Le gouvernement Trudeau avait fait preuve de retenue pendant la campagne électorale. Il n’a pas attendu pour donner à François Legault la monnaie de sa pièce.
Le message est clair. La CAQ a beau avoir obtenu son « mandat fort » pour assurer la survie de la nation québécoise, Ottawa n’a aucun intérêt à transférer au Québec davantage de pouvoirs en immigration.
François Legault doit maintenant décider ce qu’il veut. Préfère-t-il un « nationalisme de tapage du pied » ou de réels progrès en immigration ? Là est la question.
La réponse sera déterminante non seulement pour le second mandat de la CAQ, mais aussi pour l’unité canadienne.
Symbole ou résultats ?
Il est tentant de se moquer du lieutenant québécois, Pablo Rodriguez, pour avoir affirmé en entrevue à Mario Dumont que la réunification familiale relève de l’amour plutôt que du français en réponse aux demandes du Québec.
Et pourtant, il faut faire preuve d’aveuglement volontaire pour ne pas comprendre que le gouvernement fédéral n’a absolument aucun intérêt à céder ce champ de sélection des immigrants à Québec. C’est le seul réel levier qu’il lui reste, il n’est pas près de l’abandonner.
D’ailleurs, si depuis 20 ans, le Québec a échoué à franciser adéquatement les immigrants, il ne peut quand même pas blâmer le gouvernement fédéral.
Ce qui nous ramène à la question existentielle. Que veut François Legault ?
Si Québec veut une immigration plus efficace et plus en phase avec l’impératif de freiner le déclin du français, bien des champs d’action pourraient être négociés. On n’a qu’à penser aux visas étudiants accordés de préférence aux anglophones, les délais hallucinants pour les travailleurs étrangers temporaires, et j’en passe.
Mais si l’objectif de l’opération est d’obtenir l’exclusivité sur l’immigration au Québec, tous ont compris que la manœuvre semble vouée à l’échec.
François Legault récoltera ce qu’il a semé : la méfiance.
Et l’Alberta ?
Malgré tout, la tentation de l’affrontement sera grande. Elle a déjà été payante et François Legault ne sera plus seul sur la glace du « tout ou rien ».
Les conservateurs albertains viennent d’élire l’ultime championne de l’autonomisme à la tête de leur parti.
La nouvelle première ministre, Danielle Smith, s’est engagée à faire adopter une loi sur la souveraineté de l’Alberta qui permettrait à la province de se soustraire à toute loi ou à tout règlement fédéral jugés contraires à ses intérêts.
On repassera sur la légalité de la manœuvre. Du point de vue politique, tous les ingrédients sont là pour une éventuelle crise constitutionnelle.
Car qu’on soit d’accord ou non avec les récriminations de l’Alberta, elles sont réelles. Tout comme celles d’un très grand nombre d’électeurs québécois.
Au-delà de se réjouir de tenir tête à François Legault, Justin Trudeau devra bien un jour se préoccuper de cette unité canadienne de plus en plus fragile.
L’époque de la pandémie où il pouvait signer des chèques à coups de milliards pour acheter la paix est bel et bien terminée.