Loi 21 : c’est l’Ontario qui discrimine, pas nous

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« Quand il s’agit de violer les droits collectifs de la minorité nationale francophone, on peut toujours compter sur la constitution canadienne et l’interprétation qu’en font les juges nommés par Ottawa »

Le procès de la loi 21 en Cour d’appel commence cette semaine. En Ontario, plusieurs villes nous accusent de discrimination et financent cette contestation. Nos voisins sont pourtant mal placés pour nous faire la leçon.


Si vous ne pouvez prouver que vous êtes un catholique pratiquant, impossible d’enseigner dans les écoles catholiques ontariennes pourtant financées par le gouvernement. Si vous portez un voile ou une kippa, votre CV va à la déchiqueteuse !  


L’histoire nous permet de comprendre cette situation. En 1867, les anglo-protestants formaient la grande majorité de la population ontarienne, les franco-catholiques étaient minoritaires. Chacun avait ses écoles confessionnelles. Les Pères de la Confédération ont constitutionnalisé ce système, qui existait aussi au Québec.  


Cela a empêché le gouvernement ontarien de fermer les écoles catholiques, mais pas d’y interdire le français, ce qui a été fait avec le règlement 17 en 1912. Les Canadiens français de l’Ontario se sont alors tournés vers les tribunaux... pour s’y faire débouter. La garantie constitutionnelle touchait la religion, pas la langue, se sont-ils fait répondre. Après plusieurs années, l’Ontario a quand même fini par reculer.


Avançons maintenant dans le temps. Aujourd’hui, les catholiques forment environ 30 % de la population ontarienne, le groupe religieux le plus important. Le système scolaire confessionnel n’a plus de sens. Sauf que les Ontariens ont refusé de suivre le chemin de la laïcisation qu’a emprunté le Québec. En 1997, l’ancien gouvernement Bouchard a obtenu un amendement constitutionnel pour déconfessionnaliser nos écoles et mettre en place un système scolaire linguistique.



Accuser le Québec 


Voilà pourquoi la discrimination religieuse règne dans les écoles ontariennes, mais pas chez nous. C’est ce qui arrive quand on refuse de rouvrir la constitution, un tabou en Ontario.  


L’ironie est la suivante. Lorsque les Québécois se tournent vers la clause nonobstant pour protéger la loi 21, qui traite toutes les religions également, le Québec est accusé des pires crimes de l’histoire. La dérogation fait pourtant partie de la constitution et protège en partie nos lois d’une invalidation par les magistrats fédéraux. 


Cela n’a pas empêché le juge Marc-André Blanchard de dire que la loi 21 ne pouvait s’appliquer aux commissions scolaires anglophones. Pour ce faire, il s’est appuyé sur l’article 23 de la charte (qui nous a été imposée) touchant la langue d’enseignement et dont les effets ne peuvent être contrés par la clause dérogatoire. Le magistrat a allègrement mélangé langue et foi pour arriver à sa décision. Du coup, tadam ! Ce qui était impossible pour les Franco-Ontariens à l’époque du règlement 17, fusionner des droits religieux et des droits linguistiques, est maintenant une réalité.


L’histoire nous enseigne donc ici deux choses. 


Quand il s’agit de violer les droits collectifs de la minorité nationale francophone, on peut toujours compter sur la constitution canadienne et l’interprétation qu’en font les juges nommés par Ottawa. 


Deuxièmement, la malveillance du Canada anglais envers nous traverse toutes les époques.

 


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Frédéric Bastien167 articles

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Titulaire d'un doctorat en relations internationales de l'Institut universitaire des hautes études internationales de Genève, Frédéric Bastien se spécialise dans l'histoire et la politique internationale. Chargé de cours au département d'histoire de l'Université du Québec à Montréal, il est l'auteur de Relations particulières, la France face au Québec après de Gaulle et collabore avec plusieurs médias tels que l'Agence France Presse, L'actualité, Le Devoir et La Presse à titre de journaliste. Depuis 2004, il poursuit aussi des recherches sur le développement des relations internationales de la Ville de Montréal en plus d'être chercheur affilié à la Chaire Hector-Fabre en histoire du Québec.