La semaine qui vient de se terminer à Québec a donné lieu à d’éloquentes leçons de politique provinciale. Jean Charest a montré à ses adversaires qu’il était bien ce vieux loup de mer qui savait manœuvrer en toutes circonstances. Alors qu’il avait semblé perdre le contrôle du gouvernail en début de semaine, tandis que les deux partis d’opposition lui imposaient un président de l’Assemblée venant de leurs rangs et dont le profil en faisait certainement le meilleur candidat disponible, le premier ministre a rapidement repris contrôle du navire en ravissant deux marins de l’équipage adéquiste.
Le même Jean Charest qui a habilement profité de la tenue de la dernière campagne électorale fédérale pour prendre plusieurs longueurs d’avance sur ses adversaires péquistes et adéquistes. Plutôt que de demeurer dans les gradins en observateur silencieux, il a préféré aller dans la mêlée pour attaquer les conservateurs, sachant que s’il ne le faisait pas, il risquait d’être associé aux politiques de son ancienne famille conservatrice à la prochaine élection provinciale, une position qui lui aurait été alors difficile de fuir. Il voulait surtout éviter que le PQ lui fasse le coup du Bloc en associant le PLQ aux politiques néo-conservatrices du gouvernement de Stephen Harper.
En fin renard, il avait prévu la manœuvre et a voulu immédiatement se ranger dans le camp des adversaires de Harper afin d’empêcher le PQ d’accaparer à lui seul cette position stratégique. Le PQ aurait alors eu tout le champ libre pour se présenter aux électeurs comme la seule alternative crédible aux politiques de droite du gouvernement Harper auxquelles Pauline Marois aurait associé le PLQ et l’ADQ. Maintenant, plus personne ne peut reprocher à Jean Charest d’être un suppôt de Stephen Harper, Mario Dumont étant le seul à occuper cette périlleuse position.
Si Jean Charest continue de s’acharner sur l’ADQ comme il le fait présentement, c’est justement parce qu’il veut creuser davantage ce clivage gauche/droite. Un discours qu’il entend exploiter lors des prochaines élections provinciales où il se présentera aux Québécois comme étant le meilleur défenseur des valeurs québécoises tout comme l’a si brillamment fait Gilles Duceppe à l’occasion de la dernière élection fédérale. Si cette stratégie a porté fruit pour le Bloc, un parti condamné à demeurer dans l’opposition, peut-elle vraiment suffire à un gouvernement minoritaire qui vise la majorité ?
Voilà pourquoi Pauline Marois parle maintenant de souveraineté et d’économie. Elle a très bien compris la manœuvre de Jean Charest et a entrepris de changer l’axe de polarisation des électeurs québécois au sortir de la campagne fédérale, en présentant le PQ comme la seule formation politique capable de bien gérer l’économie, en présentant la souveraineté politique comme l’outil le plus puissant pour maîtriser une économie débridée. Une vision à laquelle 40% de la population québécoise est sympathique. Assez pour former gouvernement majoritaire au prochain scrutin provincial.
Le PQ délaissera donc momentanément le terrain de la social-démocratie pour envahir celui du nationalisme économique, misant sur le fait que les électeurs québécois seront plus sensibles à son discours en période de crise, qu’à celui de Jean Charest sur les valeurs québécoises. Voilà pourquoi elle va faire le tour du Québec pour parler de souveraineté, parce que ce sera aussi l’occasion de parler d’économie, faisant la démonstration aux Québécois, surtout les plus jeunes, que souveraineté et économie vont de paire et que c’est la seule recette pour préparer un avenir meilleur. Aux grands maux, les grands moyens !
Dans un tel contexte de crise économique, on se demande bien pourquoi Mario Dumont continue de ramer dans la chaloupe de l’autonomie et souhaite tant aborder la galère de la constitution, ce qui n’apportera ni pain ni beurre sur la table des Québécois, toutefois, de quoi ravir ses adversaires du PQ et du PLQ. Cependant, on aura tous compris pourquoi Jean Charest utilise l’ADQ comme épouvantail, maintenant qu’il l’a vidé de tous les fédéralistes qui y étaient encore réfugiés. Il veut creuser davantage ce clivage gauche/droite qui a tant souri aux bloquistes.
S’agit-il vraiment d’une bonne stratégie dans un contexte où les seuls électeurs à encore occuper la chaloupe adéquiste sont probablement des nationalistes qui risquent d’être davantage séduits par le discours de Pauline Marois qui a délaissé cette fois-ci l’axe gauche/droite, préférant occuper le centre de l’échiquier avec un discours à la fois audacieux et conservateur portant sur la souveraineté et l'économie? Un discours qui plaira certainement plus à la droite nationaliste que celui de la social-démocratie que Jean Charest a emprunté au Bloc Québécois, un parti lui aussi souverainiste. Un pari risqué pour Jean Charest!
Louis Lapointe
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Les grandes manœuvres
PQ et PLQ se positionnent en vue d'élections hâtives
Chronique de Louis Lapointe
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fon...
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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.
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1 commentaire
Jacques Bergeron Répondre
28 octobre 2008Si la «Chef» du PQ, ne revient pas à la base de l'idéal recherché,notre parti sera peut-être «2ème» et opposition officielle,mais n'aura pas su toucher le coeur des indépendantistes. Alors que si elle axe sa campagne sur le motif premier pour lequel nous voulons que le Québec soit indépendant, elle recevra les votes de plus de «40%» des électrices et des électeurs ce qui devrait lui permettre de devenir la «première dame» «Premier ministre» du Québec. Notre parti doit donc axer sa démarche sur la promotion d'un État indépendant de «langue française» seul et vrai motif pour lequel les Canadiens-français québécois et d'autres Québécois veulent que le Québec soit indépendant. Si elle se met sur le même pied que Jean Charest, en axant sa campagne sur l'économie,
comme Bernard Landry l'a déjà fait, elle perdra certainementla prochaine élection. Par aileurs, il n'est nul besoin d'affirmer la «philosophie sociale démocrate du PQ» et sa capacité à protéger l'environnement, puisque notre parti, comme ses membres, est un parti social démocrate dans toutes ses actions, parti capable de promouvoir la protection de notre environnement plus que tout autre parti,et plus que le parti libéral, cet outil du capitalisme sauvage et anti-culturel à la sauce des ses maîtres, la famille Desmarais,pour qui le profit est la seule raison d'être. Notre parti doit donc «bâtir sa stratégie» sur le seul motif pour lequel les indépendantistes veulent se donner un État indépendant en terre ds Amériques, tout en protégeant les acquis sociaux, économiques et culturels que le Québec s'est donné aux cours des ans.Si le «PQ» décidait d'appuyer son action sur la mise sur pied d'une constitution du Québec répondant aux besoins exprimés de nos concitoyennes et de nos concitoyens lors d'une vaste consultation dans les 17 régions du Québec, il recevra,j'en suis convaincu, l'appui électoral nécessaire à l'élection d'un gouvernement indépendantiste lors de l'élection générale du 8 décembre prochain, fête de l'Immaculée conception et jour de libération des mains du gouvernement de Paul Desmarais,cet esclave non-affranchi malgré ses milliards$, jouant le rôle de «roi nègre» au service des Anglais malgré les rebuffades dont il est victime de leur part,individu ,ne nous le cachons pas, qui dirige en sous-main le présent gouvernement, avec la complicité et la puissance de ses journaux fédéralistes ses outils préférés, en dehors de ses «sbires» politiques,qu'il utilise pour combattre ses «ennemis» indépendantistes et promouvoir ses entreprises ,tant au Québec, qu'en France ,en Europe et dans le monde.Lors de la prochaine élection, le Parti Québécois doit donc viser dans la cible qui lui est présentée,ne craignant
pas d'afficher ses «vraies» couleurs, celles qui le mèneront à la victoire et à la direction du gouvernement du Québec.