Le Québec « bashing » ou la tolérance à deux vitesses

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Le racisme systémique existe... le Québec le subit depuis plus de 250 ans !


Le Canada se drape de tolérance envers les minorités — tout en assumant des épisodes de Québec bashing, devenus chroniques dans l’histoire des deux solitudes. Ce paradoxe, commun au monde anglo-saxon, remonte à l’origine même du libéralisme britannique, estime Patrick Moreau, professeur au collège Ahuntsic qui participait, mercredi, à un colloque consacré à « la condescendance francophobe en contexte canadien ».


« Les sociétés anglo-saxonnes en général — et la société canadienne en particulier — se présentent toujours comme très libérales, très à cheval sur les droits individuels et la tolérance, explique M. Moreau, qui collabore par ailleurs à la section Idées du Devoir. En même temps, elles ont souvent, à travers l’histoire, connu des accès d’intolérance. »


Pour le professeur, invité à prendre la parole au congrès de l’Acfas mercredi, « le ver est dans le fruit » depuis la naissance de la tolérance religieuse proclamée au XVIIe siècle par le pouvoir anglican. « L’Angleterre autorisait toutes les sectes protestantes, ce qui était exceptionnel en Europe, à l’époque. En revanche, cette tolérance excluait les catholiques et les athées. Nous sommes tolérants, mais pas à l’égard de toutes et de tous. »


Ce même réflexe s’applique encore aujourd’hui envers le Québec, maintient le professeur Moreau. Le Canada anglais prétend accueillir et célébrer les différences. Sauf certaines, souvent québécoises.


« Dès qu’on nous montre la diversité canadienne, il faut qu’on nous montre une femme voilée, un turban, etc., poursuit le chercheur, en entrevue au Devoir. Comme si la seule différence admissible était en réalité superficielle. Si les Québécois se contentaient d’être une minorité parmi d’autres, arborant la ceinture fléchée lors de la Saint-Jean, le Canada s’en réjouirait et les tolérerait comme il tolère n’importe quel costume de n’importe quelle minorité ethnique ou religieuse. »


Or, le Québec dérange au point de devenir intolérable, soutient M. Moreau, parce que la différence qu’il revendique réfute la suprématie du modèle anglo-saxon.


« Ce qui est inacceptable aux yeux du Canada anglais, c’est cette volonté du Québec de faire société en français et selon des termes politiques qui ne sont pas ceux de la philosophie politique anglo-saxonne. Autrement dit, de revendiquer des droits linguistiques collectifs. […] La laïcité, c’est un peu la même chose, poursuit le professeur Moreau. On refuse, au Canada anglais, de voir la laïcité comme un modèle légitime de gestion de la diversité. On veut à tout prix y voir l’expression d’une intolérance ethnique à l’égard des autres minorités religieuses. »


Un Québec bashing progressiste


Cette discrimination à l’égard des francophones, M. Moreau note qu’elle a évolué au tournant du XXIe siècle. « La francophobie canadienne était, jusque dans les années 2000, plutôt conservatrice. C’était vraiment une francophobie coloniale issue d’un sentiment de supériorité très britannique et protestant à l’égard de Canadiens français, jugés arriérés, et catholiques, en plus. »


Plus récemment, avance le chercheur, « nous sommes passés à un Québec bashing progressiste, c’est-à-dire que nous allons reprocher au Québec d’être intolérant à l’égard des minorités, de créer une discrimination à l’égard des minorités, donc finalement de refuser les normes du multiculturalisme trudeauiste actuel. »


La saga entourant l’Université d’Ottawa et l’usage du mot en « n » dans une salle de cours a jeté une lumière crue sur le paradoxe de la tolérance canadienne envers ses minorités, insiste le professeur de littérature au collège Ahuntsic. « Il y a eu un glissement que je trouve personnellement assez épatant de la part de gens qui se prétendent fondamentalement antiracistes, mais qui vont insulter des professeurs en les traitant de fucking frogs. Bref, en utilisant un vocabulaire qui est très clairement raciste. »


À son avis, le Québec bashing a encore de beaux jours devant lui. Tant mieux, souligne-t-il, puisque sa disparition voudrait dire la fin d’un Québec qui revendique son droit à faire société autrement.


« Le jour où le Québec bashing va disparaître, ce ne sera pas vraiment une bonne nouvelle pour le Québec, avance M. Moreau. Ça voudra dire, je pense, que le Québec aura renoncé à faire société d’une façon différente du Canada. Autrement dit, il aura adopté le modèle dominant du libéralisme canadien. À ce moment-là, il sera devenu acceptable », conclut le professeur.

 





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