Le 21 mai 2006, 470 000 Monténégrins se sont prononcés sur l’avenir de leur État. Ils ont du répondre par «oui» ou par «non» à la question suivante : «Souhaitez-vous que la République du Monténégro devienne un État indépendant avec une pleine reconnaissance juridique et internationale ?» Le «oui» l'a emporté avec 56,3 % des voix, au-delà des 55 % requis par l'Union européenne pour reconnaître l'indépendance. Le Monténégro est maintenant un nouveau pays. Son territoire est comparable à celui de la Gaspésie. La question référendaire était claire. La réponse était claire. La réponse faut aussi très claire.
Mandat de négocier
Le référendum de 1980 ne portait pas sur l’indépendance du Québec. Il portait sur un mandat de négociation avec le reste du Canada. Le but, non avoué par les péquistes de l’époque, était de transformer la Fédération canadienne en une authentique Confédération. Si le «oui» l’avait remporté, le gouvernement de René Lévesque aurait reçu le mandat de négocier la création d’une nouvelle entité politique canadienne et éviter ainsi la séparation du Québec du reste du pays actuel. Le Canada anglais, sans mandat, aurait-il acquiescé à la demande du Québec et négocié ce projet? On ne le saura jamais. Le «non» l’ayant très majoritairement remporté, la souveraineté association ou Confédération canadienne à la René Lévesque, n’a donc pas vu le jour. Si le «oui» l’avait remporté et si le Canada anglais avait voulu négocier cette profonde métamorphose politique, les deux nouveaux États associés ne seraient pas nés automatiquement.
Demande d'approbation de la nouvelle entente
Un second référendum, prévu dans la question de 1980, devait obligatoirement se tenir au Québec afin de sanctionner les nouveaux accords entre les deux parties. Le Canada anglais aurait sans doute fait un référendum et aurait demandé au reste du Canada s’il approuvait la nouvelle entente Canada-Québec. Le Canada anglais aurait certainement dit «non ». Les partisans de René Lévesque ont toujours traduit le résultat de 1980 (40% en faveur du «oui») comme étant un appui inconditionnel à l’indépendance du Québec. Rien de plus faux. Ceux qui osent, encore aujourd’hui, interpréter ainsi les résultats du premier référendum, font dire aux Québécois ce qu’ils n’ont pas voulu dire. Les électeurs, en votant «non» en 1980, ont voté pour rester dans la Fédération canadienne. Les électeurs, en votant «oui», en 1980, ont voté pour rester dans le grand ensemble canadien, dans l’union confédérale canadienne. Ils ne voulaient pas la séparation politique du Québec.
Référendum sur l'indépendance
Le nouveau gouvernement péquiste, élu en 1994 et dirigé par Jacques Parizeau, devait tenir un référendum portant sur l’indépendance nationale. En effet, en 1994, l’ancien premier ministre avait suggéré de poser la question suivante : « Acceptez-vous que le Québec devienne souverain en date de…?» L’arrivée en scène de Lucien Bouchard et de Mario Dumont modifia complètement la donne. Selon une entente signée le 12 août 1995 entre les trois leaders politiques, la question référendaire fut modifiée et remplacée par celle-ci : « Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec, et de l'entente signée le 12 juin 1995, oui ou non?»
Essentiellement, la question référendaire de 1995 reprenait la démarche de 1980 : appel à la formation de deux États associés politiquement et économiquement, liés par une union confédérale. En 1980, René Lévesque promettait à ses pairs de faire un deuxième référendum afin de savoir si la population approuvait le résultat des négociations. En 1995, rien de tel. Plus de deuxième référendum. En disant «oui» à la question posée, les électeurs donnaient le mandat au gouvernement en place d’entamer des négociations avec le reste du Canada, dont le but était de faire une authentique Confédération. En cas d’échec, un an après cette consultation populaire, le peuple donnait, ipso facto, l’autorisation à l’Assemblée nationale de proclamer unilatéralement l’indépendance du Québec. D’aucuns ont parlé de l’astuce de la cage à homards. Il suffisait, pour arriver à l’indépendance du Québec, de lancer les Québécois dans un vague processus de négociations confédérales, en sachant très bien au départ, que le Canada anglais allait automatiquement refuser de s’inscrire dans une telle démarche ou que, le Québec dirigé par Jacques Parizeau, allait tout faire pour que les dites négociations ne fonctionnent pas.
À un cheveu...
Douze ans après ce deuxième référendum, ils s’en trouvent toujours pour dire que les Québécois, en 1995, ont passé à un cheveu de dire «oui» à l’indépendance du Québec. Rien de plus faux. En 1995, les Québécois, en disant «oui», ont affirmé qu’ils souhaitaient une nouvelle Confédération canadienne — l’union confédérale selon le Rapport Allaire — mais non à la création d’un nouveau pays nommé Québec. En 1995, en disant «non», les Québécois souhaitent que la Fédération canadienne actuelle perdure. En disant «oui», ils souhaitaient une nouvelle Confédération, mais ne voulaient pas que les dirigeants en place détournent leur vote en vue de créer un nouveau pays. La preuve en est que, dans un sondage subséquent, les partisans du «oui» pensaient (à 52 %) qu’en votant de cette façon, ils allaient rester dans le Canada.
Pour une véritable confédération
Les dernières déclarations de Mario Dumont, tenues le 3 avril 2007, sur les ondes de Radio-Canada, confirment bien cette thèse. «J’ai milité pour le "oui ", dit le nouveau chef de l’Opposition, mais je n’ai jamais cru à la séparation du Québec du Canada. Ma participation dans la campagne du "oui" s’est faite davantage pour négocier une nouvelle entente avec Ottawa, pour qu’on vive dans une véritable confédération avec une autonomie du Québec dans un ensemble canadien ». Le député de Rivière-du-Loup n’a pas eu peur d’affirmer que Lucien Bouchard en aurait été le négociateur. En 1995, Lucien Bouchard et Mario Dumont ne voulaient pas et ne souhaitaient pas l’indépendance du Québec. Tous les deux voulaient créer une véritable confédération. Jacques Parizeau était le seul du triumvirat à vouloir faire du Québec un pays indépendant.
L’astuce référendaire du chef indépendantiste était on ne peut plus géniale. En entraînant Bouchard et Dumont dans la galère du «oui», il cautionnait une certaine brume référendaire et restait le maître de l’interprétation des résultats. Les Québécois, pris au piège, dans la cage à homards, auraient été incapables de la quitter, ayant politiquement donner leur aval à une chose, tout en devant prisonnier de quelque chose qu’ils ne voulaient pas. L’indépendance du Québec se serait réalisée, par la bande, sans que le peuple ait pu se prononcer à nouveau sur le fond de la question. Ce référendum a-t-il été truqué? À chacun de juger !
Le vague projet de l’indépendance du Québec vit depuis plus de quarante ans. Il a été mêlé à de la petite politique partisane, à des intrigues douteuses, à des chemins inavoués et tortueux. Si ce projet doit se poursuivre, il doit absolument se délester des partis politiques provinciaux et devenir le projet de toute une société mature, libre de ses choix. Le Québec n’a pas besoin d’une nouvelle cage à homards, d’un programme péquiste plusieurs fois remodelé. Le projet de l’indépendance du Québec appelle un rassembleur. Un éducateur. Un visionnaire. Un penseur. Un philosophe, comme dans l’ex-Tchécoslovaquie. Où le trouver? Le pays à faire reste toujours sans berger. Pas étonnant que la bergerie craque de toutes parts et que la brebis arc-en-ciel s’éparpillent, vont dans toutes les directions, étourdies et déboussolées.
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