On parle de plus en plus de la fondation d’un parti nationaliste de droite qui regrouperait François Legault, Joseph Facal, Mario Dumont et d’autres lucides avec la bénédiction de Lucien Bouchard. Voyez d’ici la troupe de ces preux chevaliers en campagne.
Il faut d’abord se donner un nom. Quelle meilleure appellation que celle de « Lulus »! Elle fait référence, vous l’avez deviné, aux deux inspirations principales de la coalition : le groupe des lucides, célèbre par son analyse toute néo-libérale du « marasme » québécois et la grande figure de Lucien Ier, recyclé en belle-mère.
Je suggère aussi qu’on se donne comme emblème les boudins de ce pittoresque personnage de bande dessinée à la noire chevelure qu’est Lulu. Et les plus hardis des troupards pourraient porter un postiche de ces artifices capillaires, ce qui donnerait un spectacle des plus époustouflants.
On aurait besoin de slogans pour susciter l’enthousiasme. J’y vais de mes modestes suggestions : « Pour un p’tit Québec LUmineux », « À droite toute avec les Lulus », « Main dans la main, Québec-Canada, Lulus en tête », « Au yabe l’indépendance, vive le petit pain Lulu », « PQ-ADQ un jour, Lulus toujours », « Sus aux étatistes, vive la lulucidité », « Pour une autonomie à la sauce lulu ». On n’a que l’embarras du choix et d’autres pourront faire encore de meilleures propositions.
***
Le programme est évidemment tout trouvé. C’est le manifeste des Lucides. Il faudra, bien sûr, lui accoler un volet constitutionnel. Là, on pourra puiser abondamment dans le programme de l’ADQ Équipe Mario Dumont et, pourquoi pas, dans le recueil des discours de Maurice Duplessis. Autonomie par ci, respect des compétences du Québec par là, en taisant, bien entendu, le tournage en rond que cela implique. Il faudra aussi mentionner, mais sans le dire trop fort, qu’on réserve le poste de lieutenant-gouverneur au grand Lucien, qui a déjà toute la superbe qui convient.
[->rub1130]
Le financement ne devrait pas poser de problème. François Legault pourrait apporter comme mise initiale la moitié du million qu’il a gagné en quittant Air Transat. Quant à Joseph Facal et à Mario Dumont, ils ont leurs entrées dans tous les beaux temples du capitalisme québécois… et canadian, genre Desmarais-Power et Péladeau-Quebecor. Je suggère qu’on s’adjoigne Henri-Paul Rousseau comme collecteur de fonds, ce qui préluderait sans nul doute à sa nomination comme ministre des Finances si jamais…

Parlant de recrutement de candidats, on pourrait songer au spécialiste des viaducs, Pierre-Marc Johnson, à son frère Daniel, qui s’y connaît en Power, à Jean Lapierre, prêt à toutes les aventures rocambolesques, à André Caillé, qui a l’expérience des tempêtes et qui aura l’occasion de pousser ses gaz de schiste, à Diane Lemieux, que les mésalliances n’effraient pas, à Jacques Brassard, qui n’attend que le moment d’unir son conservatisme à son nationalisme, etc., etc. La substance juteuse ne manque pas.
Avec tous ces atouts, le succès devrait sourire à la nouvelle formation. Mais elle devra se méfier des sondages. Mario Dumont a, en effet, l’art de gonfler ses appuis avant les élections, pour ensuite les voir se dégonfler. L’écueil de l’opposition guette aussi ces grandes lumières (ou lulumières?) : on sait que Legault et Facal n’aiment pas siéger à gauche (sans jeu de mots) du président de l’Assemblée nationale, tandis que Dumont sait comment se couler dans l’opposition.
Dans la morosité ambiante actuelle les Lulus représentent la luminosité au bout du tunnel. À moins qu’ils ne soient le prolongement du tunnel… Mais ne soyons pas négatifs. Les Lulus ont le droit de s’amuser tout en nous amusant. Tout le monde aura compris que chaque roi a ses fous et que Lucien a droit aux siens.