Le Super bowl et nous

Dans le prisme déformant de la SRC

Chronique de Jean-Pierre Bonhomme


Le journal Le Monde, dans l’un de ses derniers envois électroniques, c’est-à-dire le weekend dernier, a donné au monde, comme c’est son devoir, un long texte pour comprendre les mystères du Super Bowl. Il expliquait ainsi à l’univers ce que pouvait bien signifier ce « jeu » de « ballon » assez particulier.

C’est que, voyez- vous, ce sont les pays anglo- saxons, plus précisément ceux qui se trouvent sous l’empire américain, qui se donnent ce rituel annuel du « football » avec fanfares et trompettes, et, naturellement, avec la bière et les hot dogs.

Ce « football », en réalité, n’en est pas un. C’est plutôt un combat de corps au cours duquel des montagnes de muscles s’entassent autour d’un « ballon » pointu pour gagner quelques mètres sur un terrain grand comme le Cirque romain. Il paraît que c’est « stratégique ». Peut-être, mais au prix de bien des cranes cassés dont on ne fait pas grand cas; pas plus qu’on ne le fait pour les conséquences « collatérales » des bombes jetées par les drôles de drones. Il faut avoir la foi! Si c’est comme cela que l’Amérique veut « jouer » c’est son affaire… Et il n’y a rien à redire.

Le problème c’est que le jeu déborde. Il se répand depuis peu au Québec, tout à fait comme si le « bowl » - l’ultime cérémonial du football - était issu du terroir laurentien et que les citoyens d’ici l’avaient dans l’âme depuis des siècles. Cela tient au fait que la radio d’État fédérale, depuis peu, gave la Laurentie d’une propagande pro- footballienne carabinée. Deux jours avant le « bowl » les ondes de toutes sortes, ont diffusé les propos profonds des spécialistes sur le sujet et ont déterré d’étranges canadiens-francais qui ont eu, de près ou de loin l’audace de s’infiltrer dans le système du jeu US. Le tout, naturellement, dans le style « rigolo » esclaffé qui est devenu la marque de commerce de Radio-Canada; pour faire intime sans doute. L’industrie du sport, cette grande puissance, y est elle aussi sans doute pour quelque chose…;

Votre serviteur se demande depuis un an ou deux, dans ce contexte, si les Québécois ne sont pas devenus, comme se le demandait il y a un semestre, le ministre des finances de France, « des anglo-saxons qui parlent français ». Je me suis posé la question pour la première fois lorsque l’Université Laval a favorisé la création, dans les murs de la « vieille » capitale, d’une équipe de football américain; ce fut le lancement de toute un ligue du type de celle qui unit les universités des États-Unis. C’est assez récent.

Jusqu’à ce moment- là les Canadiens français pratiquaient sportivement les vrais sports. C’est-à-dire les jeux qui exigent plus ou moins d’habileté comme le hockey (avant qu’il ne devienne américain), La crosse, le tennis, le « foot » comme ils disent, (bien nommé car les joueurs se tiennent debout et ne se trainent pas dans la boue ) etc. Comme le reste de l’humanité en somme. En tout cas, le Super Bowl n’entrait jamais dans le champ de vision des Québécois. C’était un gros « party » des voisins, point final!. Le char culturel des citoyens de la Laurentie était attaché au train du monde.

Maintenant je vois que les choses ont changé. Et ce n’est pas banal. Car si, inconsciemment ou non, les Québécois sont majoritairement devenus des Américains, il faut en prendre acte. Il ne s’agit pas du simple fait de manger des ailes de poulet par un dimanche après-midi. Il s’agit d’un drame identitaire.

Jusqu’à maintenant les Québécois se reconnaissaient une part de caractéristiques autonomes reliées à l’histoire française et mondiale. Ce serait donc fini? Lorsque le gouvernement du Québec a fait des funérailles nationales à M. Angélil, il attachait son char culturel au train américain. M. Angélil habitait Las Vegas; c’est plus proche du Mexique que de Montréal! Le choix est encore plus direct quand on songe que le même gouvernement laisse ses villes se répandre dans les champs cultivables sans se donner les moyens de planifier l’urbain efficacement; comme on le fait beaucoup trop aux États-Unis! Sur ce dernier plan la France est un meilleur guide que nos voisins…

Devenu vieux je me demande ainsi où me rabattre. Je ne suis pas un anglo-saxon; je ne déteste pas les anglo- américains, mais je ne veux pas en être leur caricature; ce serait un peu trop colonisé. Retourner à Fécamp, d’où vient l’ancêtre de 1638? C’est un peu tard. Mais au moins je pourrais espérer que Radio-Canada cesse de me casser les oreilles avec son drôle de Super Bowl.


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6 commentaires

  • Marcel Haché Répondre

    24 février 2016

    @Serge Jean
    Voyez-vous, Serge Jean, les symboles ont leur importance en politique. Et lorsqu’un gardien de but du CH, Carey Price, c’est un dossier entendu pour l’éternité dans la maudite province de Québec, le meilleur-meilleur-meilleur joueur de tout l’univers, l’univers connu et inconnu, quand ce Price laisse entendre à mots couverts qu’il y a ici beaucoup (trop ?) de français, à Montréal, que même en faisant son épicerie il en trouve, faut bien s’occuper des p’tits et des gros hypopos.
    Advenant l’imminence de l’Indépendance, vous auriez tort sous-estimer les coups qui pourraient venir (et qui ne manqueraient pas de venir) de toute une presse constituée de journaleux et de joueurnalistes, de loin bien plus conservateurs que Radio-Canada et Gesca réunis... Tout Vigile est généralement insouciant, à tort, de ce qui se passe dans le « merveilleux monde du sport ».
    Plutôt que de féroces hypopos, un peu nonos, nous pourrions avoir à faire avec plus nonos encore mais pas du tout inoffensifs : une méchante gang de crocos, gardés comme en réserve...

  • Serge Jean Répondre

    23 février 2016

    Le combat pour le gros testicule; voilà à quoi m'a toujours fait penser ce jeux primaire et stupide de gros hippopotames qui se roulent dans la boue.

  • Claude Richard Répondre

    15 février 2016

    Très bien envoyé monsieur Bonhomme. Les commentateurs sportifs sont une race spéciale, pour qui toute autre chose que le sport n'existe pas. S'il faut créer et mousser des événements pour justifier leur existence, évidemment qu'il le font, et avec enthousiasme. Et Radio-Canada et TVA et Gesca qui ont pour mission de distraire de l'important approuvent de tout coeur. Et vive l'uniformisation nord-américaine!
    Et il n'y a pas que le football et le hockey. Vous arrive-t-il de regarder des matchs de tennis à RDS et à TVA Sports? Hélène Pelletier, Yvan Ponton, Paul Rivard n'en finissent pas de se pâmer devant Milos Raonic, "notre Canadien" et de se prosterner devant la feuille d'érable. Et les jeux de Rio qui s'en viennent: le rouge et le blanc n'ont pas fini de s'étaler à plein écran avec commentaires à l'avenant.
    Robert Sirois a du pain sur la planche, lui qui veut nous donner une colonne sportive québécoise. Le moins qu'on puisse faire est de l'appuyer de toutes nos forces.

  • Marcel Haché Répondre

    12 février 2016

    Permettez que j’abuse un peu de votre tribune, M. Bonhomme.
    Je reviens encore sur le symbole Drouin, car à certains égards, ce jeune hockeyeur est un symbole.
    Bien malgré lui, Drouin révèle une triste réalité : celle d’une presse à genoux et dégénérée. Une presse qui a accepté depuis longtemps de se faire c… dessus, et qui persévère avec une admirable lâcheté, à l’égard d’un gardien de but qui n’a jamais dit un traître mot de français.
    Les mêmes dégénérés (comment les nommer autrement ?) se croient finauds de proposer que, pour relancer le CH, c’est P.K. Subban qui devrait servir de monnaie d’échange afin d’emmener à Montréal le ou les joueurs qui manquent pour que Nous ayons un grand printemps.
    Outre qu’il est un très bon joueur du CH, P.K. est un jeune homme qui a cette rare qualité de s’impliquer dans notre société. De plus, il fait l’effort de parler français, lui pourtant un gars de Toronto.
    Simonak, faut-il que nos grands réseaux de télévision soient à ce point à genoux pour laisser leurs micros à pareils ticounes, qui soumettent de mettre P.K. « sur le marché »
    Les mêmes nuls (pourtant des Tremblay d’Amérique eux-mêmes) qui ne réclament jamais-jamais-jamais que le CH Nous ressemble, supposément parce que seule la « victoire » compterait, seront demain les mêmes démissionnaires qui se plaindront que la pratique du hockey diminue parmi les jeunes Tremblay d’Amérique.
    Mais s’ils ne sont jamais repêchés à leur juste valeur, les jeunes Tremblay d’Amérique, si ceux-là qui le sont repêchés, sont ensuite bafoués (comme Drouin), si, après s’en être lavé les mains, le CH est applaudi par ses ticounes à micro, pourquoi ne faudrait-il pas maintenant faire remarquer aux démissionnaires que ça va faire bientôt un quart de siècle que le CH n’a pas connu de magnifique printemps ?
    Évidemment, les démissionnaires seront tout heureux de faire remarquer que l’équipe de Toronto est dans une situation bien pire que le CH. C’est ça une excuse de colonisés…

  • Marcel Haché Répondre

    11 février 2016

    Vous avez raison, M.Bonhomme, à propos de la gang de Radio Canada.mais ce n'est pas la seule gang en cause.
    C’est toute la gang de Radio-Canada, toute celle de TVA sport, plus encore celle de R.D.S., elle à genoux et accoquinée à T.S.N.de Toronto qui sont en cause. Qui, je demande qui, à Montréal, prend vraiment la part d’un bon p’tit kid ? Drouin est un clisse de bon kid.
    Et si le problème de Drouin, outre d’avoir du talent, serait celui d’avoir cette tare impardonnable de parler français ?
    Les mêmes bâtards qui crient à tous les soirs sur TVA et RDS pour un fameux printemps à Montréal, sont les premiers à laisser tomber la meilleure chance qui est donnée au CH de renaître. Mais ils sont les premiers à brailler snif-snif chaque fois qu’un chandail est retiré et monter au plus haut du centre Bell, en particulier si c’est le chandail d'un des nôtres.
    Heille, la gang de tdc…ça va prendre combien de temps avant que le CH Nous ressemble juste un tipeu ? Wake up ! Puisqu’il faut vous l’écrire en anglais…

  • Marcel Haché Répondre

    10 février 2016

    Des anglo-saxons ? Nous serions des anglo-saxons qui parlent français ? Peut-être. Mais ce n’est pas au « Monde » ni à cette France en perdition de Nous dire qui Nous sommes.
    Ceux du « Monde » n’ont jamais vu la100iè avenue à Laval, ni le boul. Maurice Duplessis à Rivière des Prairies, lorsque la Grèce et l’Italie raflèrent les grands honneurs au soccer. N’ont jamais vu le printemps de Montréal non plus, lorsque le CH gagne la coupe Stanley.
    Vrai que ça fait longtemps depuis le dernier beau printemps à Montréal, mais ça, c’est une autre histoire.
    Impossible n’étant pas français, que Marc Bergevin amène donc Drouin au CH. Juste pour voir. Pour voir qu’il y a en plusieurs Centre Bell, mais qu’il y en a un qui est trop souvent oublié...
    Si c’est nécessaire, que Jeff Molson mette le prix fort pour acquérir un bon kid, comme l’État québécois a mis le prix fort pour lui, lorsque lui-même en a eu besoin. Ce ne sont pas seulement notre goût et notre besoin qui sont en cause. Qu’un certain CH renaisse, c’est peut-être plus encore le besoin de la vieille famille Molson.
    Un simple clin d’œil pourrait donc faire entrevoir, de bien plus loin que le Centre Bell, ce à quoi pourrait ressembler la fameuse rue Ste Catherine de Montréal, un de ces fiévreux jour de printemps…
    Et cela ne serait rien encore à comparer au Printemps que Nous méritons, celui qui ne manquerait pas de Nous rassembler. Mais ça, c’est une autre Histoire.
    Et cette Histoire-là, aucun doute n’est possible, elle est française…
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