Dans un discours prononcé à l'occasion d'un colloque à Montréal organisé par le Mouvement national des Québécois, le leader souverainiste estime qu'en affirmant que le monde n'a pas besoin d'une « division supplémentaire », lors d'une conférence de presse, vendredi, Nicolas Sarkozy s'est immiscé indûment dans les affaires québécoises.
« Ça implique un jugement très antisouveraineté du Québec. C'est dire: "Nous ne sommes pas d'accord avec la souveraineté du Québec". Je ne me souviens pas d'avoir jamais vu un chef d'État dire ça pendant tous les débats sur la souveraineté du Québec, pendant toute la campagne référendaire. Même Bill Clinton, avant le référendum, n'avait pas été jusque-là. »
La déclaration de Nicolas Sarkozy, vendredi
« Le Canada a toujours été un allié de la France, il est membre du G8. Et franchement, s'il y a quelqu'un qui vient me dire que le monde d'aujourd'hui a besoin d'une division supplémentaire, c'est qu'on n'a pas la même lecture du monde. »
« Des pays, il y en a de plus en plus, pas de moins en moins. Toute notre époque est faite de divisions qui font naître des pays. Alors qu'il y en ait une en particulier qui soit répréhensible, une division particulière qui ne soit pas acceptée, ça c'est incompréhensible », a tempêté Jacques Parizeau.
L'ex-premier ministre a ajouté que cette « énormité » du président français ne change rien aux bonnes relations qu'entretiennent les Québécois avec le peuple français.
Il y a des moments comme ça où il faut être en mesure de se tenir debout.
— Jacques Parizeau
Jacques Parizeau s'inscrit ainsi en faux avec les autres membres éminents de la famille souverainiste, qui ont mis l'accent sur le contexte de la déclaration, soit une conférence de presse portant sur la crise financière, avant le discours du président français à l'Assemblée nationale.
En marge
Jacques Parizeau a reçu samedi à Montréal la médaille René-Lévesque, remise par le Mouvement national des Québécois, dans le cadre d'un colloque sur la souveraineté.
Créée en 2000, la médaille avait déjà été remise au chanteur Gilles Vigneault, ainsi qu'à l'auteure et ex-ministre péquiste Lise Payette.
Le gouvernement français réagit
« La France, c'est une relation fraternelle avec le Québec, mais une relation amicale avec le Canada. On n'a pas à boycotter l'un parce que l'on veut avoir une relation avec l'autre. » - Christian Philip, conseiller du président Sarkozy
Pour illustrer le caractère spécial de la relation France-Québec, Christian Philip a fait valoir que l'allocution du président français à l'Assemblée nationale du Québec était en soi un geste très particulier, et que l'entente signée avec Jean Charest sur la mobilité de la main-d'oeuvre était aussi exceptionnelle parce qu'elle n'avait pas son équivalent avec d'autres pays.
« Nos amis les Canadiens, nos frères les Québécois. On a une fabuleuse définition des choses, dans un moment historique où un président de la République vient pour la première fois à l'Assemblée nationale, a affirmé M. Joyandet. Ça mérite qu'on sabre le champagne, et pas qu'on fasse des polémiques ou qu'on fasse de la mauvaise foi. »S'agissant de sa redéfinition, il n'y en a qu'une redéfinition, c'est la redéfinition officielle qu'il a faite devant l'Assemblée nationale du Québec. Pour le reste, franchement, c'est de l'animation journalistique.
— Alain Joyandet, secrétaire d'État français
Réaction de Pauline Marois
Mme Marois a plutôt mis l'accent sur le discours du président français à l'Assemblée nationale, où elle estime que M. Sarkozy a reconnu l'existence du peuple québécois, de la nation québécoise, « avec une identité propre, avec une langue en partage, avec une culture particulière ». « Ce qu'il nous a dit, c'est que je souhaite une relation d'égal à égal avec le Québec, une relation privilégiée », a dit la chef du PQ.
Relancée sur la déclaration controversée de M. Sarkozy, prononcée avant son discours à l'Assemblée nationale, Mme Marois a jugé qu'il s'agissait, en quelque sorte, d'un malentendu venant d'une incompréhension. Elle a soutenu que le président français avait utilisé le mot « division » dans le contexte de la crise financière.
Elle rejoignait ainsi la pensée du chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, qui a affirmé vendredi ne pas avoir perçu ces propos de M. Sarkozy sur la « division » comme un message en faveur de l'unité canadienne.S'il pense ça, je crois qu'à cet égard ce n'est pas ce que nous portons comme projet, et peut-être la lecture de M. Sarkozy de notre projet de souveraineté n'est-elle pas celle qui correspond à la réalité. Parce que notre projet, c'est un projet inclusif, moderne, d'ouverture sur le monde.
— Pauline Marois
Pauline Marois a rappelé que le président Sarkozy avait notamment reconnu l'indépendance du Monténégro. « De toute façon, c'est aux Québécois à choisir leur avenir, et peu importe ce que peut en penser à ce moment-ci M. Sarkozy. Une fois que nous aurons choisi, j'imagine que les membres de notre famille nous accompagneront sans doute dans nos choix, j'en suis certaine », a dit la chef péquiste.
Réaction de l'ex-premier ministre Landry
« J'espère que le président de la République s'est mal exprimé et que ce n'est pas sa pensée. Si le président de la République française est venu, en s'ingérant dans nos affaires, prendre position contre l'indépendance du Québec, eh bien là c'est extrêmement grave. » - Bernard Landry
M. Landry a rappelé que l'Union européenne, que préside Nicolas Sarkozy, n'était ni une fédération, ni une confédération, mais plutôt une rencontre d'États indépendants, libres et souverains. « Si ce n'est pas bon pour la France, fédération-confédération, pourquoi ce le serait pour nous et qu'il viendrait nous le dire en commettant une ingérence grave? Il faut lui donner la chance de rétablir les choses », a déclaré l'ex-premier ministre péquiste à la télévision de Radio-Canada.
Bernard Landry a conclu que le Québec s'attendait de la France, depuis 50 ans, une certaine sympathie, c'est-à-dire la position traditionnelle de non-ingérence, non-indifférence. « Ce n'est pas à la France de se décider, c'est au Québec. Qu'on nous laisse cheminer vers notre destin », a-t-il résumé.
Réaction du gouvernement du Québec
« Je constate qu'il y a encore beaucoup de souverainistes qui cherchent à instrumentaliser la relation, à l'interpréter à des fins partisanes. On n'a pas à faire ça » - Jean Charest
De son côté, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Benoît Pelletier, a estimé, plus tôt samedi, que le nouveau discours français était bien calibré entre l'intérêt pour le Canada, qui est un partenaire majeur pour la France et l'Union européenne, et un intérêt renouvelé pour « un membre de la famille ».Il y a probablement un réalignement de la stratégie française.
— Benoît Pelletier
Benoît Pelletier a toutefois souligné que M. Sarkozy avait « épousé des politiques qui sont chères au gouvernement du Québec, notamment en matière économique ».
« Il est possible que M. Sarkozy ait un penchant pour l'unité canadienne, mais je pense que si c'est le cas, attendons qu'il le dise clairement », a conclu le ministre.
La ministre des Relations internationales du Québec, Monique-Gagnon Tremblay, a affirmé de son côté, samedi, que les propos de Nicolas Sarkozy sur l'unité canadienne marquaient la fin d'une époque.
« Les discours des souverainistes, ce sont des discours dépassés. Il faut regarder l'avenir autrement », a-t-elle déclaré en point de presse, en matinée, en marge du Sommet de la Francophonie.
Réactions à Ottawa
« Ce sont des paroles intéressantes, ce sont des paroles qui, à mon humble avis, créent des difficultés pour le mouvement souverainiste. On a un président français qui parle de l'unité canadienne comme étant la primauté des relations entre le Canada, le Québec et la France. » - Lawrence Cannon
Sa collègue Josée Verner abondait dans le même sens. « Je pense que ça reflète aussi l'opinion de plusieurs Québécois qui pensent que dans les périodes qu'on traverse, qu'on n'en soit pas à la division mais à l'unité ».
Relations France-Québec
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