La version prononcée fait foi
Notes pour une allocution du chef du Bloc Québécois
IPSO – 29 novembre 2009
Merci pour cette invitation.
Le titre de mon intervention est celui-ci : « Le Québec a-t-il un avenir dans le
Canada? » La réponse courte à cette question, c’est NON ! Depuis l’échec du
Lac Meech, il y a 20 ans, les fédéralistes québécois et canadiens n’ont cessé de
répéter que le « fruit n’était pas mûr » et que le « terrain n’était pas fertile » pour
tenter de réintégrer le Québec dans la constitution canadienne. Cette absence de
volonté politique dure depuis 20 ans maintenant et un constat s’impose : une
offre constitutionnelle du Canada répondant aux besoins du Québec ne viendra
jamais.
Pendant que les Québécois attendent que les fédéralistes tiennent leur
promesse, le Canada continue à se construire en fonction de ses intérêts et de
ses valeurs qui, trop souvent, vont à l’encontre de ceux du Québec. Pendant ce
temps, la démographie fait en sorte qu’en termes de sièges, le poids politique du
Québec diminue à la Chambre des communes. Le résultat de ce processus
irréversible, c’est la marginalisation politique du Québec. Pour contrer au jour le
jour cette érosion du poids politique du Québec dans le Canada, les Québécois
ont élu une majorité de députés du Bloc à six reprises. Il est important d’élire des
représentants du seul parti exclusivement voué à la défense de nos intérêts et de
nos valeurs. Malheureusement, on aura beau mener cette bataille de tous les
instants, on ne se bat pas à armes égales. L’étau canadien se resserre sur le
Québec.
En 1990, je devenais le premier souverainiste élu à la Chambre des communes.
Presque 20 ans plus tard, j’en arrive toujours à la même conclusion, mais avec
un sentiment d’urgence encore plus prononcé, une conviction encore plus
profonde : La seule véritable solution pour éviter que le Québec ne s’affaiblisse
davantage, c’est de sortir du Canada. Chaque jour qui passe nous affaiblit et
rend plus impérieuse la nécessité de faire la souveraineté du Québec.
Évidemment, je parle en tant que souverainiste, mais la même question aurait pu être posée à un fédéraliste québécois, et je dois dire que je n’aimerais pas être à
sa place.
Car pour le Québec, il n’y a que trois grandes options possibles :
- Il y a le Canada tel qu’il est et qu’il se construit, et qu’on appelle souvent,
de façon erronée, le statu quo;
- La 2e option, c’est celle du fédéralisme renouvelé;
- Et la 3e, c’est la souveraineté.
Comme je le disais d’entrée de jeu, on peut immédiatement écarter l’option du
fédéralisme renouvelé. En 2010, ce sera le 20e anniversaire de l’échec de Meech
et le 15e du référendum de 1995. Ces deux événements posent encore un défi
sérieux à ceux, au Québec, qui prétendent que le Canada peut être réformé dans
le sens des intérêts du Québec. En réalité, depuis 20 ans, il n’y a eu aucune
ouverture réelle envers le Québec en provenance du Canada. On a bien sûr
réussi à arracher quelques concessions : rapatriement partiel de la main
d’oeuvre, congés parentaux, hausse des transferts fédéraux, reconnaissance
politique de la nation québécoise. Mais chaque fois, il faut mener de longues
batailles et ces gains demeurent fragiles, puisque Ottawa peut décider du jour au
lendemain de les annuler ou de les ignorer.
On sait que la Constitution est verrouillée et, même si ce n’était pas le cas, il n’y
a absolument aucun appétit politique au Canada pour satisfaire les aspirations
nationales du Québec. Il n’y a plus aucune proposition, plus aucune ambition sur
la table des fédéralistes québécois non plus. Et puisque nous sommes chez les
IPSO, je dirai ceci : cet échec des fédéralistes québécois équivaut à une faillite
intellectuelle. Ils ont mis le genou par terre et tout ce qui leur reste, c’est le
Canada tel qu’il est et tel qu’il sera. Heureusement, il y a toujours la 3e option, la
seule possible, la souveraineté du Québec.
Il n’y a donc que deux options possibles et aujourd’hui, pour répondre à la
question posée, je vais surtout examiner avec vous l’option du Canada.
Autrement dit, quel avenir pour le Québec dans le Canada tel qu’il est? Comme
je le disais plus tôt, le Canada tel qu’il est, pour le Québec, ce n’est pas le statu
quo, c’est le recul assuré. D’abord, en termes de poids politique, le Québec est
inévitablement appelé à reculer. Il y a déjà une menace bien réelle avec le projet
de loi des conservateurs qui vise à ajouter 34 sièges en Ontario et dans l’Ouest.
Ça, ça veut dire que le poids politique du Québec à la Chambre des communes
sera de 21,9 %, ce qui est moins que notre poids démographique!
En 1867, lorsque le Canada a été formé, le poids politique du Québec était de
36 %. Les conservateurs veulent le ramener à moins de 22 % et la démographie
nous condamne inévitablement à la réduction de notre poids politique. Déjà, en
1982, alors que le Québec comptait 26 % des sièges, le Canada n’a pas hésité à
nous imposer une Constitution et une Charte. Ce Canada que les Québécois ont
connu, avec un Québec qui pesait lourd, eh bien ce Canada-là, il est en train de
disparaître. On n’a qu’à faire la nomenclature de tous les consensus québécois
qui sont ignorés par Ottawa pour réaliser ce qui nous attend. Recul politique,
donc.
Mais aussi recul juridique, du fait de la Constitution et de la Charte canadiennes,
mais aussi de la mondialisation ou, plus précisément, de l’internationalisation des
lois et des normes. D’abord la Constitution et la Charte. Dans la plupart des
domaines, ces textes sont figés pour longtemps, ne serait-ce qu’à cause de la
formule d’amendement qui rend irréaliste toute attente de changement. C’est
pour le moins paradoxal quand on pense qu’il aura suffit d’une majorité pour
exclure le Québec, mais qu’il faut l’unanimité pour l’inclure. Cela dit, ce n’est pas
le statu quo puisque la Cour suprême interprète constamment la législation et ça
va rarement dans le sens du Québec. Le meilleur exemple, c’est la Charte de la
langue française, dont la portée est constamment réduite. Encore dernièrement,
la Cour a désavoué la loi 104 qui visait à boucher une échappatoire à la Charte.
On assiste donc à une érosion des capacités juridiques du Québec, non
seulement à l’interne, mais aussi du fait des traités internationaux, une
compétence quasi exclusive du gouvernement fédéral. Là encore, la
multiplication des ententes internationales réduit d’année en année la capacité
juridique et politique du Québec. Il n’y a aucune illusion à avoir. Le mieux que le
Québec puisse espérer dans le Canada en ces matières, c’est de reculer le
moins possible. C’est ça le seul programme que nous proposent les fédéralistes
québécois. Autrefois, ils nous ont offert la révolution tranquille et aujourd’hui,
c’est la renonciation tranquille. Je ne vois rien là de très réjouissant ou
d’emballant et je vous parle en connaissance de cause : je suis en première
ligne.
Au Bloc Québécois, nous nous battons tous les jours pour empêcher les reculs et
pour faire avancer le Québec. Nous réussissons au-delà de toute espérance. Je
prêche pour ma paroisse, mais je suis fermement convaincu que la création du
Bloc nous a donné un répit, en ce sens que le Québec a concentré ses forces au
sein d’un parti qui est libre de défendre les intérêts du Québec. Il y a maintenant
un prix politique élevé à payer pour les partis fédéraux qui affrontent trop
ouvertement le Québec. Quand, par exemple, l’Assemblée nationale est unanime
sur une question et qu’on y ajoute la voix du Bloc, ça signifie que des 200 élus du
Québec, il y en a à peu près 175 sur 200 qui parlent d’une même voix. En fait,
avec la création du Bloc, le Québec s’est donné un outil pour ralentir et amoindrir
l’érosion de sa force politique dans le Canada. Il s’agit cependant d’une posture
défensive. Il est très clair à mes yeux qu’en matière de poids politique et juridique
du Québec dans le Canada, la situation ne peut qu’empirer.
Maintenant, la question nationale. Pour assurer notre cohésion nationale, il
m’apparaît que les éléments les plus importants sont l’intégration des nouveaux
arrivants, la langue, la culture et nos valeurs fondamentales. Comme c’est le cas
pour la plupart des nations occidentales, nous sommes confrontés au défi
d’accueillir de nouveaux arrivants de partout et de concilier la diversité et la
cohésion sociale et nationale. Ces défis sont déjà immenses pour les pays
souverains. La nation québécoise, elle, doit en plus relever ce défi en ayant le
statut juridique de province canadienne. C’est très difficile, évidemment.
La première attitude à adopter, c’est l’ouverture réelle envers les Québécois
issus de l’immigration. C’est le sens du travail fait par le Bloc depuis 2000 à la
suite de notre chantier de réflexion sur la citoyenneté et l’adoption de notre
proposition principale. Je note d’ailleurs que ce travail immense n’aurait pu être
accompli sans la contribution inestimable d’intellectuels comme Michel Seymour
ou Micheline Labelle, pour ne nommer qu’eux. Nous avons poursuivi notre tâche
en lançant la campagne « Québécois sans exception » et en faisant en sorte que
plusieurs de nos candidats issus de l’immigration se présentent dans des
circonscriptions gagnantes. Ces résultats ont porté fruit dès 1993 avec l’élection
d’Osvaldo Nuñez, le premier député d’origine sud-américaine à la Chambre des
communes. Et les années suivantes, avec l’élection de la première femme
d’origine haïtienne, Vivian Barbot, la première femme d’origine libanaise, Maria
Mourani, le premier député originaire d’Afrique sub-saharienne, Maka Kotto, les
deux premières Québécoises d’origine asiatique, Meili Faille et Ève-Mary Thaï
Thi Lac, et le premier député québécois autochtone, Bernard Cleary.
C’est un exemple d’ouverture concrète, qui lance le signal d’une réelle volonté
d’intégrer tout le monde à la nation québécoise et au mouvement souverainiste.
C’est aussi le sens de la politique québécoise d’intégration que nous appelons
l’interculturalisme. Dans tous les cas, l’idée centrale, c’est que les nouveaux
arrivants, sans qu’ils aient à gommer leurs caractéristiques culturelles propres,
se joignent à la nation québécoise, en français et en respectant nos valeurs
communes. Ce serait déjà un défi important dans un Québec souverain, où notre
nation ne formerait toujours que 2 % de la population nord-américaine. Mais
dans le Canada, les défis sont beaucoup plus difficiles à surmonter.
D’abord, je l’ai dit, la Charte canadienne vient limiter, quand ce n’est pas
contrecarrer, les outils qu’on s’est donnés au Québec. Le meilleur exemple, bien
sûr, c’est la loi 101. Dans les secteurs du transport interprovincial, les
télécommunications, les banques, les ports et les aéroports, il y a plus de
200 000 Québécois qui ne sont pas protégés par la loi 101 en ce qui concerne la
langue de travail. Cela illustre bien ces limitations dont je parle. Tandis que le
dernier jugement de la Cour suprême, qui casse la loi 104, illustre la capacité
qu’elle a de contrecarrer nos politiques.
Ensuite, les nouveaux arrivants au Québec se font dire que le Canada est un
pays bilingue et surtout anglophone. Ils se font dire que la politique de
citoyenneté est fondée sur l’idéologie canadienne du multiculturalisme. Ils
réalisent rapidement que le gouvernement qui donne le passeport, le
gouvernement qui donne la citoyenneté, le gouvernement qui dirige les
ambassades, celui qui a le dernier mot juridiquement, politiquement et
financièrement, c’est le gouvernement canadien. On est donc pris dans une
situation où les nouveaux arrivants ont le choix : soit ils s’identifient et rejoignent
la nation la plus forte, dans la langue principale de l’Amérique du nord et la lingua
franca dans le monde, soit ils se joignent à la nation québécoise. À mon avis,
dans ces circonstances, c’est déjà un exploit remarquable que nous réussissions
à intégrer la moitié des nouveaux arrivants à la majorité francophone au Québec.
Pour ce qui est de la langue, le fait semble incontestable qu’il y a une érosion de
la place du français à Montréal ou, à tout le moins, une stagnation. Les
entreprises sous juridiction fédérale, qui ne sont pas soumises à la loi 101,
oeuvrent dans des domaines qui sont en croissance. On peut donc craindre que
la situation empire de ce côté-là.
Le financement de la culture québécoise est maintenant très tributaire d’Ottawa
et on a vu que le simple caprice idéologique d’un premier ministre peut faire des
dégâts importants. La politique des quotas à la radio et à la télévision, qui était
une sorte de protectionnisme culturel, a de moins en moins de prise sur une
réalité façonnée par le monde numérique, un monde qui échappe souvent aux
réglementations. Et la question culturelle est conditionnée par une réalité très
différente au Canada et au Québec. Au Canada, la population consomme en
grande majorité une culture mondialisée et surtout, en fait, américaine. 75 % de
la télévision regardée par les Canadiens est américaine. Au Québec, c’est le
contraire : 75 % de la télévision regardée par les Québécois est québécoise.
Mais c’est le Canada qui est maître du jeu dans ces domaines et qui prend des
décisions en fonction de deux réalités complètement contradictoires. Ça n’augure
rien de bon.
Au Canada, quand les gouvernements injectent de l’argent pour la culture, c’est
souvent vu comme une dépense de riches, une dépense un peu frivole. Certains
confondent bêtement culture et divertissement. Au Québec, quand on investit en
culture, non seulement on se donne des outils nécessaires à notre existence
même, mais en plus, comme je le disais, on investit dans un moteur économique
en pleine croissance. Mais voilà : Ottawa intervient dans la culture québécoise
sans même reconnaître le caractère national de notre culture. Là encore, ça
n’augure rien de bon pour l’avenir.
Il y a ensuite la question des intérêts stratégiques du Québec. Quand je parle
d’intérêts stratégiques, ça signifie des intérêts fondamentaux, qui ne dépendent
pas de l’actualité ou des conjonctures à court ou moyen terme. La nécessité,
pour une petite nation comme le Québec, de faire partie d’un vaste marché nordaméricain,
de ne pas être enfermé dans le Canada en matière de commerce, fait
de notre appartenance à l’ALENA, par exemple, un intérêt stratégique évident.
Je pourrais aussi vous parler de Toronto, qui est la capitale financière et
économique du Canada et qui va le demeurer, aux dépens de Montréal, tant que
celle-ci ne deviendra pas la métropole d’un pays souverain. C’est stratégique
pour une nation d’avoir une grande métropole de stature internationale, mais
dans un pays comme le Canada, il ne peut y avoir plus qu’une métropole. Il faut
choisir et Ottawa a choisi Toronto. Et cela n’ira qu’en s’accentuant comme le
montre cette volonté d’Ottawa de concentrer à Toronto les pouvoirs en matière
de valeurs mobilières.
Mais je veux surtout vous parler d’une question stratégique qui m’apparaît
vraiment cruciale et c’est celle de l’énergie et de l’environnement. On le sait, le
Québec est bien placé pour atteindre les objectifs du protocole de Kyoto, soit une
réduction de 6 % de ses émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau
de 1990. Si le Québec avait accès à un marché du carbone, de nombreux
secteurs économiques seraient aujourd’hui en mesure de vendre des crédits de
carbone et les entreprises seraient fortement incitées à réduire leurs émissions
pour profiter au maximum de ce marché. Pour avoir accès à un tel marché,
cependant, il faut que le pays en question se soit donné des objectifs de
réduction chiffrés et contraignants et ce n’est pas le cas du Canada et ce n’est
pas à veille de changer. Sur cette question, le Québec et le Canada ont des
intérêts stratégiques complètement opposés.
Avec la Norvège, le Québec est l’endroit dans le monde qui dépend le moins du
pétrole dans son bilan énergétique. Malgré cela, avec un baril de pétrole à 75 $
comme c’est le cas ces jours-ci, le Québec doit importer pour 20 milliards de
pétrole brut par année. 20 milliards! Si, comme la plupart des experts le
prédisent, le prix du brut grimpe au cours des prochaines années, ça sera encore
pire. À 125 $ le baril, nos importations vont s’élever à 31 milliards par année.
C’est 31 milliards qui ne seront pas investis au Québec et qui vont accentuer
terriblement notre déficit commercial. Imaginez : 31 milliards, c’est 10 % du PIB
du Québec. Et si jamais le baril atteint les 200 $, ce sera 50 milliards par année.
Cette véritable saignée financière est bien pire pour le Québec que le
vieillissement de la population, la hausse des dépenses en santé et les déboires
de la Caisse de dépôts réunis. Ce sera insoutenable pour l’économie du
Québec. Il nous faut impérativement réduire notre dépendance au pétrole et une
telle corvée nationale nécessite l’intervention de l’État avec tous les outils
disponibles, dont un marché du carbone.
Mais le Québec, appauvri par le pétrole, est pris dans le Canada, un pays qui
s’enrichit avec le pétrole. En ce moment, quand les fédéralistes nous disent que
les sables bitumineux enrichissent aussi le Québec, c’est comme s’ils nous
disaient : « Qui s’appauvrit s’enrichit! » Le Canada prend de plus en plus l’allure
d’un État pétrolier, avec des politiques qui vont toutes dans ce sens-là. En fait,
c’est toute la politique économique et environnementale d’Ottawa qui est conçue
en fonction des intérêts pétroliers. Ça rend terriblement difficile pour le Québec
de réduire sa dépendance au pétrole. On ne peut pas se permettre ça.
En réduisant de moitié notre dépendance au pétrole d’ici 2020 par exemple, c’est
entre 15 et 25 milliards de plus que nous pourrions investir chez nous, chaque
année. C’est gigantesque et hautement stratégique. Mais, pris comme il l’est
dans les filets du Canada pétrolier, le Québec peine à avancer vers la réduction
de sa dépendance au pétrole. Et là, tous les pays s’en vont à Copenhague pour
des négociations cruciales et ce Canada pétrolier, le Canada de Harper, s’aligne
sur l’Arabie Saoudite.
Ce n’est pas faute de fouetter le gouvernement Harper : la Chambre a adopté
une motion du Bloc qui fixe des objectifs et offrirait une solide position pour le
Canada. Mais on a affaire à un gouvernement pour qui les intérêts pétroliers
priment sur l’intérêt public ou même l’intérêt commun de l’humanité. M. Harper
nous dit que le Canada va s’aligner sur l’administration Obama. La conséquence
de cela, c’est que l’année de référence ce sera 2005 au lieu de 1990 et tous les
efforts de nos entreprises pendant 15 ans, tous les efforts du Québec seront
effacés. Les pétrolières, elles, vont pouvoir en profiter.
C’est la politique du pollueur-payé, où l’Alberta est récompensée et le Québec
pénalisé. Dans le Canada, le Québec est comme un goéland englué dans le
goudron à la suite d’un déversement pétrolier. Voilà ce que nous proposent les
fédéralistes québécois. Et si ce que je dis très clairement ici n’est pas exact, je
mets au défi les fédéralistes québécois de nous en faire la démonstration. Elle
est où l’ouverture? Quelle est la proposition? Cette question, je la pose depuis
des années et tout ce qu’on entend, c’est « le fruit n’est pas mûr » ou « le terrain
n’est pas fertile ». Ce n’est pas le fruit qui n’est pas mûr, c’est l’arbre qui est
pourri! Et le terrain, c’est un désert constitutionnel.
Ce que je viens de décrire comme avenir pour le Québec, c’est son avenir dans
le Canada et c’est seulement une des deux options qui s’offrent au Québec.
C’est l’option qui nous est proposée par Jean Charest, par les fédéralistes qui,
comme je l’ai dit, ont abdiqué leurs responsabilités. Heureusement, il y a une
autre option pour le Québec, une voie qui nous permet d’affirmer que tout
demeure possible. Il s’agit évidemment de la souveraineté, mais aussi d’une
politique et d’une attitude souverainistes. Il faut regarder la réalité en face, sans
complaisance. Et la réalité, c’est que l’attitude qui consiste à travailler en fonction
du grand soir seulement, l’attitude du tout ou rien, la souveraineté ou rien du tout,
cela fait le jeu du Canada.
20 ans après l’échec de Meech, rien n’a changé et ça, c’est parfait pour le
Canada qui continue à se construire. Malgré un référendum où une majorité
sentie de francophones a voté pour la souveraineté, rien n’a fondamentalement
changé. Les fédéralistes québécois ont abandonné. On ne peut pas accepter un
tel état de fait. Alors, c’est à nous, les souverainistes, de montrer du leadership et
de mettre au défi le Canada de répondre aux aspirations du Québec.
C’est ce que nous avons commencé à faire en toute bonne foi, par exemple en
proposant de modifier le Code du travail pour que la loi 101 puisse s’appliquer
aux entreprises sous compétence fédérale. Il n’y a aucune impossibilité
constitutionnelle là. Tout comme il serait tout à fait envisageable de rapatrier
pouvoirs et budgets en culture et pour les télécommunications. Comprenez bien
que notre but, ce n’est pas la réforme du fédéralisme canadien, qui n’est qu’une
illusion. Notre but, c’est que le Québec soit le plus libre possible de ses propres
choix! Bien sûr, le Canada et Ottawa vont résister. Il y a là un test et les
Québécois tireront leurs conclusions. Ce qu’on sait, c’est que les Québécois sont
encore très nombreux, en fait aussi nombreux qu’en 1995, à souhaiter la
souveraineté. Mais ils sont aussi très nombreux à espérer encore une ouverture
du Canada, un statut spécial pour le Québec. Et enfin, ils sont très nombreux
aussi à croire que la souveraineté ne se réalisera jamais.
Nous devons donc résoudre deux difficultés importantes : contrer l’illusion d’un
éventuel statut particulier pour le Québec et cette idée, ce fatalisme voulant que
la souveraineté ne se réalise jamais. Il faut inverser cette tendance en essayant
d’aller aussi loin que possible pour élargir la marge de manoeuvre du Québec
dans le Canada. Nous devons le faire de bonne foi, en essayant de réaliser des
gains substantiels. Quand nous arriverons au bout de nos possibilités, ce sera à
nous d’exposer clairement la situation aux Québécois et de leur montrer que le
Québec est dans une impasse.
Parallèlement, nous devons aussi expliquer et convaincre les Québécois que la
souveraineté, on veut et on va la réaliser. Ça fait des années, au Bloc
Québécois, que nous le faisons. En 2005, notre proposition principale, notre
programme portait exclusivement sur la souveraineté, sur ce que serait le
Québec souverain dans les domaines de compétence fédérale comme la
politique étrangère, les transports ou le commerce international. Nous avions
d’ailleurs été les premiers à l’époque à proposer une entente de libre-échange
avec l’Europe. On ne va pas s’arrêter là, au contraire, nous allons accélérer et
intensifier nos efforts.
Pour reprendre les trois thèmes que j’ai abordés, c’est facile d’expliquer que le
meilleur est à venir avec l’option souverainiste. D’abord, dans un Québec
souverain, notre poids politique passera de 22 % à 100 %! Notre capacité à
déterminer nous-mêmes nos lois, nos chartes et notre constitution passera de
zéro à 100 %. Notre capacité de parler en notre propre nom dans les forums
internationaux passera de presque zéro à 100 %.
En matière d’intérêts stratégiques, pour ne prendre qu’un seul exemple, le
Québec souverain sera en mesure d’adopter une politique nationale de réduction
de notre dépendance au pétrole qui permettra de faire du Québec l’État le plus
propre et un des plus prospères d’Amérique. Si ça ce n’est pas un projet de
société ambitieux et enthousiasmant, je ne sais pas ce que c’est. Et pour la
question nationale, un Québec souverain pourra établir sans aucune ambiguïté
une citoyenneté conforme à ce que nous sommes et à ce que nous voulons
devenir. Ce pays-là sera francophone et il n’y aura pas de malentendus. Et
finalement, avec deux pays, et le Canada et le Québec pourront se construire à
leur goût sans devoir sans cesse s’obstiner.
En 2010, cela fera 20 ans que j’aurai été élu comme premier député
souverainiste à Ottawa. Après ces 20 ans, avec le bagage que j’ai aujourd’hui,
j’ai le sentiment que le meilleur est devant moi, que le meilleur reste à venir. La
coalition bloquiste, et donc le Bloc Québécois, lui aussi aura 20 ans l’année
prochaine. Le Bloc Québécois a atteint une belle maturité. Nous savons très bien
ce que nous sommes et ce que nous voulons.
Le Bloc Québécois a été créé en réaction à Meech. Depuis, nous sommes dans
l’action, et nous faisons tout ce qui est possible pour retarder et atténuer cette
érosion des pouvoirs du Québec dans le Canada. Et surtout, on ne perd jamais
de vue notre objectif premier. Nous allons continuer à être un des fers de lance
du mouvement souverainiste. Nous allons continuer à imaginer le Québec
souverain et à mettre notre projet à jour continuellement et nous allons intensifier
nos efforts.
Et pour ça, on a besoin de vous, les intellectuels. Vous avez en face de vous des
adversaires qui sont en faillite intellectuelle. Nous sommes confrontés à l’illusion
que le Canada pourrait répondre aux aspirations du Québec. Il est temps que les
intellectuels souverainistes reprennent toute leur place, que les journaux et
toutes les tribunes soient inondés d’interventions qui brisent l’illusion fédérale.
Des interventions qui montrent que la souveraineté, ça va dans le sens de
l’histoire. Vous avez une responsabilité comme souverainistes, une
responsabilité face à l’histoire, comme tous les Québécois, celle de vous
impliquer, de vous investir, pour faire en sorte que le meilleur puisse advenir.
Notes pour une allocution du chef du Bloc Québécois
« Le Québec a-t-il un avenir dans le Canada ? Non ! »
Une offre constitutionnelle du Canada répondant aux besoins du Québec ne viendra jamais
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