Même Davos doute du capitalisme...

Le modèle s'éteindra s'il n'est pas rapidement réformé

Actualité internationale 2012


Agence France-Presse - Le prix Nobel de la paix Desmond Tutu a estimé hier que le tour était venu pour les femmes de se soulever, après le mouvement de révolte dans le monde arabe. Les femmes ont été trop longtemps exclues de la politique, a estimé l’archevêque anglican lors du Forum économique mondial (WEF) à Davos, où une majorité des participants sont des hommes. «Nous devons rétablir le rapport de force. Assurons-nous que les femmes obtiennent un rôle important dans les processus de décision», a déclaré Desmond Tutu, ajoutant que «nous avons exclu les femmes». «Nous avons besoin d’une révolution dirigée par les femmes. Je pense que les femmes devraient dire à nous, les hommes: “vous avez fichu la pagaille, sortez et laissez-nous entrer”», a ajouté le Prix Nobel, qui s’exprimait après la chancelière allemande, Angela Merkel, et la présidente suisse, Eveline Widmer-Schlumpf.

Photo : Agence Reuters Christian Hartmann


Davos — Le Forum économique mondial a dressé dès son premier débat un constat d'échec du capitalisme occidental à l'avenir «incertain», face aux coups de butoir des pays émergents et de leur modèle.
Ben J. Verwaayen, directeur général du groupe de télécoms Alcatel-Lucent, a été le premier à évoquer «le blues à Davos» des dirigeants politiques et économiques de la planète et la «désillusion face aux promesses non tenues». Mais au Brésil ou en Inde, a-t-il souligné, les jeunes ont une vision du monde «bien différente».
«Nous pensons que nous prenons des décisions nationales alors qu'elles sont prises au niveau mondial», notamment en matière d'emploi, a-t-il dit, déplorant le «manque de pouvoirs» des entreprises. «Le consommateur, lui, remplit son panier de produits issus de la mondialisation et demande qu'on le protège contre la mondialisation», a-t-il ajouté.
Pessimiste lui aussi, David M. Rubenstein, co-directeur du fonds d'investissement américain Carlyle, a prédit la mort du capitalisme occidental «dans trois ou quatre ans», plombé par la dette et les déficits, si rien n'est entrepris pour redresser la barre. «Je pense que nous avons trois ou quatre ans dans les pays occidentaux pour améliorer notre modèle économique, sinon nous aurons perdu la partie face au capitalisme des pays émergents ou au capitalisme d'État» en Chine, a-t-il ajouté. «Si nous n'agissons pas rapidement, quand nous nous retrouverons ici [à Davos] dans trois ou quatre ans, le type de capitalisme que beaucoup d'entre nous ont connu et que nous avons cru être la meilleure forme de capitalisme, aura vécu», a-t-il dit.
M. Rubenstein, 62 ans, l'un des fondateurs du groupe Carlyle, vient de recevoir un dividende de 134 millions de dollars à l'issue d'une année très profitable.
«Comment créer des emplois? C'est la question», s'est interrogé de son côté Raghuram G. Rajan, professeur de finances à l'université de Chicago, déplorant une «croissance industrielle trop lente», tandis que M. Verwaayen plaçait ses espoirs dans les nouvelles technologies, créatrices d'emplois pour les jeunes générations. «Et comment partage-t-on les profits ?» l'a interrompu Sharan Burrow, secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale (CSI) qui représente 175 millions de travailleurs dans 151 pays.
«Que l'économie réelle se lève», a-t-elle plaidé, rappelant la nécessité de salaires décents devant l'appauvrissement des salariés et notant que le salaire horaire minimal aux États-unis est de 7,20 $US. «Est-ce que l'économie réelle va avoir droit au chapitre, parce que les marchés financiers nous tuent... Personne ne va aimer l'instabilité sociale qui va suivre», a-t-elle averti, accusant les banques d'être les «plus gros tyrans» de la planète.
«Ceux qui peuvent faire changer le monde, ce sont les jeunes», a finalement conclu David Rubenstein, notant toutefois qu'aucun jeune n'avait été invité sur le plateau du débat, tandis que Raghuram Rajan observait que nombre d'entre eux, souvent très diplômés, étaient laissés sur le côté, les chiffres du chômage chez les jeunes atteignant 40 % en Espagne, 45 % en Grèce.
Plus tard dans la journée, la chancelière allemande Angela Merkel, inaugurant ce 42e Forum de Davos, s'est aussi alarmée de ces chiffres: «Il ne faut pas s'étonner si ces jeunes ne sont pas convaincus par l'Europe. Personne ne va croire en l'Europe si le chômage augmente», a-t-elle lancé.
Mme Merkel est toutefois restée déterminée à maintenir le cap dans la crise qui secoue l'Europe, en dépit des doutes sur la pertinence des réponses apportées jusqu'à présent. La dirigeante de la première économie européenne a confirmé dans son discours que le chemin emprunté jusqu'à présent par l'Allemagne pour résoudre la crise de la dette était le bon.
Il n'est ainsi toujours pas question pour la chancelière allemande de desserrer une fois encore les cordons de la bourse en augmentant la capacité des pare-feux que l'Europe cherche à mettre en place pour éviter la contagion de la crise de la dette à d'autres pays.


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