philosophe nous soumet une brillante idée : redevenir des Canadiens français ! Sait-il qu’en suggérant une « nouvelle-vieille » identité aux Québécois, il va plus loin encore dans la capitulation nationale que bien des fédéralistes… En fait, même le gouvernement canadien a reconnu en 2006 que les « Québécois forment une nation », même s’il n’a pas octroyé de pouvoirs accrus au Québec.
L’appellation de « Canadiens français » réfère à un statut minoritaire, celui qui est le lot des francophones hors Québec. Le terme « Québécois » est apparu quand les Canadiens français ont fait le constat, durant la Révolution tranquille, qu’ils étaient majoritaires sur le territoire québécois et qu’ils avaient le droit d’exister en tant que nation et bien sûr de promouvoir leur langue et leur culture. Redevenir des Canadiens français, comme le souhaite Daniel D. Jacques, c’est se définir d’abord et avant tout par rapport au Canada, pays dans lequel les francophones sont minoritaires. Mais, heureusement, les citoyens du Québec, qu’ils soient fédéralistes ou souverainistes, ont délaissé le terme « Canadien français » : ils s’identifient à une culture distincte de celle du Canada anglais; ils sont d’abord et avant tout des Québécois. La nation québécoise veut-elle se doter d’un statut politique distinct du reste du Canada, veut-elle accéder à la souveraineté ? Le débat n’est pas clos, contrairement à ce qu’en pense notre pessimiste philosophe. Mais une chose est certaine, le rêve de la souveraineté n’a pas tourné au cauchemar comme le suggère Daniel D. Jacques, qui estime que beaucoup d’énergie a été dépensée en pure perte dans la promotion de l’indépendance. Au contraire, le mouvement souverainiste, même s’il n’a pas réussi à aller au bout de ses rêves, a fait beaucoup pour affirmer haut et fort l’identité d’une nation, la nation québécoise.


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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    24 avril 2014

    Redevenir Canadiens français n'est pas un choix, c'est une pente.
    Pente sur laquelle nous poussent le Canada et les fédéralistes.
    C'est la pente de l'inexistence politique, celle de la réduction à la survivance.
    Daniel Jacques n'a jamais compris la lutte québécoise pour l'indépendance et l'a toujours réduite à une bataille pour la diversité culturelle. Il n'a jamais compris que c'était une lutte POLITIQUE. Il ne propose donc là rien du tout, sinon le gigotement d'une espèce menacée d'extinction. De l'écologie culturelle, autrement dit. Pour la politique, on fera mieux d'aller chercher conseil ailleurs.

  • Marcel Bernier Répondre

    23 avril 2014

    Très exactement, monsieur Bourdon! Un homme digne de ce nom, et un Québécois en plus, ne lâche jamais et se bat pour faire valoir toute la plénitude de son être.
    Les propos de ce triste sire, et il ne faudra pas l'oublier, représentent la quintessence de la lâcheté.