Le triomphe de William, Liam et Logan

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L'anglicisation des prénoms québécois, un signe de déculturation majeur

Chaque année, le site de Retraite Québec et l’Institut de la statistique du Québec (à la p. 46 de son Bilan démographique du Québec 2019) recensent les prénoms les plus populaires au Québec. Déjà, 2018 a fait sursauter : côté garçons, William, Logan et Liam triomphaient. Trois prénoms courants en anglais. Côté filles, Emma et Olivia trônaient au sommet, et Alice était courant dans les deux langues. Quand on élargit l’échantillon aux 50 ou 100 prénoms, la tendance se maintient.


Parions que 2019 ne fera pas exception, et que William (Shakespeare) continuera à humilier Guillaume (le Conquérant) sur son propre territoire. Dans la seule province du Canada qui a le français comme unique langue officielle.


Comme trop souvent au cœur du Canada français, de l’Acadie à l’Alberta.


C’est dire que leurs parents des générations X et Y refusent carrément de transmettre leur identité francophone à leurs enfants. Sur de telles bases, comment voulez-vous qu’ils grandissent fiers de leurs origines ? Ils seront marqués à vie du choix imposé par leurs géniteurs d’accorder la première place à l’anglais dès le berceau. Mais n’est-ce pas aux parents qu’il revient d’abord de léguer leur culture à leur descendance ?  


J’exagère ? Courez consulter la chronique nécrologique de votre hebdo local.


La criante vérité vous sautera aux yeux : presque tous les défunts âgés portent des prénoms français comme Jean-Claude, Rita, Jeanne, Louisette, Léonie, Émile ou encore Léon, Thérèse, Denise. Leurs enfants aussi : Stéphane, Valérie, Gaston, Annie, Juliette, Paul ou Monique. Mais avec leurs petits-enfants, le choc culturel est violent : les Mégane ou Méggan, Lexanne, Heidy, Zoey, Joey, Liam, Karianne, William (le « Guillaume » anglais) se succèdent dans un étourdissant tourbillon. Vous en voulez d’autres ? Allyson, Eden, Kaylia, Shelsea…


Je souligne : mes exemples proviennent de villes et de villages du Bas-Saint-Laurent, région qui atteint presque 100 % de langue maternelle française. Je n’ose imaginer l’hécatombe dans les familles francophones de l’ouest de Montréal ou du Pontiac…


J’entends déjà les parents pris en défaut rétorquer : « Ben quoi, on trouve ça beau des prénoms anglais… ça sonne mieux ». Vraiment ? Preston Dubé et Brandon Hudon, ça « sonne » bien ? S’il ne s’agit que d’esthétique, eh bien où sont les petits Pedro Bouchard, Mohammed Tremblay, Diego Chamberland ou Dolores Caron ? Je vous croirai le jour où une mode poussera des tas d’anglophones unilingues à baptiser leurs enfants Jean-François Williams, Benoît Brown ou Thérèse Davies !


Tout se passe comme si les jeunes générations criaient aux plus vieilles : « votre combat pour le français, non seulement on s’en tape, mais on lutte frontalement contre. Nous ne transmettrons pas à nos enfants le déshonneur de porter un nom français ».


Une mutation si rapide a de quoi inquiéter… En à peine une génération, c’est le transfert linguistique ! Quand toucherons-nous le fond du baril des prénoms anglais ? Et que faire pour stopper cette hémorragie qui conduit à l’acculturation, ce phénomène qui consiste à devenir étranger à sa propre culture, à ses propres racines ?




Ne plus jamais voter PLQ


D’abord, ne plus voter pour le Parti libéral du Québec. En 15 ans de règne, l’ancien parti de René Lévesque s’est fait complice de l’anglicisation tous azimuts, complice d’une valorisation constante de l’anglais couplée à une absence de valorisation du français, si bien que le Québec a accouché de petits franglophones. Par sa négligence linguistique délibérée et planifiée, le PLQ est parvenu à briser la fierté francophone en nous. Mais dormez tranquille, élus libéraux : ces jeunes acculturés passés à l’anglais voteront en bloc pour vous.


Dans les décès de la semaine de mon hebdo local, la tendance se confirme à chaque parution. Je suis même tombé sur pire : « Le défunt était bilingue et a veillé à ce que tous ses enfants aient la possibilité de réussir dans la vie en les immergeant dans la langue anglaise en déménageant à Calgary ». Ses petits-enfants, qui ont si bien « réussi dans la vie » s’appellent, devinez : Etta, Kelci, Jacey, Riley, Grayson, Channing et William ! Un beau petit miracle, en une seule génération… Alléluia ! Praise the Lord !


Et devinez quoi ? Le défunt se prénommait… Jean-François !


Je suis né dans la province de Québec ; je ne veux pas mourir dans la « province of Quebec » !


Zachary Richard nous dirait : Réveille ! Ce à quoi bien des parents québécois lui répondraient, en novlange québécoise : dites-leur « wake-up ! », ils comprendront mieux.


Pour la décennie 2020, je nous souhaite une réconciliation nationale avec les prénoms français. Et que notre langue redevienne l’étendard de fierté qu’elle était naguère encore.




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Jean-François Vallée91 articles

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Jean-François Vallée est professeur de littérature québécoise et française au niveau collégial depuis 1995. Son ambition de pédagogue consiste à rendre les étudiants non seulement informés mais objectivement fiers de la culture dans laquelle ils vivent. Il souhaite aussi contribuer à les libérer de la relation aliénante d'amour-haine envers leur propre culture dont ils ont hérité de leurs ancêtres Canadiens français. Il a écrit dans le journal Le Québécois, est porte-parole du Mouvement Quiébec français dans le Bas-Saint-Laurent et milite organise, avec la Société d'action nationale de Rivière-du-Loup, les activités de la Journée nationale des patriotes et du Jour du drapeau.