Réplique

Loin de l'intégrisme

Les démographes sont unanimes à soutenir que la langue d'usage à la maison est, de loin, le meilleur indicateur que l'on puisse utiliser

La langue - un état des lieux



Le procédé qui consiste à critiquer un rapport sous embargo (ce qui
empêche l'auteur dudit rapport de se défendre) et à justifier sa critique
en attaquant l'intégrité de l'auteur, est pour le moins révoltant. Si je ne
suis pas autorisé à [répondre aux commentaires de M. Marcel Côté->11426] qui portent
spécifiquement sur le rapport (rapport qu'il reconnaît lui-même ne pas
avoir lu, et pour cause!), j'ai cependant le droit de réagir aux
commentaires qu'il ose avancer pour remettre en cause mon intégrité.
M. Côté commence par soutenir que j'ai fait preuve de "sensationnalisme".
Il semble oublier que cette "tempête médiatique" a commencé par
l'affirmation du porte-parole de l'Office québécois de la langue française
(OQLF) qui, pour justifier le retard considérable avec lequel ce dernier
remettra son rapport quinquennal "a expliqué que, pour rédiger son rapport,
l'organisme a dû attendre les résultats d'études commandées à plusieurs
chercheurs, dont M. Termote". (voir l'article de Robert Dutrizac dans Le
Devoir du 22 janvier 2008). M. Dutrizac, suivi par M. Lessard (de La
Presse), a tout naturellement voulu vérifier cette affirmation de l'OQLF,
et m'a donc contacté pour me demander quand j'avais remis mon étude. Je ne
pouvais que leur répondre la vérité: l'étude dans sa version finale (après
corrections pour tenir compte des commentaires du "Comité de suivi") a été
remise en août 2006. En quoi se défendre contre une accusation non fondée,
par laquelle on met sur mon dos le retard dans la production du rapport
quinquennal de l'OQLF, est-il une "preuve de sensationnalisme"?
M. Côté me reproche d'avoir des "partis pris", et souligne (à titre
d'exemple) que je suis "intervenu à quelques reprises pour lancer des mises
en garde contre l'immigration". Effectivement, comme bien d'autres, j'ai
osé faire remarquer que, puisque l'immigration internationale est
majoritairement non francophone, toute hausse de l'immigration fait
automatiquement baisser le pourcentage de francophones. En quoi énoncer une
telle relation, en quelque sorte "mathématique" est-il répréhensible?
Origine belge
M. Côté signale que suis d'origine belge, et soutient que ma "vision
linguistique () est très belge, c'est-à-dire binaire (le français contre
les autres langues) et intégriste (une langue partout au travail, à la
maison et dans la rue)". En mentionnant mon origine belge, M. Côté
reproduit un comportement qui, malheureusement, au Québec comme ailleurs,
est encore toujours trop fréquent, et qui consiste à rappeler aux
immigrants qu'ils ont une origine autre que celle de leur pays d'"accueil",
et que donc, ils ne sont pas capables (à cause de leurs "visions"
d'origine) de comprendre la société qui les a accueillis. Ce que M. Côté
affirme être la "vision linguistique belge" démontre qu'il ne connaît
vraiment rien à la réalité linguistique de la Belgique. Binaire, parce que
"le français contre les autres"? M. Côté ne sait-il pas que la majorité de
la population belge est néerlandophone, et qu'en Flandre, ce serait plutôt
"le néerlandais contre les autres" (et encore faudrait-il nuancer).
Oublie-t-il qu'à Bruxelles, les deux langues nationales sont toutes deux
considérées langue officielle, et qu'y prévaut la liberté de choix en
matière linguistique?
"Intégriste", parce que mes prévisions sont effectuées en termes de langue
d'usage à la maison? Les démographes qui ont fait des prévisions
démolinguistiques sont unanimes à soutenir que la langue d'usage à la
maison est, de loin, le meilleur indicateur que l'on puisse utiliser, tout
simplement parce que, contrairement à la langue maternelle, qui réfère à la
situation passée, la langue d'usage à la maison reflète le comportement
actuel (cette langue d'usage deviendra d'ailleurs aussi la langue
maternelle des enfants). M. Côté va-t-il reprocher à tous ces démographes,
à commencer par MM. Lachapelle et Henripin (en 1980), les pionniers en la
matière, d'avoir une vision binaire et intégriste?
La connaissance qu'a M. Côté de la situation linguistique belge semble
aussi étendue que celle qu'il a du contenu de mon rapport, un document non
publié qu'il n'a pas lu, mais qu'il critique allègrement. Je suis censé y
présenter "une quinzaine de scénarios" et ceux-ci seraient des "scénarios
intellectuels monstrueux"; je suis supposé y "décrét(er) que le plus
extrême est le plus probable", et, si j'ose conclure, "que l'île de
Montréal basculera du côté des non-francophones d'ici peu", une telle
"conclusion est une opinion" (alors que le recensement de 2006 vient de
constater qu'en termes de langue maternelle, les francophones sont déjà
minoritaires dans l'île). Lorsque le contenu de ce rapport sera rendu
public, M. Côté aura besoin de beaucoup d'imagination pour justifier ce
qu'il a osé affirmer dans son article. Malheureusement, le mal sera fait.
M. Termote est l'auteur d'une étude sur la situation du français au
Québec, qui a fait couler beaucoup d'encre depuis 10 jours. Il répond ici à
un texte de Marcel Côté, associé fondateur de Secor Conseil, que nous avons
publié dans La Presse du 26 janvier dernier sous le titre
"P-R-U-D-E-N-C-E".


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