En nommant Bertha Wilson à la Cour suprême en 1982, MM. Trudeau et Chrétien avaient pris la bonne décision même s'ils ont été accusés d'avoir « politisé » le processus de nomination des juges.
PHOTO: ARCHIVES LA PRESSE
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À titre de conseiller spécial de Jean Chrétien durant son mandat comme ministre de la Justice au début des années 80, puis comme conseiller principal de M. Chrétien quand il devint premier ministre, j'ai vu de près le processus de nomination des juges.
J'étais là, avec Jean Chrétien, quand il a dû combler une vacance ontarienne à la Cour suprême en 1981. Dans le contexte de l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés, il jugeait important de nommer pour la première fois une femme au plus haut tribunal du pays. La meilleure candidate à l'époque était Bertha Wilson, juge à la Cour d'appel de l'Ontario.
Toutefois, l'establishment de la communauté juridique ontarienne avait fait valoir sans gêne qu'elle n'était pas «prête» et que d'autres candidats (des hommes) étaient mieux qualifiés. Tant M. Chrétien que le premier ministre Trudeau, après un débat prolongé entre eux et au conseil des ministres, ont pris une décision qu'on pourrait considérer «politique». Ils ont décidé, tenant compte du contexte social de l'époque, que la Cour et le pays seraient mieux servis par la nomination d'une femme, à condition bien sûr qu'elle soit qualifiée. Or personne ne doutait des qualifications de la juge Wilson, mais un comité d'experts apolitiques de la communauté juridique de l'Ontario aurait bien pu lui conférer un rang inférieur à celui de certains hommes «mieux qualifiés».
MM. Trudeau et Chrétien ont pris la bonne décision même s'ils ont été accusés d'avoir «?politisé?» le processus de nomination de juges à la Cour suprême. De fait, Mme Wilson est devenue par la suite une juge exceptionnelle à la Cour suprême.
Le cas de Mme la juge Wilson n'est pas isolé. Il constitue une illustration frappante d'un phénomène dont la portée dépasse les nominations judiciaires. Ce n'est pas par accident que le nombre de femmes membres de conseils d'administration ou titulaires de postes-cadres est plus élevé dans des entreprises et agences gouvernementales que dans le secteur privé. En effet, les gouvernements élus ont pris la décision politique que les nominations à des postes publics doivent refléter la diversité régionale, linguistique, sexuelle et ethnique de notre société.
En théorie, il peut être attrayant de déléguer ces nominations à des comités «?non partisans?» qui n'ont pas à rendre de comptes. Malheureusement, ces comités examinent chacune des nominations sans tenir compte du contexte sociétal dans lequel elles s'inscrivent et c'est souvent l'intérêt public qui écope.
De plus, en matière de nominations, rien ne garantit qu'un processus prétendument non partisan produise toujours de meilleurs résultats qu'avec les élus. La différence, c'est la reddition des comptes, un principe fondamental dans une démocratie. Les gouvernements et les premiers ministres doivent rendre compte de leurs décisions et de leur mandat à chaque élection.
Il est intéressant que personne au Québec n'ait critiqué la compétence d'une seule de ces nominations si controversées. Peut-être les premiers ministres, qui veulent être réélus, comprennent-ils que les citoyens les jugeront - du moins en partie - par la qualité de leurs nominations. Les comités qui n'ont pas à rendre de comptes ne se sentent pas liés par de telles contraintes.
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Eddie Goldenberg
L'auteur a été conseiller principal du premier ministre Jean Chrétien. Il est aujourd'hui associé au cabinet Bennett Jones, à Ottawa.
Nominations politiques: des comptes à rendre
Commission Bastarache
Eddie Goldenberg3 articles
Eddie Goldenberg was chief of staff in 2003 and senior policy adviser from 1993 to 2003 to former prime minister Jean Chrétien
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