Nationalisme de circonstances

Les paroles en l’air de Robert Bourassa

Bourassa a fait son choix : il a choisi le Canada

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« Le nationalisme de Bourassa apparaissait bien plus comme la condition de survie du Parti libéral face au Parti québécois et à une majorité de francophones désireux de s’affirmer que comme une impulsion spontanée. Dans le langage de la négociation, on dirait qu’il a fait des concessions à ses adversaires pour obtenir ce qu’il voulait. »

Le 22 juin 1990, Robert Bourassa répondait au refus du Canada anglais de ratifier l’Accord du lac Meech par ces mots, qui résument aux yeux de beaucoup son héritage politique : « Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement. »


Particulièrement après le passage de Philippe Couillard, ils sont nombreux aujourd’hui à regretter le « bon vieux temps » de Robert Bourassa, que l’on décrit trente ans après son départ de la politique comme un grand nationaliste, un défenseur infatigable de la différence québécoise qui dirigeait un Parti libéral branché sur la majorité francophone. Mais ce PLQ fantasmé a-t-il déjà existé?


Un nationalisme de circonstances


Le fait est que Robert Bourassa évoulait dans un contexte politique qui n’est pas celui de 2021, mais bien dans celui de la Révolution tranquille et de ses suites. C’était une époque où l’affirmation nationale québécoise semblait inscrite dans le sens de l’histoire, et où le « Québec d’abord » était le minimum acceptable pour toute formation politique qui souhaitait aspirer au pouvoir. Plus encore, la question constitutionnelle était omniprésente, et l’option souverainiste constituait une menace pressante à l’ordre constitutionnel canadien, particulièrement suite à l’échec de Meech.



Le nationalisme de Bourassa apparaissait bien plus comme la condition de survie du Parti libéral face au Parti québécois et à une majorité de francophones désireux de s’affirmer que comme une impulsion spontanée.



C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le discours de Bourassa, de même que sa proclamation du français comme langue officielle du Québec avec la loi 22 ou encore son recours à la clause dérogatoire pour protéger temporairement la loi 101. Le nationalisme de Bourassa apparaissait bien plus comme la condition de survie du Parti libéral face au Parti québécois et à une majorité de francophones désireux de s’affirmer que comme une impulsion spontanée. Dans le langage de la négociation, on dirait qu’il a fait des concessions à ses adversaires pour obtenir ce qu’il voulait.


Il a choisi le Canada


Pour la nation québécoise, Bourassa aura été l’homme des grands renoncements plus que celui des grandes avancées. Meech aurait effectivement été un grand pas en avant s’il avait été adopté, mais ce n’est pas arrivé. Tant qu’il pouvait concilier son appartenance au Québec et au Canada, il défendait le Québec, mais lorsque le moment est venu de choisir, Bourassa a fait son choix : il a choisi le Canada.



Le Parti libéral du Québec n’a jamais été le moteur du nationalisme québécois. Au mieux, il a suivi la parade avec Robert Bourassa. Au pire, il s’est fait la voix méprisante du multiculturalisme canadien avec Philippe Couillard.



Il a dit qu’il ne négocierait plus jamais à onze, seulement à deux avec le fédéral, mais il s’est parjuré en négociant Charlottetown avec les dix provinces. Il a voulu faire monter les enchères du côté canadien en promettant un référendum dans les deux ans s’il n’y avait pas de nouvelle offre satisfaisante, mais il n’a pas eu de problème à outrepasser son délai pour négocier Charlottetown, une entente inférieure à Meech en tous points. Dans les faits, les belles paroles de Robert Bourassa furent des paroles en l’air, une distraction pour occuper une opinion publique souverainiste à 70%, qu’il voulait apaiser et qu’il n’a jamais eu l’intention de suivre.


Trop souvent, ceux qui font l’éloge de Bourassa le nationaliste oublient qu’il a eu en face de lui René Lévesque et Jacques Parizeau, deux indépendantistes ardents qui ont toujours choisi Québec avant Ottawa. Des décennies plus tard, on regarde cette époque lointaine avec des lunettes roses, mais le fait est que le Parti libéral du Québec n’a jamais été le moteur du nationalisme québécois, sauf peut-être six ans sous Jean Lesage. Au mieux, il a suivi la parade avec Robert Bourassa. Au pire, il s’est fait la voix méprisante du multiculturalisme canadien avec Philippe Couillard.


Revenir à Bourassa?


Depuis la cuisante défaite libérale de 2018, ils sont nombreux à parler d’un « retour au PLQ de Robert Bourassa » comme d’une panacée qui ferait des libéraux de grands défenseurs des intérêts du Québec, incluant la nouvelle cheffe Dominique Anglade. Dans les faits, s’inspirer de Bourassa, ce serait surtout être plus stratégique et faire certaines concessions rhétoriques ou temporaires au mouvement nationaliste pour ne pas être déclassé chez les francophones, qui sont seulement 10% à voter libéral aujourd’hui.



Bref, ça signifierait que le nationalisme québécois est de retour, et que ses adversaires doivent à nouveau parler son langage pour avoir l’appui des Québécois. C’est loin d’être une mauvaise chose.



Admettons qu’il y a là une séduisante voie de passage pour un parti chroniquement impopulaire hors de Montréal et Laval. Le PLQ deviendrait-il pour autant un rival sérieux de la CAQ pour le titre de parti de l’identité québécoise? Non. Ce serait plutôt un aveu de faiblesse des libéraux, qui reconnaîtraient implicitement devoir adhérer à la vision du Québec de François Legault pour gagner. Bref, ça signifierait que le nationalisme québécois est de retour, et que ses adversaires doivent à nouveau parler son langage pour avoir l’appui des Québécois. C’est loin d’être une mauvaise chose.



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