2017: L'année des affairistes

Le «party jovialiste de Coderre»

Un anniversaire sans Histoire

Chronique de Jean-Pierre Bonhomme

La Ville de Montréal a décidé de « fêter » le 375e anniversaire de son existence. La décision a été prise en 2015 et la structure de l’événement, son infrastructure aussi, a été révélée à la fin de l’année qui vient de s’écouler.

C’est une démarche qui, normalement, ne devrait pas faire trop d’éclats ou d’éclaboussures car le 375e d’une ville passe généralement inaperçu. Les États fêtent souvent les centenaires de leurs capitales ou de leurs métropoles et ils y mettent les sous qu’il faut pour marquer le coup.

Or Montréal va célébrer ce trois-quarts d’anniversaire avec l’éclat d’un centenaire. Le maire actuel en a décidé ainsi. Et on ne sera pas surpris de constater par conséquent que l’auteur de ces lignes a de quoi s’interroger. D’autant que l’argent est rare à ce qu’on dit!

Il est possible – c’est une hypothèse - qu’il soit dans la nature des Québécois – les jeunes et les moins jeunes – de « fêter ». Il y en a même qui pensent que les jeunes Québécois sont ni plus ni moins des fêtards irréductibles. On l’a vu au 400e anniversaire de la capitale; il a suffi de faire venir un membre des Beatles pour faire danser toute la ville un verre de bière à la main. Ce ne fut pas une célébration de très haut niveau « culturel » et patriotique. On n’a pas vu, dans tout Sillery, dans tout Sainte-Foy, le moindre drapeau de la France qui a fondé la ville. Le maire voulait de l’argent… fédéral. Et c’est un Britannique qui, à grands frais, a mené le bal!

En tout cas Les Québécois de Montréal pourront fêter comme cela durant toute l’année 2017. Ce n’est pas pour rien que le président de la confrérie Juste pour rire, M. Gilbert Rozon, se trouve tout haut dans l’organigramme du nouveau conseil d’administration de la Société du 375e anniversaire de Montréal; il en devient le « commissaire aux célébrations » et membre de l’exécutif. Mme France Chrétien Desmarais, une «femme d’affaires » du le groupe Desmarais, elle, préside cet exécutif et M. Andrew Molson, le président de Molson Coors, devient membre du conseil général.
Par ailleurs il se dégage que la présence de Power Corporation aura un poids certain puisque M. Stéphane Lemay, le secrétaire de Power Corporation du Canada, compte parmi les membres du conseil d’administration et devient le secrétaire exécutif de la nouvelle Société.

Ces personnes, et les autres dirigeants de certaines grandes entreprises, sont honorables, à n’en pas douter… Mais, pour l’auteur de ces lignes, leur présence indique que le caractère historique de l’anniversaire de 2017 sera peu souligné. Pour lui un pareil anniversaire devrait être largement confié à des historiens et à des universitaires de tous types, notamment ceux qui connaissent par exemple l’apport de la ville de LaFlèche, en France, dans la fondation de la ville.

Notons ici que, dans une année « ordinaire », on voit se dérouler dans les deux mois d’été de Ville-Marie un chapelet de «  fêtes » multiformes. On se demande un peu où les fêtards de 2017 pourront bien s’ébaudir? Mais c’est prévu : la ville le dit dans son programme général : elle s’organisera pour qu’il y ait de « l’effervescence » et, naturellement, des « festivités » toute l’année.

Je me demande pourquoi le ministère de la Culture du Québec n’a pas pris charge d’une partie principale des célébrations et formulé un programme culturel véritable? Pourquoi pas une série de conférences sur MM. De Maisonneuve, de Champlain et Mme Jeanne Mance qui ont eu quelque chose à voir directement avec la fondation de la ville. ? La constitution du pays ne prévoit-elle pas que la juridiction exclusive sur les municipalités, au Québec, relève de l’État provincial? Le gouvernement du Québec, qui représente une nation, n’a-t-il pas le devoir de perpétuer la culture et de maintenir vivant cet esprit français qui a pris racine en Amérique plutôt que de constater « l’effervescence » d’un simple party ? En tout cas il pourrait au moins arborer son drapeau – national - ce fleurdelisé que le maire actuel, M. Coderre honore peu par les temps qui courent.

Dans l’État actuel des choses, la présence officielle de l’État ne s’est manifestée que par l’apparition du ministre des… Transports, M. Poeti, dans une photo du conseil d’administration de la Société nouvellement établie. Plusieurs des membres de ce nouveau conseil ont des liens plus ou moins directs avec l’État fédéral lui qui n’a rien à voir avec les administrations municipales; cela affiche une sorte de détachement par rapport au bien commun de la nation d’ici.

La liste des dirigeants est par ailleurs chapeautée par la Chambre de Commerce du Montréal Métropolitain, comme si le mercantile était plus important que le culturel proprement dit. Qui peut nous faire croire que le commerce est l’instrument principal par lequel une âme peut vivre?

L’insistance que l’organisation des « festivités » met à promouvoir la « diversité » de la ville, sa diversité ethnique faut-il comprendre, et à faire le silence sur l’origine française du bourg, est pour moi un peu suspecte. Je ne vais pas avoir l’air à la mode , mais la part française de notre nation celle qui nous reste encore un peu dans la peau malgré tout, est respectable. Or sa présence n’est mentionnée nulle part. Comme s’il était péché d’avoir des racines qui remontent à la Normandie ou à la Bretagne!

Je sais par ailleurs que bien des membres de nos élites d’ici n’ont de français que le nom. Que leur âme est parfois devenue anglo-saxonne. C’était inévitable vue les circonstances! Mais c’est aussi permis et moderne d’avoir des racines françaises et la culture qui va avec. Je sais aussi que bien des autorités politiques ont voulu faire vivre notre peuple dans un no man’s land culturel afin de contrecarrer ses velléités d’affranchissement (je ne parle même pas ici d’indépendance); « Were’ all Canadian », n’est-ce pas?

Je sais enfin que quasi toutes les familles québécoises de la ville sont allées s’installer en banlieue par manque de moyens financiers. Mais nombre d’entre eux demeurent néanmoins encore un peu Montréalais et Québécois dans l’âme et il me paraît qu’ils n’ont pas le désir de se borner à « fêter » dans le vide culturel. Ceci dit dans le plus grand respect des immigrants dont il y a lieu de se rapprocher.

La dernière question que je me pose c’est de savoir si le gouvernement du Québec a la volonté de protéger la culture des Québécois en gouvernant dans sa métropole; pas seulement dans le Bas du Fleuve. Pour le moment le ministère de la Culture de notre État disparaîtrait que nous ne verrions pas la différence et c’est pénible à constater. Si ces choses ne sont pas corrigées, je ne serai pas de la fête. Aller voir des feux d’artifice ou me pâmer devant un band de jazz ne m’a jamais suffi pour bien vivre!

Source :
http://www.375mtl.com/societe-du-375e/conseil-dadministration/=


Laissez un commentaire



1 commentaire