Cliche, Jean-François - Avec ou sans lapsus, la partition d'un éventuel Québec indépendant ne trouverait de fondement ni dans la Constitution canadienne, ni dans le droit international, ont affirmé hier au Soleil deux professeurs de la faculté de droit de l'Université Laval.
Le premier ministre Jean Charest a rallumé ce débat mardi en affirmant que la question du morcellement du territoire québécois se poserait à coup sûr au lendemain d'un référendum où le Oui l'emporterait. M. Charest a ajouté qu'il ne croyait pas que le Québec était indivisible, mais il est revenu sur cette dernière déclaration quelques heures plus tard, mardi, précisant qu'il avait commis un lapsus.
Cependant, que ces propos aient fidèlement reflété sa pensée ou non, ils ont peu ou pas de fondement juridique, estiment Eugénie Brouillet et Charles-Emmanuel Côté, nos deux professeurs de droit.
La Constitution canadienne protège en effet les frontières des provinces, rappellent-ils, et cette garantie prévaudrait encore à une négociation d'indépendance, puisque le Québec se trouverait alors toujours dans le cadre juridique canadien.
Ottawa n'aurait d'ailleurs pas intérêt à tenter de modifier les frontières, ajoute Mme Brouillet, car la Cour suprême du Canada a statué, d'une part, qu'Ottawa et Québec auraient l'obligation de négocier de bonne foi et que, d'autre part, ce serait la communauté internationale qui jugerait de cette bonne volonté.
Or, poursuit Mme Brouillet, le Québec a déjà indiqué qu'il n'accepterait pas le morcellement de son territoire. On peut donc "imaginer que si le fédéral en faisait une condition d'échange dans le cadre d'une négociation, cela pourrait être vu négativement par la communauté internationale. Et ça (cette mauvaise foi perçue du fédéral) militerait en faveur de la reconnaissance du Québec. Alors il est, à mon avis, loin d'être certain que le fédéral jouerait ce gros jeu-là."
Si cette phase de négociation devait échouer, ce serait alors le droit international qui prendrait le relais - et qui, lui aussi, protégerait les frontières du Québec telles qu'elles sont.
En l'absence de traité dictant les conditions d'une sécession, explique M. Côté, le droit international veut que l'on cherche les règles à suivre dans la "coutume internationale", c'est-à-dire dans la pratique récente des États dans des circonstances semblables.
Et cette pratique récente suit un principe de droit nommé uti possidetis juris, qui veut que les États nouvellement indépendants conservent ce qu'ils possédaient déjà. Cette règle serait d'ailleurs facilement applicable aux États fédérés - comme le Canada ou, il y a quelques années, l'URSS et la Yougoslavie - , puisque leurs composantes ont déjà des territoires bien délimités.
Obligation
Cette "protection" internationale du territoire québécois serait cependant assortie de l'obligation, pour un Québec souverain, de traiter ses minorités respectueusement, ajoute M. Côté. Mais cela ne change rien au fait qu'en redessinant des frontières sur une base ethnique, on se trouverait à enfreindre une des finalités fondamentales du droit international, qui est de préserver la paix et la sécurité internationales.
Sans compter, ajoute Mm e Brouillet, qu'un autre principe du droit international, le "droit à l'autodétermination des peuples", ne s'appliquerait pas à certains des groupes qui pourraient réclamer la partition. Pour se prévaloir de ce droit, explique-t-elle, une communauté doit d'abord se considérer elle-même comme un peuple, et non comme une partie d'un peuple habitant un territoire voisin, comme la communauté anglophone de l'ouest de Montréal, par exemple.
jfcliche@lesoleil.com
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