Est-ce par conviction ou pour gagner des points dans l'électorat québécois que Jean Charest réclame une nouvelle forme de "souveraineté culturelle"?
Difficile de s'opposer au gouvernement Charest lorsqu'il revendique l'entière gestion des fonds fédéraux destinés à la culture et aux communications. Après tout, la langue et la culture constituent le ciment de la nation québécoise. Il faut se donner les moyens de les faire rayonner le mieux possible.
Mais il faut tout de suite souligner trois choses : d'abord, il faut remarquer que cette revendication est formulée au beau milieu de la polémique que les conservateurs de Stephen Harper ont fait naître en abolissant des programmes destinés à la diffusion des arts et de la culture à l'étranger. Les chances qu'elle plaise sont donc fortes.
Il faut ensuite constater que la requête laisse entendre que les programmes fédéraux et les grandes institutions fédérales ne contribuent en rien à l'essor de la culture québécoise. Si c'est le cas, on se demande bien pourquoi autant de gens réclament le rétablissement de ceux que le gouvernement conservateur a abolis.
Y a-t-il, plus largement, des citoyens qui pensent qu'aucun gouvernement québécois n'a jamais effectué de folles compressions dans le domaine culturel - et qu'aucun autre ne péchera dans l'avenir?
Mais ce qu'il faut surtout se demander, enfin, c'est si cette revendication des libéraux de Jean Charest a été bien soupesée. Car même si elle paraît intéressante, le risque est grand qu'elle entraîne un effet pervers - si elle devait contre toute attente faire son chemin. Il faut savoir que le Québec récolte plus de 35 % des subventions d'Ottawa en matière de culture, plus que son poids démographique au Canada, autrement dit.
Le premier ministre Charest pense-t-il sincèrement qu'en décrochant la "maîtrise d'oeuvre" pleine et entière, le Québec obtiendrait davantage d'argent que la part qu'il représente dans l'ensemble canadien? Nous ne le croyons pas.
Les libéraux de Jean Charest ont compris qu'ils marquent des points dans l'électorat chaque fois qu'ils prennent leurs distances d'Ottawa. On ne peut pas exclure qu'un calcul stratégique comme le leur se transforme en conviction réelle, mais disons que leur projet requiert d'être étoffé pour convaincre.
Au Québec, le discours dominant blâme toujours les partis qui n'ont rien à revendiquer auprès d'Ottawa. Normal. Les ensembles politiques se nourrissent des confrontations. Mais on peut se demander si nous ne sommes pas tombés dans le travers inverse : la surenchère. Pire : la surenchère électoraliste pour consommation québéco-québécoise.
Dommage, parce qu'il devient difficile, à force, de démêler le bon grain de l'ivraie et de voir quelles demandes disparaîtront aussi rapidement qu'elles sont apparues.
L'an dernier, le ministre québécois des Affaires intergouvernementales a suggéré d'enchâsser une "Charte du fédéralisme d'ouverture" dans la Constitution canadienne. À l'instar de l'ADQ et du PQ, Benoît Pelletier avait aussi évoqué l'idée d'une Constitution québécoise. Depuis, plus rien.
La semaine dernière, l'adéquiste Mario Dumont a fait monter les enchères en proposant que la nation québécoise soit inscrite dans la Constitution. Ce n'est pas en entendant Gilles Duceppe jurer que ce sera "un pas de plus vers la souveraineté" que le fruit mûrira dans le reste du Canada.
À ce jour, l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser demeure la revendication québécoise la plus solide. Cette limitation est réclamée par le PLQ, l'ADQ et le PQ. Stephen Harper s'est également déjà engagé à régler cette question.
Malheureusement, ce n'est pas en la noyant continuellement dans un fourre-tout qu'elle se concrétisera.
jmsalvet@lesoleil.com
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