La ministre de la Justice, Kathleen Weil, est décidément une femme rafraîchissante. Déjà, ses révélations sur le rôle du premier ministre Charest dans la nomination des juges avaient plongé le gouvernement dans l'embarras.
Dimanche matin, il était tout aussi savoureux de l'entendre expliquer que le bureau de M. Charest avait donné l'ordre à tous ses ministres de se présenter en jeans à la réunion spéciale du cabinet.
Dans un système démocratique, où il s'agit moins d'imposer que de convaincre, l'exercice du pouvoir est largement une affaire de relations publiques. Cela n'est pas nécessairement condamnable, mais il ne faut pas forcer la dose.
Il y a une différence entre la pédagogie et le marketing. Cette petite mascarade visant à démontrer la détermination de gens prêts à sacrifier leur dimanche donnait une désagréable impression de mise en scène.
L'événement aurait peut-être eu de l'effet s'il avait donné lieu à une annonce susceptible de frapper les imaginations. Si c'était simplement pour répéter les mesures du plan de contrôle des dépenses annexé au budget Bachand, cela aurait très bien pu attendre un jour de semaine.
Il ne faut pas prendre les gens pour des imbéciles: on n'élimine pas des dépenses de six milliards sans que cela influe sur les services à la population, simplement en coupant dans la publicité, les cours de yoga et les voyages. La politique de ne remplacer qu'un retraité de la fonction publique sur deux existe depuis des années, et cela n'a pas empêché la dette d'exploser. L'étendre au personnel administratif des réseaux de la santé et l'éducation ne fera pas une bien grande différence.
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Pauline Marois s'étonnait hier que les compressions n'aient pas encore été ciblées pour chaque ministère, alors que les prévisions de dépenses du gouvernement ont été présentées il y a déjà un mois et que l'Assemblée nationale y consacrera 300 heures au cours des prochaines semaines.
La chef du PQ est malheureusement bien placée pour savoir qu'il est toujours possible d'improviser. Personne ne tient cependant à revivre le drame des mises à la retraite massives que le gouvernement Bouchard avait décrétées dans sa poursuite du déficit zéro. «Il n'est pas question d'agir de façon aveugle, avec la tronçonneuse», a assuré la ministre de l'Environnement, Line Beauchamp.
Contrairement à ce que prévoyait le projet «réingénierie» du premier mandat, le gouvernement a renoncé à une révision en profondeur des fonctions de l'État au profit d'une sévère cure d'amaigrissement.
Il faudra donc y aller cas par cas, avec le danger que l'opération se résume à une interminable addition d'économies de bouts de chandelles, dont le rapport est souvent sans commune mesure avec le tort causé.
Après tous les efforts que les gouvernements successifs avaient déployés depuis plus de trente ans pour doter le Québec d'une représentation à l'étranger, les compressions que le gouvernement Bouchard avait imposées au réseau des délégations, sous prétexte de donner l'exemple, étaient totalement injustifiées.
Sur le plan politique, les économies de bouts de chandelles peuvent également être très dommageables, puisqu'elles semblent inutilement mesquines et ont pour effet de multiplier les foyers de mécontentement.
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Sur quelle base les décisions seront-elles prises au cours des prochains mois? La semaine dernière, Le Devoir révélait qu'Emploi-Québec fermerait 35 cours de francisation à temps partiel touchant 1050 travailleurs immigrants dans la région de Montréal, ce qui entraînera une économie de 600 000 $.
En revanche, les dirigeants des sociétés d'État à vocation commerciale pourront continuer à empocher des millions en primes de rendement, même si ces sociétés jouissent d'une situation de monopole. Cherchez l'erreur.
De douloureux arbitrages sont à prévoir. Au printemps 2004, Michelle Courchesne, alors ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, avait contesté avec succès la diminution de l'enveloppe consacrée à la francisation des immigrants. Cette fois-ci, Sam Hamad n'a pas eu l'air de protester beaucoup.
M. Charest entend maintenant se substituer à la présidente du Conseil du trésor et se charger lui-même de «superviser la mise en oeuvre des mesures prises par chaque ministère». Il est vrai que l'avenir de son gouvernement — et le sien — est désormais lié à la réussite de l'opération, mais que vaut encore sa «garantie personnelle»?
Hier, Pauline Marois lui a fait dix suggestions pour assainir un peu le climat de suspicion à son endroit, qu'il s'agisse de déclencher une enquête sur la corruption dans l'industrie, de renoncer aux 75 000 $ que lui verse annuellement le PLQ ou encore de suspendre ses trois ministres qui font l'objet d'une enquête du Directeur général des élections.
Bien entendu, il n'en fera rien. La volte-face sur le processus d'attribution des places en garderie n'en constitue pas moins une forme d'aveu, qui démontre bien que M. Charest est conscient de la nécessité de s'amender d'une manière ou d'une autre.
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