Faisant parti d’un panel de discussions lors d’un des congrès de l’ACFAS tenu à Rimouski au printemps 1993, Stéphane Dion avait éberlué ses collègues politologues en faisant sienne l’assassine phrase de Trudeau: «Si le Canada est divisible, le Québec l’est tout autant». En 2012, notre homme n’a pas changé.
C’est du moins l’image qu’il transmet de lui-même au travers les lignes d’un texte où il vilipende le NPD. (Stéphane Dion, Comme le Bloc – Le NPD doit cesser de jouer avec le Canada, La Presse, 13 mars 2012) Il n’est pas du tout certain que le Parti libéral du Canada ait quelque chose à gagner en laissant ainsi son ex-chef continuer à casser du sucre sur le dos du Québec.
En effet, si le futur chef du PLC ne réussit pas calmer les ardeurs anti-séparatistes de Dion, la PLC risque fort en 2015 de subir au Québec une dégelée semblable à celle que, dans quelques mois, subira le PLQ. De ne réaliser des victoires que dans des comtés à forte densité anglophone. Comme celui de Saint-Laurent-Cartierville.
L’ex-chef du Parti libéral semble être coupé de la réalité québécoise. Il n’a pas encore compris que si le NPD a fait de si gros gains au Québec, c’est peut-être un peu à cause du côté bon vivant de Jack Layton; mais c’est beaucoup parce que « notre bon Jack » répétait constamment que, par la déclaration de Sherbrooke, son parti avait tourné le dos au Clarity Bill.
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Mais ce qui, dans la présente course à la chefferie du NPD, semble permettre à ce parti de ne pas glisser au plus creux dans les sondages, c’est que les candidats ont presque tous compris que la question de la sauvegarde du français est devenue une préoccupation majeure au Québec. Chez Stéphane Dion, c’est ce qui semble le plus le terroriser.
Devenu politicien en janvier 1995, Dion aimait bien à l’occasion revêtir ses habits de politologue et être invité à prendre la parole lors de colloques. C’est pendant un de ceux-ci qu’il s’était permis de dire que la loi 101 était «une grande loi canadienne».
On pouvait croire que le politicien Dion faisait sien l’objectif fondamental de ladite loi : celui de faire du français la langue commune de tous les Québécois. Qu’il acceptait donc que, pour y arriver, il se doive qu’un nombre important de Québécois, anciens et nouveaux, puissent honorablement vivre et travailler n’importe où sur le territoire, sans être nécessairement capables de se démêler dans la langue de Shakespeare.
Lors du débat télévisé des chefs, Gilles Duceppe avait invité Layton à s’allier à lui afin de presser le gouvernement canadien d’appliquer les principes la loi 101 aux entreprises québécoises sous juridiction fédérale. La réponse du chef du NPD fut ni chair ni poisson.
Les choses ont changé depuis et tout ça est lié au présent souci du NPD de ne point voir, au gré des sondages, fondre les gains engrangés lors de scrutin du 2 mai. La course à la chefferie a également joué sur ce changement de cap, d’autant plus que Thomas Mulcair, le candidat québécois en avance sur les six autres, sait très bien comment la question linguistique a repris du coffre au Québec.
Reste à voir maintenant comment le futur chef réussira à faire avaler au reste du Canada un tel projet que d’obliger les entreprises québécoises sous juridiction fédérale à se soumettre aux exigences de la loi 101. Grand paradoxe en ce pays : ce qui semble aisé quand il s’agit d’une simple loi sur les accidents de travail, devient très ardu quand il s’agit de langues, ce qui demeure pourtant une grave question de survie pour le peuple québécois.
C’est pour profiter de cette dure marche du NPD sur la corde raide que le tonnerre Dion a grondé. Sa façon particulière de gronder : répéter continuellement « Comme le Bloc… ». Dion tente ainsi de noircir l’image de chacun des candidats à la chefferie du NPD, les accusant tous d’avoir repris la totalité des revendications du Bloc québécois, ce parti tant honni au Canada anglais.
La loi 101 a beau être pour Stéphane « une grande loi canadienne», elle ne l’est pas assez, « question de cohésion nationale » pour s’immiscer dans les entreprises « proprement canadiennes ». «Cela aurait, partout au pays, des répercussions sur les minorités des langues officielles».
On est en droit de se demander quelles sont ces répercussions? Dans tous les chantiers et usines du ROC, l’anglais domine. Que risque donc ici « nos cousins » des autres provinces. Une prolifération de petits Cornwall? Avec ses meutes de fanatiques beuglant : “One nation, one flag, one language” ?
Dion ne pouvait faire autrement que de reprocher aux candidats de renier le Clarity Bill en cautionnant la déclaration de Sherbrooke qui voudrait que le NPD accepte qu’un Québec puisse aller de l’avant suite à un oui majoritaire lors d’un éventuel prochain référendum.
Au moment même où la Parti conservateur de Harper s’éloigne du Québec, Stéphane Dion fait tout pour rappeler aux Québécoises et aux Québécois que, sans leur accord, son parti a rapatrié la Constitution de 1967, que son parti a également été le Grand Coordonnateur de la dilution par la Cour suprême du Canada de la pourtant «très canadienne loi 101 ». Et que c’est encore son Parti qui grâce à son parrainage, a fait adopter le Clarity Bill dont l’objectif fondamental est d’empêcher que le peuple du Québec puisse un jour collectivement s’émanciper d’un Canada qui, de moins en moins, le respecte.
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L’ex-chef du PLC se complait à signaler que, avant qu’il ne se désiste, le candidat Roméo Saganash était le seul à refuser de cautionner le principe du cinquante pour cent plus un. Dion joue ici la carte autochtone, façon comme une autre d’invoquer la menace d’un démembrement du territoire québécois advenant que les Québécoises et les Québécois se décident un jour à se donner un pays.
Là encore, Dion risque de nuire à son parti. Les histoires du Canada anglais et des États-Unis nous enseignent que les rapports entre « Blancs » et « Peaux-Rouges» ont été entachés de grandes injustices. Et même de grandes barbaries. Cela n’a jamais été à de tels niveaux de turpitude, ni en Nouvelle-France, ni dans le Québec moderne. En cela, Samuel de Champlain demeure pour nous tous un puissant modèle de rectitude. Et de main tendue.
Décidément, le Parti libéral du Canada n’a rien à gagner en s’associant aux réprimandes que leur ex-chef profite de faire au NPD à l’occasion de leur course à la chefferie.
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Claude G. Charron
Auteur de "La Partition du Québec de Lord Durham à Stéphane Dion", VLB, (1996)
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7 commentaires
Jean-François-le-Québécois Répondre
26 mars 2012« La réponse du chef du NPD fut ni chair ni poisson.».
Feu Jack fut en cette occasion, simplement égal à lui-même. Dans un peu plus d'une semaine, cela fera un an que beaucoup, beaucoup trop de Québécois ont voté pour ce personnage sans substance, offrant seulement, aux Québécois, un sourire et un français approximatif.
Archives de Vigile Répondre
25 mars 2012C'est bien clair que la fusion du NDP et du LPC n'est qu'une question de temps. Même discours ambigu, un propos pour le Canada et un autre pour le Québec, mêmes contradictions dans les engagements, pour le 50,1% mais en soulevant l'hypothèse de la partition, etc. A croire que nous revenons au temps du «Non qui veut dire Oui et même Oui qui veut dire Non». Et voilà le NDP avec un chef qui a naguère combattu la loi 101 et qui maintenant la ferait valoir (!). Et qui ne se gêne pas pour dire publiquement que le programme du NDP, c'est-à-dire le propos électoral, a été ajusté aux préoccupations des Québecois à l'occasion du récent scrutin fédéral. En clair, ça s'appelle parler des deux coins de la bouche. Les Québécois se feront-ils prendre encore une fois par ce miroir aux alouettes repeint orange?
Laurent Desbois Répondre
23 mars 2012Thomas Mulcair NDP était libéral!
Bob Rae libéral était NDP!
Lors du vote sur les mesures de guerre en 1970, Il y avait vingt députés NDP au parlement. Tommy Douglas fut le seul à avoir le courage de voter contre et il en a payé le prix politique.
De plus, le NPD a appuyé les libéraux lors du rapatriement de la constitution de Trudeau en 1982 et lors de la loi sur la clarté de Dion récemment!!!!
En 2008, le NDP a voté contre le retrait des troupes en Afghanistan en février 2009 et plus récemment, pour le maintien des attaques en Lybie.
Est-ce un hasard que quand j’écoute ces Turmel (Boivin) ou Mulcair (Saganash), j’ai l’impression d’entendre PET…. un demi-siècle plus tard ! « Un non, c’est un oui….. ». Soyons clair ! Le NDP est un parti ultra centralisateur et fédéraliste!!!
Laurent Desbois Répondre
23 mars 2012Le parti Libéral du Canada a perdu sa raison d’être.
Le Parti Libéral du Canada est le parti des minoritaires. Parce que c’est normal pour tout être humain de faire parti d’une majorité, ils ont perdu leurs quatre bases électorales. Je m’explique.
1.) Ils avaient le vote des Canadiens-Français du Québec. Depuis la révolution tranquille, ceux-ci se sentent majoritaires et sont devenus Québécois, ils votent donc plus à gauche maintenant (Bloc-NPD).
2.) Les Francophones hors-Québec s’assimilent à la majorité anglaise, pour devenir Canadian. Ils votent donc NPD ou Conservative, dépendant s’ils sont de gauche ou de droite. (ex. St-Boniface au Manitoba et Chéticamp, N-É qui sont allés Conservateur. Bathurst au N-B et le nord de l’Ontario qui sont allés NDP).
3.) Les immigrants aussi, qui après deux générations, s’assimilent aux Anglais et deviennent Canadian (NPD-Conservateur). Ils sont donc une clientèle d’électeurs éphémères, à renouveler constamment.
4.) Et la dernière minorité, les Anglais du Québec. C’est tout ce qui reste (libéral), mais c’est très limité, avec quelques contés dans le West-Island.
Comme vous voyez, ce n’est pas une question de chef, même si ceux-ci ne sont pas forts. Les deux derniers Dion-Ignatieff ont été choisis par défauts, parce que personne ne veut être chef d’une gang de loosers systémiques et chroniques.
Le parti libéral a toujours été un regroupement de minoritaires et aujourd’hui ils récoltent ce qu’ils ont semé… leur clientèle historique est devenu adulte et s’est affranchie.
Prochainement, il ne restera que deux nations souveraines le Québec et le Canada…. Le parti Libéral aura bientôt perdu sa raison d’être. Nous seront tous majoritaires et le parti libéral disparaîtra paisiblement. Ce sera la fin du beau rêve à Trudeau et on en parlera dans les livres d’histoire comme un exemple à ne pas suivre.
Archives de Vigile Répondre
23 mars 2012Je ne saisis pas monsieur Charron (son parti a rapatrié la Constitution de 1967)
1967?
Claude G. Charron Répondre
22 mars 2012@ Patlap,
Je suis tout-à-fait d'accord avec vous.
C'est pour cela que j'ai écrit que le prochain chef marchera sur la corde raide à propos du 50% plus un.
Tout ce que je voulais surtout démontrer dans mon texte, c'est que Dion a fait du tort à son parti en prenant prétexte de la course à la chefferie du NPD pour sortir ses vielles rengaines contre la volonté d'émancipation des Québécois
Il est bien certain que cette course finie, tout va rentrer dans l'ordre canadian pour le NPD. Durant la course, il ne fallait surtout pas voir leur parti ne pas trop glisser dans les sondages.
Claude G. charron
Archives de Vigile Répondre
22 mars 2012C'est certain que M. Dion a de la misère au Québec. Mais il n'est pas seul à se poser des questions sur le NPD. Les médias anglos (et JF Lisée) soulignent à grand trait la différence entre ce que dit le NPD au Québec et ailleurs au Canada. C'est pas vrai qu'ils sont prêts à dire bye-bye à la Loi sur la clarté.