Le temps d'un dernier combat

Indépendance - le peuple québécois s'approche toujours davantage du but!

Je dédie cette histoire à Pauline Marois. Je sais qu’elle comprendra.
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J’aimerais vous raconter une histoire. Mieux. Une parabole. Voici:
Il y avait un champion nommé Canada. Un champion de boxe qui régnait avec puissance, férocité et sans partage dans son ring. Un champion fort de sa stature et des victoires du passé. Un champion qui pratiquait un style lourd et rude qui imposait la terreur dans son arène : le fédéralisme.
Il y avait un aspirant nommé Québec. Un jeune aspirant talentueux, débordant de courage et qui ne rêvait qu’à ravir la ceinture du champion, pour lui-même. C’était, lui, un champion du cœur. Il ne lui manquait plus que la ceinture pour être un vrai champion et pour voir ainsi son nom gravé dans l’or des vainqueurs. Dans la récompense de ceux qui ont gagné la gloire des champions. Qui ont gagné pour s’être battu avec courage et dans la dignité des douleurs encaissées, sans jamais avoir baissé les bras et sans jamais avoir maudit son sort.
Québec voulait devenir le champion qu’il se savait être et il le voulait, d’abord, pour lui-même. Par affirmation. Pour grandir. Pour exister, comme un vainqueur. Mais il y avait une autre histoire. Une histoire plus profonde, plus ancienne. Une histoire d’honneur, avec d’autres acteurs. Dans un appel pressant à rétablir l’honneur de son nom, Québec voulait prendre au champion la ceinture que le père de celui-ci, Empire Britannique, avait ravi à son propre père, Empire Français, qu’il avait laissé pour mort sur le tapis du ring lors d’un furieux combat qui était passé à l’histoire. Québec avait la rage au cœur et le désir violent de vaincre. Le désir de rapatrier finalement l’honneur perdu. Le champion, lui, voulait demeurer champion et justifier ainsi la victoire de son propre père.
Canada et Québec n’était pas ennemis mais ils étaient devenus, par la force de l’histoire, des adversaires complets.
L’heure vint d’un premier duel. L’aspirant avait attendu ce moment si longtemps. Il se croyait prêt. Il croyait en sa chance. Il croyait à son moment. Il s’était entrainé seul et dans le plus grand secret. Le combat eut lieu et ce fut un massacre. Québec ne tenu même pas un round face à Canada. Après avoir pris sur lui des coups dont il n’avait jamais même imaginé qu’ils puissent avoir une telle puissance, Québec tomba au tapis… ensanglanté et défiguré. Il s’en fallut de peu que le champion le tua. Le champion, Canada, était contenté. Il avait remis le jeune aspirant prétentieux à sa place. Il lui avait fait comprendre, dans la douleur des blessures et de l’humiliation, qu’il était, lui, le seul champion.
L’aspirant disparut un bon moment. Personne n’entendit plus parler de lui. Canada continua d’imposer sa loi tandis que Québec s’était retiré dans la solitude pour panser ses blessures, surtout celles du cœur. Le temps passa et l’aspirant se demandait encore comment il avait pu prendre une telle raclée et si sa foi en lui-même n’avait pas été que vanité, après tout.
Peut-être n’était-il qu’un perdant.
Peut-être n’avait-il rien de ce qu’il fallait pour être un champion.
Puis, un jour, quelqu’un cogna à sa porte. C’était un homme qui souhait devenir son entraineur. L’homme avait un nom étrange : PQ. L’aspirant fut troublé de son audace. Cet homme avait-il été témoin de son dernier combat? L’avait-il vu être ridiculisé et envoyé aux portes de la mort par le champion? Il écouta, sans dire un mot, le discours de l’homme inconnu.

« Tu es un champion. Je l’ai vu. Je l’ai senti en regardant ton combat. Tu te bats avec passion et avec cœur. Tu peux gagner si tu améliores ta technique. Tu es beaucoup trop agressif. Tu te lances dans un corps à corps dont tu ne pourras que sortir perdant. Le champion est plus costaud que toi. Il te froisse comme une feuille de papier quand tu le lances sur lui. Tu dois te battre avec souplesse, tranquillité et intelligence. Tu dois d’abord reprendre confiance en toi. Le champion ne te respecte pas. Pour lui, tu n’es qu’un petit prétentieux. Il t’accordera un combat revanche si tu lui demandes simplement, car il voudra se donner le plaisir de t’écrabouiller de nouveau. Tu auras la victoire si tu changes ta technique. Ma technique s’appelle « étapisme ». Je crois en toi. Je sais que tu en es capable. Confie-moi ton entrainement! ».


L’aspirant accepta, se laissant gagner par le discours galvanisant de PQ.
Québec était de retour et il avait maintenant un entraineur. Ils s’appliquèrent tous deux à mettre en oeuvre la toute nouvelle technique de combat de Québec. La prochaine fois, il serait plus fluide, plus précis, plus calme, plus intelligent mais toujours aussi passionné et courageux. Le temps passa et PQ jugea que son poulain était prêt. Il organisa un combat revanche. Le champion, Canada, y consentit sans faire d’histoire, certain qu’il était de remporter de nouveau la victoire et ne voulant pas manquer l’occasion de démontrer, de nouveau, toute sa force.
Le combat arriva. La cloche se fit entendre. Québec s’avança calmement au centre du ring. Il décocha quelques bons coups qui surprirent le champion. Canada pensa: « Le gamin cogne fort, cette fois. Je dois être prudent. ». PQ hurlait ses encouragements : « Vas-y! Tu en es capable! Prudence et intelligence! Danse autour de lui! Danse!». Québec s’exécuta. Il dansait tout autour du champion. Canada réagissait en décochant des coups dont lui seul pouvait leur donner une telle puissance. Québec chancelait mais revenait à la charge, chaque fois.
Ce fut un combat magnifique. La foule était maintenant divisée. On avait entendu les cris d’encouragements se déchirer en deux. L’ambiance était survoltée. Personne n’alla au tapis; ni l’aspirant, ni le champion. Québec savait qu’il n’en avait peut-être pas fait encore assez mais il était toujours debout. Canada savait que quelque chose était en train de se passer. Il aurait dû l’envoyer au tapis, en quelques rounds. Il savait avoir donné les meilleurs coups et s’être ainsi procuré les points nécessaires à sa victoire mais tout n’aurait pas dû se passer comme ça.
Les juges rendirent leur carte et, sans surprise, le champion fut déclaré gagnant. Il leva les bras sans fanfaronner. Il pris sa ceinture et retourna au vestiaire. Québec était épuisé et souffrait de ses blessures mais sa souffrance allait, plus que pour toute autre chose, vers cette autre défaite.
« J’abandonne la boxe. Je ferai autre chose. Je n’y arrive pas. C’est inutile. Je prends une raclée à chaque fois! » dit-il à son entraineur dans en un moment de désespoir. « Tu parles sur le coup de l’émotion, de la douleur et de l’humiliation. Prenons le temps de travailler à ta guérison avant de prendre une décision aussi importante. Tu as fait un bien meilleur combat que la dernière fois. Tu as ébranlé sérieusement le champion. Il a quitté le ring sans célébrer. Sais-tu ce que ça veut dire? Que tu as mis le doute dans son esprit. Tu peux lui ravir la ceinture. Le temps est en ta faveur, mon garçon, non en la sienne! À la prochaine fois!».
Québec et PQ se firent discrets, pour un bon moment. Le champion, voulant rétablir sa confiance et sa crédibilité, fanfaronnait de nouveau. Une nouvelle approche fut choisie par Québec et son entraineur. La prochaine fois, il ne suffirait pas de danser pour l’étourdir, jusqu’à ce que le champion chancelle de lui-même pour avoir attrapé le tournis et de l’achever, ensuite, d’une bonne combinaison gauche-droite. Il faudra danser, oui, mais aussi frapper comme l’éclair. Prendre le champion par surprise, telle est la clé.
L’entrainement alla bon train. Cette fois, Québec avait utilisé les fanfaronnades de Canada pour s’attirer la sympathie. Il n’avait jamais été aussi sûr de lui et aussi bien préparé. PQ réclama enfin une troisième reprise. Canada accepta, mais non sans crainte. Dérouiller ce jeune freluquet était devenu un plaisir coupable mais il ne voulait prendre un risque inconsidéré. La dernière fois avait été plutôt difficile. Il en discuta avec son propre entraineur : Gouvernement Fédéral. « Sois sans crainte! Je m’occupe de tout. Retournons à l’entrainement. Nous corrigerons définitivement le gamin et son mentor au prochain combat qu’ils demandent! » répondit l’entraineur du champion.
Le troisième combat eut enfin lieu et ce fut encore plus mémorable. Cette fois, Québec était au niveau de Canada. Deux champions s’affrontaient. L’aspirant dansait et touchait la cible, vif comme l’éclair. La moitié de la salle était de son côté. Les hurlements d’encouragements, pour l’un et l’autre, fusaient furieusement aux travers des rangées. Canada alla au tapis au deuxième round. C’était l’euphorie pour les partisans de Québec. Le champion se releva péniblement. Il bomba le torse en un mouvement de défi. Le message était clair. Toute sa puissance allait être maintenant être déployée. L’aspirant n’avait qu’à faire ses prières. Québec ne s’en laissa pas impressionner. Il était gonflé de confiance. Il allait gagner ce combat.
La bataille reprit avec encore plus de rage. Les passions étaient déchainées. Le champion montra pourquoi c’était lui, le champion. Ses coups lourds et destructeurs brisaient le corps de l’aspirant à chaque fois qu’il touchait la cible, mais Québec était toujours debout. Le douzième et dernier round fut celui où Québec alla, à son tour, au tapis. Les partisans du champion étaient debout, brandissant son effigie de manière délirante. Québec se releva avant le compte final. Il était là, debout devant le champion, prêt pour un treizième et ultime round qui ne viendrait jamais. La cloche se fit entendre. Le combat avait été d’une parfaite égalité. Les juges devaient trancher. Deux champions voulaient la ceinture. Chacun des camps croyait avoir gagné.
Puis, le verdict tomba. Le champion était déclaré vainqueur, encore une fois. Tout le monde rentra au vestiaire sans célébrer. Québec et Canada étaient anéantis. Le champion avait du mal à croire à sa victoire et l’aspirant, à sa défaite.
Le temps était aux bilans. Le champion et son entraineur étaient d’accord. Il ne faudrait jamais remonter dans le ring contre Québec. La prochaine fois serait celle d’une défaite assurée. Il faudrait refuser tout autre combat en compliquant efficacement toute demande. L’on dira que le champion n’a plus rien à prouver face à un adversaire qu’il aura battu trois fois. L’aspirant consulta aussi son entraineur. Ébranlé par l’issue du combat et par une troisième défaite, Québec voulu avoir l’opinion de son mentor. Épuisé et désabusé, PQ parla ainsi :
« Mon garçon, je crois que tu n’es visiblement pas prêt. Tu prends une correction à chaque combat. Tout ça devient ridicule. Je perds la face avec toi. Envisager un quatrième combat m’apparait comme une folie. On se fera moquer. Penser que tu puisses remporter la victoire, dans l’immédiat, m’apparaît comme une utopie. Je n’organiserai pas un quatrième combat pour en perdre un autre. Encore combien de temps jouerons-nous à ce jeu? Jusqu’à ce que tu crèves dans le ring? Non! J’ai une autre solution. Une bien meilleure stratégie. Veux-tu la connaître? »

L’aspirant venait de recevoir cette déclaration de non-confiance encore plus durement que n’importe lequel des coups les plus puissants jamais décochés par Canada. « Quelle est cette autre solution? » lui demanda-t-il, piteusement. « Nous allons voler la ceinture! » râla PQ. Et il enchaîna: « Parfaitement! Cette ceinture appartenait à ton père! Elle nous revient de droit. Nous allons la voler morceau par morceau, s’il le faut. Un jour, elle sera complètement nôtre de nouveau. Qu’en penses-tu? ».
***
Québec était au tapis. Il venait de se faire passer le K.O. par son propre entraineur. Non seulement son mentor avait-il perdu confiance en lui mais il venait de découvrir que celui-ci était devenu, avec le temps, un arriviste prêt à faire preuve de la mauvaise foi la plus sournoise pour mettre la main sur la ceinture. L’entraîneur ne respectait plus son boxeur et il ne respectait plus la ceinture des champions. Il ne respectait plus l’art de la boxe.
Québec avait le cœur en miettes. Il se surprit à penser que son entraineur avait peut-être raison. Après tout, tout cela devenait pathétique. À essayer de regagner l’honneur perdu, il se ridiculisait encore davantage. Il était temps de mettre un terme à tout ça.
Québec convoqua la presse. Il déclara, devant elle, qu’il se retirait de la boxe. Qu’il se retirait de toute course au championnat. Qu’il était temps qu’il passe à autres choses. Que son entêtement était dépassé et qu’il ne voulait plus entendre parler de la ceinture des champions. C’était terminé. Le temps était vraiment arrivé pour passer à autres choses.
Toute la presse devint folle. Les manchettes étaient sans équivoque. On titrait partout : « Québec veut passer à autre chose! » et encore « Québec dit adieu à la ceinture des champions! » et même « Québec n’a plus ce qu’il faut! ». PQ passa des jours entiers à répondre aux questions de la presse. Pourquoi Québec avait-il tout laissé tomber, si près du but? PQ répondait toujours la même chose : « Je n’y comprends rien, moi-même. Mais je reste disposé. Je ne forcerai pas mon poulain à faire ce qu’il ne veut pas. J’ai trop de respect pour lui. Quoi qu’il en soit, si l’envie de remonter dans le ring lui prenait un jour, qu’il me fasse signe. Je reste à sa disposition. D’autres questions? ». PQ ne savait plus que mentir.
***
Canada et son entraineur étaient satisfaits, mais non fiers. C’est qu’eux, ils savaient. Ils savaient que la dernière décision des juges était achetée. Ils savaient qu’ils avaient assuré leurs arrières et que l’argent avait fait son travail. Le champion sentait la confusion en son cœur. Il ne pouvait s’empêcher de penser que Québec n’avait jamais été aussi près de son rêve. Il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il avait bien senti, en sa chair qui en portait encore les marques, que Québec avait la puissance, l’agilité, le cœur et la volonté pour être un grand champion. Si la supercherie venait à se faire savoir, l’honneur allait lui commander de réparer l’affront en accordant à Québec un autre combat. Canada ne savait plus s’il avait la moindre chance de le gagner, ce dernier combat.
Québec ne voyait plus son étincelant parcours que comme un immense échec. Sa souffrance l’aveuglait. Il avait été trahi dans son aspiration la plus profonde. Il avait été trahi dans son appel à l’honneur et à la dignité, pour lui et pour son nom. Il avait été trahi par son entraineur et mentor, son inspiration, son guide, son autre père : PQ. Il avait été trahi par le champion, Canada, qui avait cessé de se comporter en champion pour se comporter en tricheur.
Et pourtant Québec avait, plus que jamais et même s’il l’ignorait car confusément torturé par sa douleur, le cœur et la force d’un champion. Québec était quelque chose comme un champion sans ceinture.
Il ne lui manquait plus, maintenant, que la confiance d’un nouvel entraîneur. Quelqu’un qui allait passionnément l’aider à reprendre confiance en lui-même et lui valoir une autre chance.
Il ne lui manquait plus que le respect de son adversaire en lui offrant une règle du jeu sans piège.
Il ne lui manquait plus que le temps d’un dernier combat.
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Martin Vaillancourt
martinvaillancourt.info


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2 commentaires

  • Martin Lavoie Répondre

    10 décembre 2011

    Super texte et belle perception générale de notre lutte. Bravo, Martin et je partage cette histoire pour mes amis facebookiens. Et je suis prêt pour un dernier combat avec l'entraîneur Aussant. Et que Legault compte ses billets.

  • Archives de Vigile Répondre

    10 décembre 2011

    Excellent texte! Merci.
    Çà redonne le goût de se battre et j'endosse Jean-Martin Aussant pour être notre nouvel entraineur.