SCANDALES POLITIQUES

Les « amis » de Jean Charest

Le temps ne joue plus pour Jean Charest, mais bien contre lui

Chronique de Richard Le Hir

Les révélations de La Presse aujourd’hui sur les ramifications de l’affaire Tomassi-BCIA-Coretti ont de quoi faire dresser les cheveux sur la tête. En effet, on apprend entre autres que ce M. Coretti rencontrait régulièrement au restaurant le chef démissionnaire de la police de Montréal, Yvan Delorme ! Le même qui trouvait normal que son adjoint exploite une entreprise de construction ! On comprend mieux maintenant le pourquoi de son départ précipité. Il se savait sous enquête des médias.
Mais au delà de toutes ces péripéties scabreuses, ce que ces affaires mettent en relief, c’est la généralisation de la corruption à tous les niveaux de l’administration publique, et l’absolue nécessité de tenir une enquête publique dont le mandat s’élargit avec chaque nouvelle révélation. Plus question de ne s’en tenir qu’à l’industrie de la construction. Il semble désormais que ce ne soit que la partie apparente de l’iceberg. Quand la corruption atteint même les garderies, c’est que tout le reste est également contaminé.
Le temps ne joue plus pour Jean Charest, mais bien contre lui. Pour avoir tant attendu à déclencher une vaste enquête publique, il a de plus en plus l’air d’avoir couvert ses « amis », comme il le dit si bien lui-même. Et de là à suggérer qu’il est lui-même compromis, il n’y a qu’un pas d’autant plus vite franchi que les apparences semblent nous y encourager. Ce qu’il aurait dû comprendre il y a fort longtemps, c’est qu’avec des « amis » comme ça, il n’avait pas besoin d’ennemis. Il n’a pas fini de regretter d’avoir employé ce mot, même s’il ne faisait que refléter le fond de sa pensée.
On aurait cependant tort de croire que Jean Charest est seul à porter la responsabilité du fiasco dont nous sommes devenus les témoins chaque jour plus enragés et plus frustrés. Dans un système démocratique comme le nôtre, l’Opposition a un rôle à jouer et des responsabilités à assumer. Plus le temps passe, et plus les médias remplissent l’espace que l’Opposition n’a pas la force, le cran, ou le sens stratégique d’occuper.
Comme je le soulignais dans un article précédent, le rôle de l’opposition ne se limite pas à japper aux talons du gouvernement, il exige aussi de savoir se dresser de toute son énergie et sa résolution devant « l’inacceptable », au risque de provoquer une crise politique. Dans les circonstances actuelles, une telle crise serait un bienfait pour la société québécoise et l’aiderait à reprendre confiance dans ses institutions et sa classe politique.
À force de tolérer « l’inacceptable », on finit par y être associé, et c’est bien le message que nous livrent impitoyablement les derniers sondages. C’est d’autant plus dommage que certains députés de l’opposition ont fait un excellent travail dont ils risquent de ne pas récolter les fruits parce que leur leadership ne s’affirme pas avec la détermination qu’exigent les circonstances.


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    15 mai 2010

    Monsieur Le Hir
    J'ai bien aimé la lecture de votre texte ainsi que le commentaire que vous formulez suite à celui de monsieur Dostie. Comme vous, je ressens une grande indignation et humiliation suite à la gouvernance pourrie de John Charest, ce collabo fédéraliste qui n'a que du mépris pour nous, Québécois. Il faut que nous manquions de respect et d'estime de nous-mêmes pour continuer à subir et endurer pareille gouvernance. Regardez ce qui se passe en Thailande; les gens sont dans la rue depuis plus d'un mois pour tenter de renverser leur gouvernement pour des scandales beaucoup moins importants que les nôtres. J'en reviens pas comme nous avons une conscience élastique au Québec; c'est le laisser-aller et le laisser-faire total! Comment pouvez-vous penser faire l'indépendance avec ce peuple s'il n'est même pas capable de se débarrasser de la clique corrompue à Charest? Ça me donne la nausée! Si les Canadiens de Montréal gagnent la coupe Stanley, 200 000 personnes et plus paraderont dans le centre-ville. Donnez-leur du pain et des jeux... c'est toujours d'actualité.
    André Gignac le 15 mai 2010

  • @ Richard Le Hir Répondre

    14 mai 2010

    Cher M. Dostie,
    Vous voilà à me comparer à l’évêque Cauchon qui condamna Jeanne d’Arc au bûcher ! Vous ne trouvez pas que vous y allez un peu fort ? Heureusement que j’ai le sens de l’humour.
    Non M. Dostie, je ne condamne personne. Et je ne suis pas non plus en mal d’une Jeanne d’Arc sur qui assouvir quelque fantasme d’autorité débordée. Vous remarquerez que je me suis abstenu de nommer qui que ce soit à part Jean Charest et ses amis. Je n’ai nommé non plus aucun parti. J’ai parlé de l’Opposition avec un grand « O » parce que je tiens les chefs de tous les partis également responsables. Nul besoin, donc, d’en désigner un (ou une étant donné qu’elles sont deux) à la vindicte populaire.
    Ne vous en déplaise, je persiste à croire que la complaisance que nous mettons à accepter l’inacceptable, à tolérer l’intolérable, à supporter l’insupportable, mine notre capacité à nous mobiliser pour le combat de notre génération, celui de notre identité, de notre langue et de notre culture, du peuple que nous sommes, et de notre capacité à prendre nous-mêmes en mains notre destin.
    Nous serons d’autant plus forts le moment venu que nous aurons remporté une première victoire sur nous-mêmes. Eh oui ! Montrer la porte à Jean Charest, ce n’est pas remporter une victoire contre Jean Charest, sur le Parti Libéral, ni même sur les fédéralistes, c’est remporter une victoire sur nous-mêmes, sur notre propension à courber l’échine, à subir en silence le sort des vaincus, à nous résigner au « p’tit pain », à tendre la joue gauche lorsqu’on vient de nous frapper la joue droite, à refuser d’oser par crainte de représailles, à avaler toutes les couleuvres, et ravaler toutes les humiliations...
    Contrairement à Lucien Bouchard qui passait son temps à confesser ses humiliations, le sentiment qui m’anime, c’est l’indignation, un sentiment autrement plus positif, que nous devons apprendre à cultiver collectivement si nous voulons un jour parvenir à notre émancipation et à l’indépendance.
    Jean Charest nous fournit l’occasion de nous indigner, et d’aucuns, pour des raisons toutes plus douteuses les unes que les autres, voudraient nous priver de l’occasion d’exercer notre muscle de l’indignation. Se doutent-ils un seul instant des conséquences que cela peut avoir ?
    Richard Le Hir

  • Archives de Vigile Répondre

    14 mai 2010

    Cher Monsieur,
    Vous réfléchissez comme si vous attendiez un messie. Ce temps-la est fini. Aucun Lévesque, même aucun Bouchard ne nous sauveront.
    Vous êtes la preuve de cette nouvelle démocratie. Votre travail d'éclaireur, de mobilisateur est exceptionnel, essentiel. Le Pays naît de convergence des forces. Du temps de Lévesque, la cohorte de Québécois conscients (pour ne pas se vautrer dans le lucide), était encore larvaire, mal coordonnée.
    Votre travail de conscientisateur, multiplié par l'implication de beaucoup d'autres, c'est ça qu'il faut créer. Inutile de brûler une femme. L'indignation doit être celle de tous et toutes. Une Jeanne D'Arc ne nous donnera qu'une cible martyre!
    Il nous faut désormais agir sur tous les fronts. Nul chef politique ne doit agir comme un général qu'il suffirait d'abattre pour nous vaincre.
    Vous êtes devenu un battant redoutable, admirable, nul doute! Voyez le nouveau militantisme, la constitution lente d'une stratégie citoyenne.
    Charest est en train de s'autodétruire et va entrainer son parti dans la débâcle.
    Je parie que déjà cet été nous serons plongés dans une course au leadership et une course électorale déguisée avec un lièvre aussi blanc que propre qui déclenchera des élections pour se faire élire en octobre.
    Rien ne sert de se précipiter. Préparons nous à travailler de plus en plus, à instruire, ce que vous faites avec un art efficace, redoutable, dévastateur. Votre vigilance est lumineuse; votre stratégie repose sur des forces encore trop dispersées.
    L'automne sera décisif, révolutionnaire. Ne précipitez rien. Travaillons d'ici là à unir nos forces!
    Gaëtan Dostie