Au moment où l’on se remet à peine d’une catastrophe impliquant le transport de pétrole au coeur de nos milieux de vie, certains représentants économiques et politiques signent un manifeste pour promouvoir le développement de la filière pétrolière au Québec. Ces derniers conditionnent toutefois cette exploration et cette exploitation au respect des « plus hauts standards en environnement ». À titre d’avocats spécialisés dans ces questions, nous avons plusieurs remarques à ce sujet.
Chaque catastrophe environnementale liée au secteur pétrolier s’est toujours produite alors que les compagnies et les gouvernements concernés affirmaient observer « les plus hauts standards ». Le ministre fédéral James Oliver ne cesse de répéter que le Canada offre les plus hauts standards de protection de l’environnement, malgré les changements draconiens apportés par le gouvernement Harper aux mécanismes d’évaluation et d’examen de ces projets et à la réglementation environnementale canadienne. En 2012, un collectif de 105 juristes canadiens, dont le Barreau du Québec, dénonçait un « démantèlement sans précédent des lois environnementales canadiennes et représentant un tournant décisif sur une déréglementation des secteurs énergétique et des ressources naturelles canadiennes ». (Le Devoir, le 9 juin 2012) Or, ces changements ont été réclamés par l’Association canadienne des producteurs de pétrole, pour qui « les plus hauts standards » semblent signifier la diminution de la recherche scientifique indépendante sur ces sujets, la réduction du temps consacré à l’évaluation des impacts environnementaux des projets soumis et à la diminution de la participation du public à ces évaluations.
Le Québec ferait-il mieux ? L’encadrement juridique actuel et les lacunes de son application face au secteur des hydrocarbures, comme à celui des ressources naturelles en général, nous laissent douter de la volonté réelle de voir s’instaurer ici les « plus hauts standards » en matière d’environnement. Dans notre pratique, nous constatons régulièrement comment nos mécanismes d’accès à l’information de nature environnementale, d’évaluation et d’examen, d’autorisations et de suivi sont contournés, sinon ignorés, par l’industrie québécoise des hydrocarbures, sous le regard complaisant des autorités publiques. La saga des gaz de schiste avait donné un aperçu de la chose, mais nous voyons se reproduire actuellement les mêmes aberrations en Gaspésie et à Anticosti avec le pétrole. Malgré ses maigres ressources, le CQDE s’est retrouvé trois fois devant les tribunaux, dans les deux dernières années, pour exiger une simple application des lois actuelles dans des dossiers reliés aux hydrocarbures.
Le droit international de l’environnement a aussi pour but d’établir « les plus hauts standards environnementaux ». Sous son égide a été élaborée une Convention internationale sur les changements climatiques et le GIEC nous rappelle, chaque fois avec plus d’insistance, l’urgence de nous défaire de notre dépendance au pétrole, avec une responsabilité particulière pour les pays développés comme le nôtre. La communauté scientifique internationale indique que nous ne pouvons développer plus du quart des réserves d’hydrocarbures connues sur le globe, mais les signataires du manifeste considèrent que le Québec doit exploiter la totalité des siennes. C’est effectivement ce qui a été fait jusqu’ici sur la planète, mais c’est précisément ce que le droit international cherche à changer pour éviter la catastrophe climatique !
Finalement, nous avons hâte de voir les positions concrètes des représentants de la Fédération québécoise des chambres de commerce et du Conseil du patronat du Québec, dont les dirigeants signent ce manifeste, lors d’éventuelles propositions de modifications législatives servant à mieux encadrer l’industrie des hydrocarbures et à doter le Québec des « plus hauts standards environnementaux ». Si le passé est garant de l’avenir…
Libre opinion - Pétrole : quels «hauts standards»?
La vérité, c'est que l'application des normes les plus élevées rendrait toute exploitation non rentable
Jean Baril4 articles
Avocat, docteur en droit et auteur du livre Le BAPE devant les citoyens (PUL, 2006) | Actualités sur l'environnement
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