Le verdict est sans appel. Seulement 48 % des militants présents au congrès du NPD à Edmonton ont appuyé leur chef. Du jamais-vu, tous partis confondus.
Malgré la limpidité du message, Thomas Mulcair entend demeurer chef jusqu’à l’élection de son successeur. C’est comme si un conjoint évincé, malgré une demande officielle de divorce, insistait pour rester jusqu’à ce que l’autre se remarie.
Or, même s’il performe brillamment au Parlement, sans la confiance de ses troupes, sa croix sera lourde à porter. Ce rejet était pourtant prévisible. Au lendemain de l’élection du 19 octobre, j’avançais qu’à terme une remise en question de son leadership était inévitable.
Les raisons sautaient déjà aux yeux. Son «recentrage» accéléré du NPD avait échoué en lui faisant perdre son authenticité. Erratique, la campagne néo-démocrate ouvrait une voie royale à Justin Trudeau. La «greffe» d’un ex-ministre libéral à sa tête ne prenait pas.
Une défaite pas comme les autres
Surtout, c’était une défaite pas comme les autres. La «vague orange» de Jack Layton étant réduite à une vaguelette, le NPD ratait la seule chance depuis sa fondation de briser l’alternance libérale-conservatrice et perdait même l’opposition officielle.
M. Mulcair prenait l’«entière responsabilité» du rendez-vous manqué, mais choisissait de rester. La contradiction en faisait d’office un chef en sursis. En s’accrochant, la liste des facteurs le défavorisant était vouée à s’allonger.
Le «facteur» Bernie Sanders: face à son authenticité évidente, son succès auprès des jeunes et la clarté de son message social-démocrate, de plus en plus de militants du NPD constataient l’effet contraire sous M. Mulcair.
Le «facteur» pétrole: concilier la position antipétrole de plusieurs militants avec l’appui aux pipelines d’une faction albertaine soutenue par la populaire première ministre néo-démocrate
Rachel Notley était en plus une mission impossible.
Le «facteur» Québec: après la vague orange de 2011 dont il fut pourtant le premier porteur et malgré un chef québécois, le Québec comme sujet d’intérêt au NPD ne fut jamais pris au sérieux.
Le «facteur» Justin: pour les militants du NPD, sa longue lune de miel leur fait d’autant mesurer l’ampleur de leur propre défaite et l’extrême difficulté d’égratigner son téflon.
Pragmatique
Le châtiment imposé à M. Mulcair est en effet très dur, mais il résulte de l’ensemble de l’œuvre. Ce qui, par ailleurs, n’enlève rien à son travail exceptionnel de parlementaire.
Certains dénoncent le «manque de pragmatisme» de ces militants «ingrats» jugés trop «radicaux». Vouloir redonner à leur parti une orientation sociale-démocrate mieux définie est pourtant un choix pragmatique.
De fait, le vrai danger pour les néo-démocrates est de voir Justin Trudeau persister à occuper lui-même le champ politique du centre au centre gauche. D’où la nécessité de principe, mais aussi pragmatique, de mettre fin à leur propre recentrage raté.
La social-démocratie n’a tout de même rien de «radical». Il serait temps qu’on s’en souvienne.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé