Médias et politique - Mensonges, vérités et engagements
Stéphane Baillargeon
Les médias et les citoyens ont multiplié les mécaniques pour débusquer les mensonges et les dénoncer.
La politique souffre du « syndrome de Pinocchio », selon la célèbre formule, et la démocratie américaine tend aux citoyens un gigantesque miroir aux alouettes. On l’a bien vu avec le mensonge organisé il y a une décennie pour lancer les armées de la république à l’assaut de l’Irak sous le prétexte inventé des « armes de destruction massive ».
La campagne 2012 a perpétué la mauvaise habitude. Le camp républicain a diffusé une pub affirmant à tort que le président sortant avait éliminé l’obligation pour les bénéficiaires de l’aide sociale de se chercher un travail. Le camp démocrate a faussement prétendu que Mitt Romney avait voté en faveur d’une loi interdisant l’avortement, même en cas de viol ou d’inceste, une position plutôt défendue par son colistier Paul Ryan.
Heureusement, les médias et les citoyens ont multiplié les mécaniques pour débusquer les mensonges et les dénoncer. La vérification des faits a atteint un sommet pendant les débats entre les candidats à la présidence et à la vice-présidence. Les grands médias, dont The New York Times et CNN, ont mis en place des équipes très rapides pour vérifier certaines affirmations des opposants. Les médias sociaux et les sites Internet permettaient de relayer immédiatement le résultat des contrôles.
Seulement, la pratique sympathique ne semble pas avoir beaucoup d’incidence sur les intentions de vote. Il n’y a pas plus aveugle qu’un partisan qui ne veut pas voir, là-bas comme ici.
Engagez-vous !
L’avenir du journalisme serait d’ailleurs à l’engagement couplé à la transparence. Ce qui fait qu’un chroniqueur de droite qui travaille pour un réseau de droite ne le nie pas. On connaît la chanson.
Plusieurs journalistes, dont certains à l’enviable réputation, ont poussé l’enrôlement en soutenant financièrement la campagne de l’un ou l’autre candidat. Le site politico.com a diffusé il y a quelques jours une liste de ces reporters-donateurs.
Le camp Obama aurait été le plus favorisé par ces dons. « C’est bien simple : je crois que Romney est un dangereux fou de Dieu [religious freak] qui paralyserait l’Amérique s’il était élu », a expliqué Paul Levy, vétéran de la section des arts du quotidien conservateur The Wall Street Journal (WJS) pour justifier son don de 250 $ au camp Obama. Le chroniqueur de bouffe (on lui doit le terme « foodie ») a ajouté qu’à ses yeux, cette contribution ne le plaçait pas en conflit d’intérêts puisqu’il ne couvre pas la politique.
Le code de déontologie du journal interdit à ses journalistes « les activités politiques partisanes » et nommément « les contributions financières aux candidats ». La direction du WSJ a répliqué que M. Levy étant pigiste, il n’a pas à se soumettre aux mêmes balises éthiques.
La plupart des médias découragent ou interdisent carrément les activités partisanes aux employés comme à la direction des salles de rédaction. C’est le cas également au Québec.
En revanche, les médias s’engagent, et depuis longtemps. Au moins 35 journaux ont changé de camp en appuyant le candidat républicain alors qu’ils avaient soutenu Barack Obama dans leurs pages éditoriales en 2008. Trois quotidiens seulement ont choisi la voie inverse : leurs pages éditoriales appuyaient John McCain à la dernière présidentielle, alors qu’elles encourageaient maintenant la réélection du président.
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