Le syndrome du sauveur

D6397206552deb2be0e8585a09277e43

« Sur le fond, Martine Ouellet a pourtant raison. »

À la suite d’un discours coup-de-poing, la démission de Martine Ouellet de la chefferie du Bloc québécois était prévisible. Ne récoltant que 32 % d’appuis chez les membres, ses accusations fusaient. Mario Beaulieu, son ex-allié, l’aurait reniée. L’ex-chef Gilles Duceppe serait le magouilleur d’une vieille garde anti-indépendantiste.


En cela, Martine Ouellet est d’une constance de fer. Candidate à la chefferie du Parti québécois en 2016, elle avait traité de « provincialistes » ses adversaires qui refusaient de promettre un référendum dans un premier mandat.


À tort ou à raison, la vision de Mme Ouellet fut rejetée par les membres du PQ. D’où sa décision de traverser au Bloc. En mars 2017, elle fut élue chef par acclamation. Son combat perdu au PQ, elle l’importera au Bloc.


Guerre fratricide


La nouvelle chef voulait prioriser la souveraineté sur toutes les tribunes.


Dans le mini caucus bloquiste de 10 députés plus rompu à la « défense des intérêts du Québec », le schisme était inévitable. La personnalité abrasive de Mme Ouellet y était certes pour quelque chose, mais les vraies causes du schisme étaient plus complexes.


En claquant la porte, les sept députés dissidents étaient surtout convaincus que Mme Ouellet quitterait la chefferie illico. Elle a refusé. Le putsch avait raté. Sur l’indépendance, cette guerre de clans entre duceppiens et ouelletistes était en partie idéologique. Du moins, dans sa première phase.


Quand Mario Beaulieu, son allié, a demandé la démission de Mme Ouellet, le conflit est devenu une simple question de survie pour le Bloc. M. Beaulieu étant un militant indépendantiste aguerri, personne ne peut lui reprocher d’être un « mou ». Le différend grave qui s’est installé entre lui et Mme Ouellet, c’était le canari dans la mine.


Longue agonie


Voyant pleuvoir les attaques entre les deux clans, M. Beaulieu a tenté de stopper la catastrophe en exigeant la démission de la chef, mais c’était trop tard. Le dommage était fait. Et depuis longtemps. L’arrivée de Mme Ouellet n’avait fait qu’envenimer une situation déjà précaire. La réalité est que depuis la vague orange de 2011, le Bloc poursuit son agonie dans le déni.


Sur le fond, Martine Ouellet a pourtant raison. Un mouvement ne peut pas faire avancer son option en la repoussant à plus tard. Tenter de convaincre du bien-fondé de ses idées est la base même du processus démocratique.


On ne fait peut-être pas pousser une fleur en tirant dessus, mais on la tue à coup sûr si on la prive trop longtemps de soleil. Feu l’ex-premier ministre Jacques Parizeau en faisait le dur constat depuis des années. L’erreur de Mme Ouellet est de ne pas avoir su prendre la pleine mesure de ce même constat.


Souffrant comme d’autres du syndrome du sauveur, son drame est de s’être prise pour celle qui redresserait le paquebot souverainiste du haut de sa minuscule chaloupe bloquiste. Or, cette question cruciale de la promotion de l’indépendance se décide au PQ, pas au Bloc.