par Martin Gauchery - Nous publions ci-dessous l’article d’un adhérent d’Acrimed qui séjourne depuis plusieurs mois au Québec. Cet article est paru le 19 mai 2012 sur le Blog « montrealmedias - Friture sur la ligne médiatique ». (Acrimed)
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Les résultats du sondage publié par le journal La Presse, samedi 19 mai, traduisent un appui massif de la population québécoise à l’adoption de la loi 78. Il s’agit en fait d’une farce en forme de cadeau au gouvernement.
« Les Québécois en faveur de la ligne dure », affiche la Une de La Presse samedi 19 mai. « 66 % appuient la loi spéciale ; 67 % croient que les policiers devraient être plus sévères envers les manifestants ; 65 % jugent l’attitude des étudiants injustifiée », peut-on lire.
Le commentaire journalistique associé aux résultats de ce sondage est sans appel : « La population appuie massivement la décision du gouvernement Charest [1] de recourir à une loi spéciale pour stopper l’affrontement avec les étudiants sur la hausse des droits de scolarité. »
L’analyse de Youri Rivest, vice-président de CROP, l’institut en charge du sondage, finit de nous convaincre : « Les gens sont inquiets, ils ne reconnaissent plus leur Québec, leur société consensuelle. Ils veulent retrouver la sécurité et l’ordre, aussi ils se rallient très nettement au gouvernement [2] »
Mais au lendemain de l’adoption de la loi liberticide proposée par Jean Charest, réprimant de façon drastique le droit de manifester et la liberté d’expression, le lecteur est en droit d’être surpris. Et pour cause, en y regardant bien, ce sondage est aussi sérieux que Jean Charest est libertaire…
Une opinion impossible !
Pour ce sondage, 800 internautes ont été sollicités à partir de jeudi après-midi 16 h 30, jusqu’à vendredi soir. Plusieurs points mettent alors à mal le sérieux de l’enquête :
La méthodologie : Le sondage a été effectué selon la méthode non-probabiliste, c’est-à-dire avec un panel de personnes qui se sont portées volontaires pour répondre aux questions. Dans l’article expliquant la méthodologie du sondage, Youri Rivest concède sans mal que les sondés sont rémunérés pour leur « travail ». On peut alors facilement imaginer que les personnes sans opinion se soient tout de même portées volontaires et aient tout de même répondu aux questions dans le but d’être rémunérées…
La date : Les internautes ont répondu à partir de jeudi après-midi, 16 h 30. Ils ont donc donné leur opinion sur un texte de loi dont les principales dispositions, notamment celle concernant le droit de manifester, n’ont été dévoilées que vendredi ! Ainsi, une partie du panel – peut-être la moitié ? – a donné son opinion sur la loi sans savoir ce qu’elle contenait. Une belle prouesse que de donner son opinion lorsqu’il est impossible d’en avoir une…
Ce sondage est donc une véritable farce. Suite à ces trois observations, on remarque que l’utilité d’une telle enquête, aux biais si flagrants, n’est pas de traduire l’opinion de la population mais bien de faire un cadeau au gouvernement. On regrettera d’ailleurs que l’AFP reprenne cette “information” sans le moindre recul critique.
En effet, ces résultats sont une aubaine pour Jean Charest et les siens, qui après avoir été la cible des critiques nourries venant de toute la société civile, peuvent se targuer d’avoir un « appui massif » de la population concernant la Loi spéciale.
Évidemment, cette manipulation sondagière ne présente aucun lien avec la proximité, disons même l’amitié qui lie Jean Charest et Paul Desmarais, co-PDG de Power Corporation, groupe propriétaire de La Presse...
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Martin Gauchery
PS : Dans la bataille des sondages que se livrent actuellement les journaux québécois (c’est une manne financière), Le Journal de Montréal publie ce mardi 22 mai un nouveau sondage. À 53 %, les répondants estiment que la loi spéciale va beaucoup trop loin.
Notes
[1] Passage surligné par nous.
[2] Passage surligné par nous.
Québec
Manipulation sondagière en Une de La Presse
Évidemment, cette manipulation sondagière ne présente aucun lien avec la proximité, disons même l’amitié qui lie Jean Charest et Paul Desmarais, co-PDG de Power Corporation, groupe propriétaire de La Presse...
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