Les méandres de la naissance du multiculturalisme

Multiculturalisme - subversion intégrale! - 2


Serge Genest, Québec - Il n'a fallu que quelques années pour que le multiculturalisme devienne la saveur du jour des dirigeants politiques et des médias dans les sociétés occidentales. Si le mot fait désormais partie du vocabulaire d'un nombre croissant de personnes, le flou de sa signification ne cesse de s'élargir. On invoque le multiculturalisme pour traiter des problèmes d'intégration des immigrants, mais aussi pour souligner les craintes générées dans les «sociétés d'accueil» par la présence de plus en plus sentie de ces mêmes immigrants, surtout s'ils sont identifiables par la couleur de leur peau ou les comportements religieux qu'ils affichent.
Les débats sur le multiculturalisme qui ont cours présentement dans nos sociétés tiennent probablement, pour une bonne part, à la diversité et au nombre croissant des populations de migrants, dont on commence seulement à prendre la mesure. Parce qu'il est utilisé pour rendre compte de phénomènes multiples et mal définis, le multiculturalisme sert désormais à toutes les sauces. Présence accrue d'immigrants, comportements religieux, multiplication des guerres au Moyen-Orient s'avèrent autant d'éléments qui servent à définir les difficultés d'intégration des immigrants et les craintes soulevées par leur présence.
Les attentats de septembre 2001 aux États-Unis, les guerres menées, entre autres, en Irak et en Afghanistan, les échauffourées dans certaines banlieues en Europe, le nombre croissant d'arrivées clandestines en provenance de régions africaines ou asiatiques, ont contribué à accroître la visibilité des populations immigrantes au coeur des sociétés occidentales. Cependant, on peut ajouter qu'avant ces chaînes d'événements, le multiculturalisme existait déjà pour les immigrants, surtout ceux venus des anciennes colonies, installés dans les pays occidentaux, mais qu'il était à toutes fins utiles ignoré par les populations qui le pratiquaient envers ces gens venus d'ailleurs!
Pourquoi en était-il ainsi? Il faut se rappeler qu'au moment de la colonisation, la séparation entre les «locaux» et les colonisateurs était déjà porteuse d'ambiguïté. En effet, les populations dominées étaient, pour l'essentiel, tenues à l'écart des cercles coloniaux. Cette ségrégation de fait était justifiée par un discours disant vouloir respecter les moeurs et coutumes des indigènes. Autrement dit, on détournait le regard de la séparation effective liée à la domination coloniale et on se donnait bonne conscience en prônant le respect des différences. Ce mélange des genres était donc déjà inscrit au coeur des relations coloniales. Ce mode de gouvernance coloniale le plus abouti est apparu avec l'«indirect rule» britannique.
Pendant des décennies, l'ambiguïté des rapports coloniaux s'est maintenue dans le contexte totalement différent de l'immigration des populations des anciennes colonies vers les métropoles. Ainsi, les immigrants se sont regroupés le plus souvent à partir d'affinités ethniques. Pour leur part, les populations d'accueil ont considéré ce «communautarisme» comme une façon utile et élégante de garder ces immigrants à distance, entre eux. Le discours multiculturaliste était alors en gestation. Les conditions de son éclosion sont apparues lorsque les communautés immigrantes ont affirmé leur présence en s'appuyant sur la défense des droits individuels et collectifs tels que reconnus dans les sociétés occidentales.
C'est donc de ce mélange, de cette intersection de ghettoïsation des immigrants et de leur revendication de plus en plus soutenue du respect de leurs droits dans le cadre juridique des démocraties occidentales qu'a surgi la notion de multiculturalisme. Dernier vestige d'une époque coloniale révolue, le multiculturalisme apparaît désormais comme une transition avant la dissolution du communautarisme (et des ghettos immigrants) et l'acceptation du métissage citoyen nécessaire au bon fonctionnement social et politique des sociétés occidentales.


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