Certains ont semblé surpris d'apprendre que Joseph Facal et Denis Coderre sont des téléspectateurs assidus de Loft Story.
Soit, après le scandale des commandites, entendre M. Coderre parler d'un «reflet de notre hypocrisie» et de «l'appât du gain» peut sembler un peu choquant, mais il n'est pas si étonnant que d'anciens ministres y retrouvent une ambiance familière.
De plus en plus, le gouvernement Charest prend les allures d'un loft dont les indésirables sont exclus l'un après l'autre. La grande différence avec l'émission de TQS est que l'animateur, en l'occurrence le premier ministre, est celui qui a le droit de vie ou de mort sur les occupants.
Lui aussi les soumet à certaines épreuves sur lesquelles ils sont jugés. Pierre Reid a échoué dans sa tentative de subventionner les écoles privées juives, Sam Hamad n'a pas réussi à vendre le projet de centrale thermique du Suroît. Ils ont tous deux été exclus du loft libéral.
Thomas Mulcair, lui, a refusé de passer l'épreuve de la vente du mont Orford. C'est du moins ce qu'il prétend. Il aurait même expliqué au comité des priorités que le prix politique à payer pour une autre volte-face, qu'il jugeait inévitable, aurait été trop élevé pour le gouvernement. En tout cas, lui-même ne voulait pas casquer.
L'automne dernier, une ancienne gagnante de Loft Story, Julie Lemay, avait publié un livre au titre évocateur, L'envers de la téléréalité ou les stars-kleenex jetables après usage, dans lequel elle comparait la réalité à une sorte de mafia où l'omerta était la règle.
Le problème est que tous les exclus n'acceptent pas de se taire une fois l'émission terminée. Les Chagnon, Hamad et autres «stars-kleenex jetables après usage» n'ont pas (encore) fait d'esclandre, mais M. Mulcair a brisé l'omerta. Il ne manquerait plus qu'il écrive un livre!
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Quand les langues se délient, c'est que la crainte de représailles devient moins grande. À l'issue de sa comparution devant le caucus des députés et d'un tête-à-tête avec M. Charest, l'ex-ministre de l'Environnement n'a voulu faire aucun commentaire additionnel, mais il n'a rien retiré de ses déclarations des derniers jours et n'a subi aucune sanction.
Depuis quelque temps, Pierre Paradis se permet lui aussi des commentaires qui vont bien au-delà de l'apologie des «valeurs libérales». En sa qualité de député de Brome-Missisquoi, on pouvait toujours comprendre qu'il se porte au secours du mont Orford, mais le Jardin zoologique de Québec est passablement loin de l'Estrie. Des politiciens aussi retors que M. Mulcair et lui savent très bien jusqu'à quel point ils peuvent étirer l'élastique.
Il y a tout de même d'anciens lofteurs dont les jérémiades sont un peu indécentes. L'ex-ministre de la Justice, Marc Bellemare, est un de ceux-là. Maintenant qu'il n'a plus rien à attendre du gouvernement Charest, le voilà qui entreprend de se refaire une vertu. «J'aurais l'air de quoi aujourd'hui si j'étais resté député d'un parti qui fait tout sauf remplir ses promesses?», a-t-il lancé dans une entrevue au Soleil, se disant totalement solidaire avec son ex-collègue Mulcair.
Il est vrai que M. Bellemare avait lui-même démissionné du cabinet après en être arrivé à la conclusion que le gouvernement ne donnerait jamais suite à sa promesse de revoir la règle du no fault dans le cas des victimes de conduite criminelle, mais il était infiniment moins critique envers M. Charest à l'époque où il avait besoin de l'organisation libérale pour conquérir la maire de Québec.
La lettre qu'il avait fait publier dans Le Soleil en décembre 2004 était dégoulinante de flagornerie. Le ministre déchu y vantait «l'immense savoir-faire» de son ancien patron, qui était «sans conteste le leader politique provincial le plus respecté au Canada». Que voulez-vous, les temps changent.
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Il est difficile de ne pas voir une tentative de diversion dans la mise en demeure que le premier ministre a envoyée à la députée de Taschereau, Agnès Maltais, pour avoir déclaré ceci: «Concernant la vente ou la cession de terrains du jardin zoologique, des discussions avec le groupe Roche, par l'intermédiaire de Marc-Yvan Côté, ont eu lieu avec le cabinet du premier ministre.»
Le règlement de l'Assemblée nationale contient diverses dispositions permettant à un parlementaire qui estime avoir été diffamé par un collègue d'obtenir réparation. Emprunter la voie judiciaire, comme l'a fait M. Charest, est sans précédent pour un premier ministre.
De toute manière, cette mise en demeure restera lettre morte, comme celle que la ministre déléguée aux Transports, Julie Boulet, avait adressée l'an dernier au député péquiste de Drummond, Normand Jutras, qui avait laissé entendre que sa campagne électorale avait été financée avec l'argent sale des commandites.
Le directeur des communications de M. Charest, Michel Guitard, en avait également expédié une au député de Joliette, Jonathan Valois, qui avait tenté de l'associer au scandale des commandites en rappelant son passage au Groupe Everest. La démarche de M. Guitard n'avait pas eu plus de suite.
Ce qui demeure totalement incompréhensible, c'est que personne au bureau de M. Charest ne se soit aperçu que son avocat, Jacques Jeansonne, agissait déjà comme procureur du promoteur qui veut acheter le mont Orford. Il faut vraiment le faire! Apparemment, il n'est pas davantage venu à l'esprit de Me Jeansonne que cette situation pourrait causer de l'embarras à son client.
Voyant cela, comment les députés libéraux pourraient-ils faire autrement que donner raison à M. Mulcair? Encore une fois, la gestion politique des dossiers par le bureau du premier ministre s'est révélée lamentable. Il y a tout juste une semaine, le Québec tout entier s'indignait de la publication du guide pédagogique préparé par le Conseil de la souveraineté, et ce sont encore les libéraux qui se retrouvent sur la sellette. Au train où vont les choses, ce sont les occupants du loft qui devront bientôt exclure l'animateur.
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