La SQ a-t-elle un problème de sécurité?

La Sûreté du Québec est dans une situation délicate: son quartier général est surveillé par une agence de sécurité que la police de Montréal a décidé de chasser après une enquête, a appris La Presse.

Corruption politique




André Noël, Fabrice de Pierrebourg, Francis Vailles

La Sûreté du Québec est dans une situation délicate: son quartier général est surveillé par une agence de sécurité que la police de Montréal a décidé de chasser après une enquête, a appris La Presse.
Mardi en matinée, le maire de Montréal, Gérald Tremblay, avait indiqué vouloir faire «toute la lumière» sur l'agence Sécur-Action avant que le contrat de surveillance des locaux de la police lui soit accordé. En fin de journée, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a déclaré qu'il ne fera plus affaire avec cette firme.
«À la suite de nos vérifications de fournisseurs, qui portent sur la compagnie, les employés et les actionnaires, nous avons décidé de ne pas octroyer de contrat à Sécur-Action», a déclaré Ian Lafrenière, porte-parole du SPVM.
Sécur-Action avait été choisie par l'ancien chef du SPVM, Yvan Delorme, le printemps dernier. L'agence remplaçait au pied levé l'agence BCIA, en faillite. Depuis, Sécur-Action fait la surveillance du SPVM sans contrat, en fonctionnant par bons de commande. En juin, la Ville a fait un appel d'offres et Sécur-Action s'est révélée être le plus bas soumissionnaire (874 802$ pour un an). Le SPVM nous a indiqué mardi que le mandat temporaire de Sécur-Action prendra fin dès le 30 septembre.
Sécur-Action a été fondée en 2001, mais est devenue la propriété d'Éric Beaupré en novembre dernier. L'homme d'affaires dirige un groupe de trois entreprises de sécurité qui comptent 1500 employés, ce qui en ferait la première entreprise de sécurité non syndiquée au Québec, selon le site internet de l'entreprise.
Parmi ses clients, on retrouve depuis 2007 le quartier général de la SQ, rue Parthenais. La firme tient notamment le registre des visiteurs de la SQ, ce qui lui permet de savoir qui vient rencontrer les policiers.
«La première chose qu'on va faire, c'est parler au SPVM. Si nécessaire, on adoptera des mesures appropriées», a déclaré en soirée Ginette Séguin, porte-parole de la SQ.
Ni le maire de Montréal ni le SPVM n'ont voulu nous donner de détails sur l'enquête. Toutefois, trois sources très bien informées ont indiqué à La Presse qu'il ne s'agit pas d'une enquête de routine. On a voulu en savoir plus sur Éric Beaupré, ses autres contrats, ses fréquentations, son historique d'affaires, etc. L'enquête de la police de Montréal n'avait aucun volet criminel; elle a été menée par la division des affaires internes.
Taux horaire
Le montant de la soumission de Sécur-Action pour la surveillance des locaux de la police fait partie des éléments qui ont intrigué les autorités, selon des sources dignes de foi.
Sécur-Action a fait sa soumission à un tarif horaire de 18,60$ de l'heure par patrouilleur, selon nos informations. Or, ce tarif est jugé trop bas pour qu'une entreprise puisse couvrir ses frais, nous disent des cadres de deux autres agences.
Le salaire horaire d'un agent de sécurité est fixé par décret gouvernemental à 14,35?$ l'heure. À ce tarif, il faut ajouter les avantages sociaux, comme la Régie des rentes, l'assurance emploi et les cotisations à la CSST, mais également les frais d'administration (assurances, réceptionniste, uniformes des agents, etc.).
Ces frais correspondent au minimum à de 35% à 39% du salaire horaire, nous dit-on dans l'industrie, ce qui ramène le tarif minimum pour atteindre le seuil de rentabilité à 19,37$ pour un patrouilleur. Autrement dit, à 18,60$, Sécur-Action roulerait à perte.
Par stratégie, une firme de sécurité pourrait soumissionner au prix coûtant pour avoir un client prestigieux comme le SPVM sur sa carte de visite. Toutefois, dans l'industrie, Éric Beaupré est reconnu pour faire régulièrement des soumissions très basses. Cette pratique n'a cependant rien d'illégal.
Joint au téléphone, Éric Beaupré n'y voit pas de problème. «C'est un très bon taux pour nous, c'est excellent, a-t-il dit. On suit les normes qu'il faut payer et tout va bien. Ne vous inquiétez pas, on ne soumissionne pas en bas des prix seulement pour avoir le contrat.»
M. Beaupré, qui exploite aussi les agences Strict et Serca, a aussi remplacé BCIA pour la surveillance de l'usine d'épuration des eaux de la Ville, et vient d'emporter un contrat à l'arrondissement d'Outremont.
Jean-Guy Dagenais, président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, proteste. Selon lui, il est anormal que des agences privées surveillent les locaux de la police.
«Mettre un agent de sécurité privé à l'entrée de La Baie où on vend des caleçons, ça ne me dérange pas, a-t-il dit. Mais là, on parle du gardiennage du QG de la SQ, qui est un centre névralgique où l'on trouve les services d'enquête, le Bureau du coroner, le centre de renseignement, etc.
«Ces gardiens de sécurité recueillent les pièces d'identité des visiteurs, notent leurs noms sur des registres. Ils ont les noms des gens qui viennent rencontrer les enquêteurs de l'escouade Marteau. Ils voient tout, en particulier les préparatifs pour des opérations. Ils peuvent glaner de l'information, parce qu'il y a toujours des policiers qui parlent dans les couloirs.»


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé