Des allégations graves, une réaction à retardement du premier ministre, une fuite en Floride, le fantôme de Jean Charest : l’« affaire Hamad », selon le titre désormais convenu, s’apparente à l’épisode d’un feuilleton à rebondissements, celui d’un parti qui n’a pas, depuis 2003, profité d’un vrai bon purgatoire.
Les faux pas du gouvernement se sont multipliés depuis l’éclatement de l’affaire Hamad. Il y a d’abord eu ce long délai de Philippe Couillard à réagir aux informations de l’émission Enquête, de Radio-Canada ; les hésitations de Sam Hamad à faire ce qui s’imposait devant une telle histoire : se retirer de façon au moins temporaire de ses fonctions de président du Conseil du trésor ; ensuite, il y eut cette tentative (ou serait-ce un réflexe ?) de Philippe Couillard de jouer le « bon docteur » qui assimile le retrait temporaire de son ministre (et ancien organisateur de campagne au leadership) à une sorte de « congé de maladie » tout à fait légitime.
Évidemment, M. Hamad a droit à la présomption d’innocence dans cette affaire. De plus, il faut reconnaître qu’Investissement Québec (IQ) a soutenu que, dans le dossier de Premier Tech, central au reportage d’Enquête, aucune intervention politique n’avait été constatée. Que ce soit pour le prêt de 11,2 millions de dollars ou pour la subvention de 8,5 millions, le gouvernement aurait simplement suivi l’évaluation du dossier faite par un analyste d’IQ. Les courriels dévoilés par Enquête, cependant, sont troublants. Certains des amis du ministre, dont le rouge radioactif Marc-Yvan Côté, qui vient d’être arrêté, affirment carrément que M. Hamad transmettait des informations privilégiées au sujet des discussions dans les officines ministérielles. Espérons que le Commissaire à l’éthique, qui fait enquête, questionnera tout le monde, même le fameux analyste d’Investissement Québec : car c’est peut-être là où une certaine influence a opéré.
Au reste, ces odeurs de trafic d’influence, d’octroi d’aide financière de l’État moyennant un financement politique ; le retour étrange, dans les circonstances, de Jean Charest sur la scène publique, le temps d’un discours à l’Université McGill sur « les façons de rétablir la confiance dans les institutions publiques canadiennes » : tout cela a donné l’impression, lundi, d’un stupéfiant retour en arrière. Vers ces années 2009 à 2012 où le gouvernement Charest, revenu en force majoritaire en 2008 après la parenthèse minoritaire, semblait craquer de partout et pourrir par la tête. Faute, à l’évidence, d’avoir traversé un bon purgatoire, période difficile mais saine pour un parti car faite de remises en question, de bilans lucides, de renouvellement de personnel et des idées.
Le PLQ, depuis, a eu beau changer de chef, modifier certaines de ses méthodes de financement (pour respecter les nouvelles lois, entre autres adoptées par l’éphémère gouvernement de Pauline Marois), il n’a à peu près pas renouvelé son personnel, ses idées et ses réseaux. Et au non-purgatoire de 2007, a suivi un autre non-purgatoire, celui de 2012-2014.
D’où l’impression, alors que nous approchons le deuxième anniversaire de l’élection du 7 avril, d’avoir, à la tête de l’État, un gouvernement issu d’un parti décrépit et fatigué, ne sachant trop où aller. Qui laisse par exemple un ministre faisant face à de sérieuses allégations et par surcroît faisant l’objet d’une enquête du Commissaire à l’éthique, se pousser dans le décor de Miami Vice. Avec son salaire ministériel ! Dans le passé, des libéraux objets de soupçons similaires, Jean D’Amours et Tony Tomassi principalement, avaient dû se retirer du caucus.
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