Les explications données hier par la ministre de la Justice Kathleen Weil sur la nomination des juges, si elles sont surprenantes, témoignent d'un souci d'exactitude qui est tout à son honneur. Et renvoient dans la cour du premier ministre Jean Charest toutes les demi-vérités qui ont cours depuis les révélations de Marc Bellemare.
Les propos de Mme Weil viennent jeter un nouvel éclairage sur les contradictions de la semaine. Bien sûr qu'il est possible de jurer qu'il n'y a pas de liste qui circule au Conseil des ministres: les noms se retrouvent plutôt au bureau du premier ministre! Bien sûr que cette liste peut être accessible à des tiers mêlés à l'organisation du parti puisque la ministre de la Justice elle-même n'est pas en mesure d'assurer que M. Charest garde les noms pour lui.
Bien sûr que Mme Weil n'a jamais eu à entendre les propositions de Norman MacMillan dans un couloir de l'Assemblée nationale, comme l'a vécu Marc Bellemare — un incident dont l'actuelle ministre de la Justice se surprenait encore hier. Pourquoi saint Pierre interviendrait-il puisque Dieu le Père s'en mêle?
C'est que Dieu le Père en mène large de nos jours. Les thèses des politologues expliquent que notre parlementarisme dérive de plus en plus vers un système quasi présidentiel où le premier ministre concentre tous les pouvoirs. Nous en avons une démonstration gênante aujourd'hui.
Quelle est l'autonomie des ministres? Quel ministre de la Justice est en mesure de s'opposer à un Jean Charest qui veut voir les «noms intéressants sur la liste», pour reprendre le terme employé hier matin par Mme Weil à l'émission de Paul Arcand, et en discuter avec sa ministre? Qu'est devenu ce principe fondamental de l'indépendance du titulaire de la Justice?
Pourquoi peut-on facilement croire que les Robert Bourassa, Jacques Parizeau, Lucien Bouchard, Bernard Landry respectaient cette indépendance, mais pas Jean Charest? Pourquoi les Québécois trouvent-ils Marc Bellemare, qui fut pourtant un ministre de la Justice contesté, plus crédible que leur premier ministre? Parce que les déclarations de M. Bellemare ne cessent d'être corroborées alors que pour faire face aux scandales qui éclatent, le sens de l'État de l'actuel premier ministre fait sérieusement défaut.
Depuis des mois, il répond par des expédients plutôt que de tenir l'enquête en profondeur que quasi tout le Québec lui réclame. Et cette incompréhension du rôle qu'on attend de lui est en droite ligne avec ses agissements personnels: le fait, toujours contestable, de recevoir un salaire de son propre parti, et la poursuite qu'il a enclenchée pour faire taire Marc Bellemare — qu'il devrait retirer au plus vite tant tout cela devient risible.
Il est tout aussi impératif que ses ministres cessent de considérer M. Charest comme le «James Bond de leur vie», comme l'avait qualifié en janvier la ministre Yolande James. Ce premier ministre fait douter, et fâcher, les Québécois et inquiète même les membres de son parti. À eux de le ramener sur le chemin de l'État.
Nomination de juges - Aucun sens
le sens de l'État de l'actuel premier ministre fait sérieusement défaut
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé