Les voies de Lucien Bouchard sont impénétrables!

Chronique de Louis Lapointe

À l'image de St-Paul qui fut illuminé sur le chemin de Damas, la classe politique québécoise vient d'assister à une des plus impressionnantes conversions de l'histoire du Québec moderne, celle de Lucien Bouchard. Alors qu'il fût longtemps honni et comparé à Hitler, quand ce ne fût pas au Grand Satan, par ses adversaires fédéralistes, ses toutes dernières révélations font maintenant de lui une nouvelle source d'inspirations pour de nombreux apôtres du fédéralisme. Lucien Bouchard ne souhaite plus que l'on continue de se battre pour la souveraineté du Québec, mais bien pour la hausse des tarifs.
Ce qu'il y a eu de plus impressionnant à l’occasion de cette dernière sortie de Lucien Bouchard, n’est pas tant le fait que ce dernier ait critiqué les positions du PQ au sujet de la souveraineté qui ne serait pas réalisable, une déclaration prévisible, c’est plutôt l’empressement avec lequel de nombreux exégètes fédéralistes ont profité de l’occasion pour confirmer que la souveraineté du Québec était un projet dépassé et que le PQ devrait rapidement oublié les questions identitaires pour devenir fédéraliste et s’occuper des vraies affaires, comme la hausse des tarifs des contribuables et la baisse des impôts des compagnies.
Parce que la souveraineté ne serait pas réalisable, le PQ devrait la mettre en veilleuse. Or, paradoxalement, nous sommes nombreux à estimer que la souveraineté n’est pas populaire parce que le PQ la garde justement sous le boisseau depuis trop longtemps. Mais ça, c’est une autre histoire qu'on pourra aborder plus tard, le temps d’analyser la position de nos amis fédéralistes qui profitent de la sortie de Lucien Bouchard pour nous faire la leçon au sujet de notre option.
Pourquoi souhaitent-ils avec autant d’insistance que le PQ devienne franchement fédéraliste s’ils croient vraiment que la souveraineté n’est plus à la mode comme ils le prétendent? Que cache réellement cette stratégie qui vise à profiter de la brèche ouverte par Lucien Bouchard pour encourager le PQ à délaisser son option et devenir le parti du courage fiscal, celui de baisser les impôts des plus riches et de taxer les plus pauvres?
Pourquoi tous ces savants analystes, qui ont tous en commun d’être d’éminents fédéralistes, ont-ils décrété à l’unisson que Lucien Bouchard avait raison ? Pourquoi le PQ devrait-il dire adieu à toutes velléités souverainistes ? Quelle crédibilité ont les Pratte, Dubuc et tous leurs vassaux de la Presse lorsqu’ils parlent de la souveraineté du Québec?
***
Malgré tous les scandales qu’ils avaient eux-mêmes déterrés au sujet de la corruption de l’administration municipale du maire Temblay, La Presse nous a prouvé à l’occasion de la dernière élection municipale à Montréal qu’elle ne voulait pas prendre officiellement parti contre ce dernier, même après avoir encouragé Louise Harel à solliciter un mandat auprès des Montréalais.
Que je sache, c’est justement parce que Louise Harel a laissé de côté ses convictions indépendantistes et s’est consacrée aux vraies affaires comme le lui demandaient nos bons gérants d’estrade fédéralistes, alors qu’elle s’était même entourée de nombreux fédéralistes patentés, qu’elle s’est retrouvé dans même boue que les racketteurs fédéralistes.
Parce que la corruption fédéraliste de son parti a été mise à jour, non seulement les fédéralistes n’ont-ils pas voté pour elle, mais en plus, il s’est trouvé des analystes fédéralistes dans tous les médias de la métropole pour dire qu’elle n’était pas très différente du maire Tremblay, et que, parce qu’elle s’était associée à des fédéralistes mafieux, les Montréalais devraient se méfier d'elle, poussant ainsi sa clientèle naturelle vers le parti de Richard Bergeron et de l’ancien juge Gomery, ceux qui lavaient plus banc que blanc, divisant le vote à l'avantage du maire Tremblay qui pouvait déjà compter sur le vote acquis des anglophones et des allophones.
C’est à ce genre de sophisme que nous assistons en ce moment de la part de nos bons analystes fédéralistes. Lorsque le PQ sera devenu un vrai parti fédéraliste comme l’est le PLQ, plus rien ne le distinguera des libéraux et n’empêchera la gangrène fédéraliste de le gagner, car ne nous le cachons pas, les petites gammicks qui se passe au PQ, comme ce fût le cas avec Oxygène 9, n’ont rien à voir avec les ligues majeures dans lesquelles évoluent les organisateurs des partis politiques fédéralistes. Le fait que le PQ soit encore indépendantiste, même si c’est parfois avec une certaine gêne, le préserve des sangsues du pouvoir qui tournent autour du PLQ parce qu’ils souhaitent obtenir de gros contrats.
C’est parce qu’ils sont fédéralistes que les organisations et les cabinets professionnels peuvent obtenir plus facilement de nombreux et faramineux contrats auprès de tous les paliers de gouvernement. Ils n’ont pas à attendre qu’un seul parti, le PQ, soit élu une fois sur deux pour espérer obtenir des contrats. Aucune entreprise ne peut devenir rentable si elle ne vise que la moitié du marché et a comme objectif de travailler une année sur deux, attendant patiemment que la règle de l’alternance s’applique à Québec, faisant une croix sur les contrats fédéraux parce qu’elle est ouvertement indépendantiste. Voilà pourquoi les partis fédéralistes ont la sympathie de l’entreprise privée au Québec quand le moment vient de financer leurs activités.
Si le PQ devenait fédéraliste comme le lui demandent nos bons gérants d’estrade de la Presse, il y a fort à parier que le PQ risquerait de devenir aussi corrompu que le fût l’organisation de Louise Harel lors de la dernière campagne électorale à Montréal. Comme on l’a vu, une des raisons pour laquelle de nombreux électeurs lui ont préféré le parti de Richard Bergeron. Un rôle semblable que pourrait jouer Québec Solidaire ou le Parti indépendantiste auprès de la clientèle déçue du PQ. Nous assisterions alors à un nouveau fractionnement de la clientèle francophone au profit du PLQ, lui permettant de gagner l’élection en s’appuyant sur sa clientèle naturelle qui peut vivre avec la corruption - fédéralistes, anglophones et allophones - et quelques votes des régions.
Comme ce fût le cas avec le parti de Louise Harel à Montréal, il y aurait alors de nombreuses raisons pour ne pas voter pour le PQ. Dans le cas des indépendantistes, parce que le PQ serait devenu dans les faits un parti fédéraliste et corrompu comme tous les autres partis fédéralistes. Dans le cas des fédéralistes, parce qu’il y aurait toutes les raisons du monde de se méfier d’anciens indépendantistes qui se ferment les yeux sur la corruption dans leur parti pour avoir l’argent et le vote des fédéralistes.
Le genre d’argument qu’a utilisé la Presse pour dénoncer Louise Harel qui a eu le malheur de s’abaisser au plus petit dénominateur pour aller chercher l’aval de l’intelligentsia et le vote des fédéralistes de Montréal. On se demande comment une femme politique avec autant d’expérience a pu se laisser rouler aussi facilement dans la mélasse et les plumes par des fédéralistes qui ne souhaitaient en fait que diviser le vote pour permettre au maire Tremblay d’être réélu.
***
Si le passage de Lucien Bouchard au PQ dans les années 1990 a eu pour effet de faire éclater le mouvement indépendantiste en plusieurs chapelles, suivre ses derniers conseils aurait rapidement pour effet d’affaiblir encore plus la seule force politique qui peut encore potentiellement porter le projet indépendantiste, même si, avouons-le, elle le fait timidement et fort malhabilement !
Alors, quand les gérants d’estrade fédéralistes donnent des conseils au PQ sur la base de déclarations de Lucien Bouchard qui visent ouvertement à détourner l’opinion publique de la nécessaire indépendance, qu’il nous soit permis de ne leurs reconnaître aucune crédibilité.
Croient-ils vraiment qu’en évoquant la possibilité d’appuyer éventuellement un PQ devenu fédéraliste, même du bout des lèvres, ils pourront se dédouaner aussi facilement de leurs accointances avec des organisations politiques qui ont toléré la collusion et la corruption parce qu’elles avaient besoin d’argent pour combattre l’hydre séparatiste?

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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7 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    24 février 2010

    @NUNU
    À mon avis, nos gouvernements successifs ont manqué de courage politique. Autrement dit, ils ont été des peureux, des lâches. Ils se sont déshonorés. Et ne nous demandons pas pourquoi on ne nous respecte plus maintenant.
    Et toujours à mon avis, la Cour suprême du Canada après le refus du Québec de signer la constitution de 1982 a décrété dans sa grande sagesse que nous faisions toujours partis du Canada, malgré que nous n'ayons pas signé la constitution de 1982.
    Encore une fois, on ne nous a pas consultés.
    Nous étions absents en 1763 au moment du Traité de Paris : nous avons été cédés tel du bétail; en 1774 lors de l'Acte de Québec; en 1791 lors de l'Acte constitutionnel; en 1840 lors de l'Acte d'Union; en 1867 au moment de la signature de la fausse confédération canadienne. Et finalement en 1982 : c'est la Cour suprême du Canada qui a décidé pour nous.
    Le peuple québécois n'a jamais été consulté par voie d'États généraux ou par référendum sur des dossiers aussi importants.
    Et nous tolérons cela depuis des siècles.
    Que vous dire de plus?

  • Archives de Vigile Répondre

    24 février 2010

    Bonjour,J'aimerais bien avoir une réponse a une de mes intérogations.Si nous ne faisons plus parti de la constitution depuis 1982 comment se fait il que nous payions encore nos impots a Ottawa et que nous n'avons pas notre souverainnetée?J'aimerais comprendre.Merci

  • Archives de Vigile Répondre

    24 février 2010

    Mme Vallée,
    Heureux de savoir que je ne suis pas le seul à entrevoir cette possibilité. Un autre couronnement en vue pour cet ego démesuré. C'est Desmarais qui doit trépigner d'impatience.
    Guy Le Sieur
    Vive la République de l'Amérique Française

  • Archives de Vigile Répondre

    23 février 2010

    Hypothèse : et si Lucien Bouchard se préparait à remplacer Jean Charest au PLQ...
    N'a-t-il pas été unioniste, libéral, péquiste, conservateur, bloquiste et encore péquiste. Et pourquoi pas libéral québécois.

  • Marcel Haché Répondre

    23 février 2010

    Il est inconcevable que Nous ne seront jamais capables, avant très longtemps, de modifier un régime politique, a fortiori si celui-ci Nous a été imposé.
    Par quel sorte de raccourci Lucien Bouchard en arrive-t-il maintenant à prétendre que la souveraineté serait irréalisable, supposément parce qu’elle n’arrive pas bien vite ?
    Il n’y a pas de raccourci. Il n’y en a jamais eu.
    Les quelques jours passés depuis sa déclaration, laquelle il n’amende pas—nous n’avons pas droit à un ce n’est pas tout à fait ce que je voulais dire—démontre finalement, non pas seulement qu’il n’y a pas de raccourci, mais qu’il n’y a plus d’excuses.
    La réaction de Lucien Bouchard s’inscrit en droite ligne de celle de biens des penseurs fédéralistes. Ce n’est pas un hasard si ce sont ces derniers qui l’encensent le plus. Mme Marois pourra l’excuser tant qu’elle voudra, et rappeler qu’il est encore souverainiste, le fait est que Lucien Bouchard est un fédéraliste. Et toute son intervention jette rétroactivement un discrédit sur le P.Q.

    Bien des chefs et des intellectuels indépendantistes sont morts sans avoir jamais prétendu que la cause ne pourrait pas leur survivre. Ils concevaient facilement ce que Lucien Bouchard ne reconnait pas maintenant : la cause de la liberté d’un peuple les dépassait.
    Il y aurait des indépendantistes longtemps après la mort de Lucien Bouchard, si tant il est vrai que l’indépendance ne serait pas encore advenue de son vivant.
    Gérard Bouchard Nous avait déjà démontré qu’il ne comprend rien à Nous. Lucien Bouchard vient de Nous signifier qu’il était déjà mort politiquement.
    La question nationale sera résolue sans Gérard et sans Lucien. C’est tout et c’est tant mieux.
    Next ! Y en a d’autres comme ça, au P.Q., qui se disent souverainistes ?


  • Archives de Vigile Répondre

    23 février 2010

    Lorsqu'on le voit et l'entend à la télévision. Lucien semble fâché, bougon. Il aurait intérêt à sourire davantage. Il me fait malheureusement penser à cette citation :
    « C'est un beau gros, court, jeune vieillard, gris pommelé, rusé, rasé, blasé, qui guette et furète et gronde et geint tout à la fois «
    BEAUMARCHAIS, Le Barbier de Séville

  • Archives de Vigile Répondre

    23 février 2010

    L'ADQ permettait aux fédéralistes de fractionner le vote nationaliste québécois et faire en sorte que le parti libéral du Québec se fasse réélire coup sur coup. L'ADQ n'étant plus (ou à peu près plus) et la remontée du Parti Québécois dans les sondages font craindre aux fédéralistes une réélection possible du PQ avec une possibilité (même si elle est mince) de tenir un référendum sur l'indépendance du Québec. D'où le vent de panique dans le camp du statu quo éternel; le camp fédéraliste.
    Leur but étant de former à nouveau un parti bidon (pseudo-nationaliste) dont l'intention serait de fractionner encore et toujours le vote des nationalistes québécois et faire en sorte que le pouvoir retombe à nouveau dans les mains des libéraux comme un fruit mûr.
    Un mot pour finir sur Lucien Bouchard, il me fait penser au roi Louis XIV dont la maxime principale était: «après moi le déluge».
    Poursuivons sereinement notre noble lutte pour l'indépendance!
    Jacques L. (Trois-Rivières)