«Le peuple, c'est tout ceux qui ne comprennent pas»
- De Gourmont
Justin Trudeau et François Legault ne devraient pas s’embarrasser d’un faux problème.
D’un strict point de vue démocratique, le projet d’aménager un tramway à Québec est tout simplement illégitime. Il est tombé du ciel, sur la tête des contribuables qui ne l'avaient pas demandé...
Il n’a jamais été réclamé par la population, sinon marginalement, et n’est toujours pas largement appuyé, hors des cercles concentriques du pouvoir.
Il suscite plus d’inquiétude – financière, urbanistique – que d’enthousiasme. Ce projet sert évidemment de tremplin médiatique aux radicaux du Salon Bleu mais personne n’est dupe : les militants Orangina n’ont aucune crédibilité sur le plancher des vaches.
Reporter ou abandonner le tramway ne ferait donc pas pleurer les foules. Et Trudeau, comme Legault, n’aurait pas un prix politique très élevé à payer. Leur hésitation à dire non est compréhensible mais ils devraient savoir que le maire Labeaume n’a plus le tirant d’eau pour influer sur quelque scrutin que ce soit.
Quant à un troisième pont, à l’est ou à l’ouest ou au milieu de nulle part, l’abandonner ou remettre sa construction à plus tard n’incitera personne à porter le deuil.
Sa nécessité n’a jamais été formellement démontrée; l'idée d'un 3e lien est née d'une réaction normale mais superficielle aux embouteillages causés par des structures inadéquates pour lesquelles il faut apprécier à sa juste valeur le travail des boomers du génie-conseil, des retraités du MTQ et de politiciens morts depuis longtemps...
Peut-être se voit-elle autrement mais Québec n’est pas Islamabad à l’heure de pointe.
Reconfigurer l’entrée et la sortie des ponts est moins complexe qu’un vol sur Mars et coûterait sans aucun doute beaucoup moins cher que l’un ou l’autre des projets multimilliardaires soupesés depuis des années par des politiciens qui n’y connaissent rien.
Bien sûr, ce serait joli, un tramway. Salon ambulant et silencieux où les fonctionnaires, faisant la navette Sainte-Foy/Sillery/Complexe G en écoutant Philip Glass, se sentiraient comme au bureau.
Utile à la fluidité de la circulation, un tramway? Pas sûr!
On ne prend pas un tramway parce qu’il y a un tramway. Comme on ne prend pas le bus même s'ils sont nombreux...
Toutes les études – biaisées – passent sous silence l’essentiel : le désir de confort et de solitude que procure l'automobile.
On n’est pas tous friands du bus comme on n’aime pas tous les voyages organisés. La promiscuité, la foule dont l'hygiène est variable... La conversation ou la musique du voisin, les reniflements et les autres fragments désagréables de la vie quotidienne...
On n’est pas tous faits pour la cohabitation matinale, la citoyenneté mitoyenne, le voisinage forcé.
On prend sa bagnole pour s’épargner l’inconfort de la cohue, pour vivre avec soi une petite heure avant de reprendre la course effrénée de la vie moderne. Sans parler des aléas habituels: la garderie, l'hosto, la réunion avec un tel, les activités parascolaires, l'épicerie, la pharmacie, le comptable: on ne fera jamais tout ça en bus ou en tramway, surtout en hiver...
Alors, en deux mots comme en mille, abandonner le tramway, politiquement, ce ne serait pas un drame, sauf pour celui qui l'a voulu soudainement, Ô Lumière! Ô Plafonnier!, dans une sorte de révélation prophétique ferroviaire...
Un peu d’énervement télévisé. Quelques heures de victimisation politique et il suffira que Trump ou Trudeau fasse une connerie pour qu’on oublie le tramway, le 3e lien et les hululements de la gauche baloney, subitement à court de «luttes et de grands combats»...
Et puis, le peuple n’a rien eu à dire depuis le début... Comme c'est lui qui paie, il a des visées plus humbles : il veut une ville, pas un party. Un peu d'amour-propre aussi. Pas des rues lézardées et des trottoirs défoncés. Pas des boulevards pavés à la va-vite, aux trois ans...
Du travail bien fait, pas des trous remplacés par des bosses. Et pas d'embouteillages créés de toute pièce par des fonctionnaires écolos qui roulent en Lexus...
Il sait, le peuple abusé, que les taxes sont déjà trop élevées parce qu’elles assurent le confort d’une bureaucratie grassouillette et coûteuse, ignorée sinon tolérée par des médias complaisants et les gouvernements supérieurs.
Évidemment, la plupart du temps, le peuple dit non sans qu’on l’entende. Non aux milliards à jeter dans l’océan de la mythomanie municipale.
On ne l’entend pas mais le contribuable dit Oui à la parcimonie. Oui à la prudence. Oui à la prévoyance, comme dans le bon vieux temps.
Parce que dépenser ne pourra pas toujours être aussi facile. Ce serait trop beau...